COUR DE CASSATION
Chambre sociale
Audience publique du 9 octobre 2001
Pourvoi n° 99-43.661
Mme Michèle ..., épouse ...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Arrêt n° 4038 FS-P+B
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Michèle ..., épouse ..., demeurant Somain,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 septembre 1998 par la cour d'appel d'Amiens (chambre solennelle), au profit
1°/ de l'association L'Eveil somainois, dont le siège est Somain,
2°/ de la société Sinka Nord, société à responsabilité limitée, dont le siège est Douai,
défenderesses à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 juillet 2001, où étaient présents M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, MM. ..., ... ..., ..., ..., ..., Mmes ... ..., ..., conseillers, M. ..., Mme ..., MM. ..., ..., ..., Mme ..., conseillers référendaires, M. Benmakhlouf, premier avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les observations de Me ..., avocat de Mme ..., de Me ..., avocat de la société Sinka Nord, les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen relevé d'office après l'avertissement prévu à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile
Vu les articles L. 122-12, alinéa 2, L. 132-2 et L. 132-8 du Code du travail ;
Attendu que, lorsqu'une entité économique est transférée, les contrats de travail sont poursuivis avec le nouvel employeur ; que celui-ci doit également appliquer au personnel de l'entité économique transférée les usages et engagements unilatéraux en vigueur au jour du transfert ; que, si la convention ou l'accord collectif en vigueur dans l'entité économique est mis en cause au sein de l'entreprise d'accueil, une négociation doit s'ouvrir entre l'employeur et les syndicats représentatifs en vue de la conclusion d'un accord de substitution ; qu'à défaut d'un tel accord, et pendant une durée d'un an, l'ancien accord ou convention collective demeure applicable ;
Attendu que Mme ... a été engagée, le 4 septembre 1987, par contrat de travail à temps partiel, en qualité d'agent de service affecté au nettoyage, par l'association L'Eveil somainois à laquelle a succédé, à compter du 1er janvier 1991, la société Sinka Nord ; que, par lettre du 17 décembre 1990, la société Sinka Nord a proposé à la salariée la reprise de son contrat de travail ; qu'en l'absence de réponse à cette proposition de la part de la salariée qui, étant en arrêt maladie à compter du 20 décembre 1990, n'a pas repris le travail le 2 janvier 1991, la société Sinka Nord, tout en maintenant ses propositions de réembauchage, a pris acte, les 31 décembre 1990 et 7 janvier 1991, de la démission de la salariée ; que celle-ci a saisi, le 25 janvier 1991, la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que, pour débouter la salariée de ses demandes, la cour d'appel, statuant sur renvoi après cassation (Chambre sociale, 3 juin 1997, arrêt n° 2391 D), a énoncé qu'une négociation au sens de l'article L. 132-8 du Code du travail s'était effectivement engagée entre la société Sinka Nord et le personnel repris par celle-ci quant à la convention collective qui leur serait applicable, que si un accord avait pu intervenir sur le maintien des éléments essentiels du contrat de travail que constituaient les conditions d'exécution et de rémunération des emplois occupés, il n'en avait pas été de même pour les avantages annexes, telle la gratuité scolaire pour les enfants, dont bénéficiaient les salariés considérés, ces derniers étant simplement soumis aux dispositions de la convention collective du personnel des entreprises de nettoyage ; qu'après que plusieurs propositions d'intégrer l'entreprise, aux mêmes conditions de travail et de salaire que précédemment mais, pour le reste, dans le cadre des dispositions de la convention collective susmentionnée, lui eurent été faites par la société Sinka Nord, Mme ... avait indiqué dans son courrier du 2 juillet 1991 qu'elle était disposée à reprendre son travail mais dans les conditions antérieures et sous réserve du maintien des "avantages acquis auprès de l'ancien employeur" ; que, par suite, et alors que l'article L. 122-12 du Code du travail n'entraînait pas pour le nouvel employeur l'obligation de faire application des accords précédemment conclus et qu'il existait une nouvelle convention collective applicable, Mme ... devait être regardée comme ayant implicitement mais nécessairement refusé le transfert proposé sans pour autant démontrer ni même alléguer une modification de son contrat de travail par son nouvel employeur ; que la salarié étant ainsi seule à l'origine de la rupture de son contrat, ne pouvait qu'être déboutée ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que seule une négociation poursuivie avec les syndicats représentatifs pouvait aboutir à un accord collectif opposable aux salariés, et alors, d'autre part, qu'à défaut d'un tel accord, Mme ... était en droit de se réclamer du statut collectif applicable au sein de l'association L'Eveil somainois, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions ayant dit que la salariée était seule à l'origine de la rupture du contrat de travail et l'ayant déboutée de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Sinka Nord, l'arrêt rendu le 14 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Sinka Nord aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille un.