Cour de Cassation
Chambre civile 1
Rejet.
Arrêt N° 285.
13 avril 1983.
Pourvoi N° 82-11.026
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur le pourvoi formé par 1°/ La Société Civile de Gestion VENDOME, dont le siège est actuellement chez Monsieur Pierre Y, "Le Bois des Grottes", Asnières les Dijon, Messigny (Côte-d'Or),
2°/ Monsieur Pierre, Louis Victor X, demeurant "Le Bois des Grottes", Asnières Les Dijon, Messigny (Côte-d'Or), 3°/ Madame W Geneviève, épouse de Pierre XY, demeurant "Le Bois des Grottes", Asnières Les Dijon, Messigny (Côte-d'Or), 4°/ Monsieur Gérard, Louis, Marie XY, demeurant "Le Bois des Grottes", Asnières Les Dijon, Messigny (Côte-d'Or), 5°/ Monsieur Philippe, Alexis, Laurent XY, demeurant Pont de Passy, Agey, Pont de Pany (Côte-d'Or),
en cassation d'un arrêt rendu le25 novembre 1981 par la Cour d'appel de Paris (15ème chambre, section A), au profit de 1°/ Madame Marie Hélène XY, épouse de Monsieur V de la GRAVIERE, demeurant le Bois des Grottes, Asnières les Dijon, Messigny (Côte-d'Or),
2°/ Monsieur Christian XY, demeurant à Paris (17ème),
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation suivant
"Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé pour abus de majorité les délibérations d'une société civile de gestion décidant de consacrer les bénéfices sociaux à l'acquisition de nouveaux titres plutôt que de les répartir entre les associés et d'avoir, sur le fondement de cet abus, autorisé les associés minoritaires à se retirer de la société en reprenant leurs apports, aux motifs qu' "aux termes de l'article 1832 du Code civil, le partage des bénéfices obtenus par la réalisation de l'objet social est une règle fondamentale du contrat de société, sans l'application de laquelle ce contrat se trouve totalement vidé de sa substance dès lors que la société n'avait pas été créée spécialement pour profiter de l'économie qui pourrait résulter de son activité; qu'il s'ensuit que, dans le présent cas, les intimés ont commis un abus de majorité manifeste et caractérisé en s'opposant chaque année, systématiquement, à toute distribution de dividende alors que ceux-ci pouvaient l'être sans difficulté en raison de l'importance des bénéfices réalisés et ce, dans le cadre de la société de famille que constituait la Société civile de gestion Vendôme, précisément pour nuire à un membre de la famille et absolument pas dans l'intérêt d'une saine gestion de ladite société" (arrêt p.5 dernier alinéa et p.6 alinéa 1), alors qu'une délibération régulièrement prise par l'assemblée générale d'une société n'est entachée d'abus que si elle est adoptée d'une part sans égard à l'intérêt de la société, d'autre part, uniquement en vue de favoriser l'intérêt personnel des associés majoritaires au mépris des droits des autres, que, d'une part, en se bornant à affirmer l'existence d'un "abus manifeste et caractérisé" sans expliquer en quoi la décision de report des bénéfices aurait été contraire à l'intérêt social, la Cour d'appel a méconnu la première condition pour qu'il y ait abus de majorité et violé l'article 1382 du Code civil, que, d'autre part, en se bornant à affirmer que les délibérations litigieuses auraient été prises pour nuire à un membre de la famille, sans expliquer en quoi le report des bénéfices aurait servi un intérêt personnel des associés majoritaires au mépris de l'intérêt des autres associés, la Cour d'appel a méconnu la seconde condition pour qu'il y ait abus de majorité et violé l'article 1382 du Code civil".
Sur quoi, LA COUR, en l'audience publique de ce jour.
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le Laboratoire pharmaceutique Monot exerce l'essentiel de ses activités par l'intermédiaire de la Société anonyme Groupement Européen Pharmaceutique (G.E.P.), au sein de laquelle M. Pierre XY et son épouse étaient associés majoritaires; que ceux- ci ont donné des actions à leurs enfants; que, le 18 avril 1977, les époux XY ont constitué avec leurs enfants, Christian, Gérard, Philippe et Marie- Hélène, épouse Jurien de la Gravière, la Société civile de gestion "Vendôme", ayant pour objet "la propriété et la gestion d'actions du G.E.P., la propriété et la gestion de toutes autres valeurs mobilières, parts d'intérêt... la gestion de tous capitaux dont elle pourrait disposer..."; que M. Jurien V V V, membre du Directoire et Directeur Général du G.E.P., qui ne s'entendait plus avec son beau-père, a été révoqué de ses fonctions le 25 mai 1978; que lors des assemblées générales annuelles de la Société civile de gestion Vendôme, tenues le 21 juin 1978, le 21 juin 1979, le 26 juin 1980 et le 17 juin 1981, M. Pierre TYXU a fait voter le report des bénéfices, malgré l'opposition de sa fille ... et de son fils Christian, qui ne représentaient à eux deux que le quart du capital social, de telle sorte que Mme Jurien V V V et son frère Christian TYXU n'ont perçu aucun dividende, malgré les importants bénéfices réalisés par la Société civile de gestion Vendôme, affectés pour l'essentiel à l'achat d'actions du G.E.P.; que Mme Jurien V V V a assigné ses parents, les époux TYXU TYXU, ses frères Gérard, Philippe et Christian, et la Société civile de gestion Vendôme aux fins, notamment, d'annulation des délibérations des assemblées générales ordinaires des 21 juin 1978, 21 juin 1979, 26 juin 1980 et 17 juin 1981, ainsi que d'autorisation de retrait de la Société civile et de reprise de 4.000 actions du G.E.P.; que l'arrêt attaqué a accueilli ces demandes;
Attendu que la Société civile de gestion Vendôme, les époux TYU TYU et X et Philippe TYXU, font grief à la Cour d'appel d'avoir annulé, pour abus de majorité, les délibérations des assemblées générales ordinaires de ladite Société civile, reportant les bénéfices des années 1977, 1978, 1979 et 1980, et autorisé, sur le fondement de ces abus, le retrait des associés minoritaires, alors que, d'une part, en se bornant, selon le moyen, à affirmer l'existence d'un "abus manifeste et caractérisé", sans expliquer en quoi la décision de report des bénéfices est contraire à l'intérêt social, la juridiction du second degré a violé l'article 1382 du Code civil, alors que, d'autre part, en s'abstenant d'indiquer en quoi ce report à servi l'intérêt personnel des associés majoritaires, au mépris de l'intérêt des autres associés, les juges d'appel ont, de nouveau, violé l'article précité;
Mais attendu que la Cour d'appel, après avoir rappelé l'article II des statuts de la Société civile de gestion Vendôme, aux termes duquel chaque part donne droit à la répartition des bénéfices proportionnellement au nombre de parts, a caractérisé les deux éléments de l'abus du droit commis par la majorité des associés lors des assemblées générales, en énonçant, en premier lieu, qu'en s'opposant chaque année, systématiquement, à toute distribution de dividende, malgré l'importance des bénéfices réalisés, les associés majoritaires ont, au mépris de la règle fondamentale posée par l'article 1832 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, vidé de sa substance le contrat constitutif de la Société, et en relevant, en second lieu, que les décisions de report des bénéfices ont été prises dans l'intention de nuire à Mme Jurien V V V - qui ne pouvait plus profiter du seul avantage attaché à sa qualité de porteuse de parts; que par ces énonciations la juridiction du second degré a légalement justifié sa décision;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé.
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu, le 25 novembre 1981, par la Cour d'appel de Paris.
Sur le rapport de M. ... ... ..., les observations de la société civile professionnelle de Chaisemartin et Barthélémy, avocat de la Société civile de gestion Vendôme et des consorts TYXU, de Me Célice, avocat de Mme Jurien TYVXU TYVXU TYVXU, née TYVXU et de M. Christian TYXU, les conclusions de M. ..., Avocat général. M. ..., Président.