Jurisprudence : CA Dijon, 09-04-2024, n° 22/01450, Confirmation


S.A.R.L. LE JARDIN DE RABELAIS


C/


DIRECTION INTERREGIONALE DES DOUANES DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE


RECETTE INTERREGIONALE DES DOUANES DE LA DIRECTION INTERREGIONALE DES DOUANES DE BOURGOGNE


Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON


1re chambre civile


ARRÊT DU 09 AVRIL 2024


N° RG 22/01450 - N° Portalis DBVF-V-B7G-GCEF


MINUTE N°


Décision déférée à la Cour : jugement du 15 novembre 2022,

rendu par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 20/01826



APPELANTE :


S.A.R.L. LE JARDIN DE RABELAIS société immatriculée au RCS de TOURS sous le n°950 454 512

[Adresse 6]

[Localité 4]


Assistée de Me Matthieu TORET, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représentée par Me Fabien KOVAC, membre de la SCP DGK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 46


INTIMÉES :


DIRECTION INTERREGIONALE DES DOUANES DE BOURGOGNE - FRANCHE-COMTE - CENTRE VAL-DE-LOIRE

[Adresse 3]

[Localité 2]


RECETTE INTERREGIONALE DES DOUANES DE LA DIRECTION INTERREGIONALE DES DOUANES DE BOURGOGNE - FRANCHE-COMTE - CENTRE VAL-DE-LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 2]


Assistées de Me Jean DI FRANCESCO, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représentées par Me Jean-Hugues CHAUMARD, membre de la SCP CHAUMARD TOURAILLE, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 96



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 05 décembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :


Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,


Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie RANGEARD, Greffier


DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 06 Février 2024 pour être prorogée au 05 Mars puis au 09 Avril 2024,


ARRÊT : rendu contradictoirement,


PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛,


SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


*****



FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES


La SARL Le Jardin de Rabelais (la société) a pour activité la production industrielle de tomates. Elle exploite 7 serres d'une superficie de 16,7 hectares reparties sur 3 sites qui emploient 350 salariés.


Elle estime qu'elle remplit les conditions d'éligibilité aux taux réduits de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) prévu à l'article 266 quinquies C du code des douanes🏛, en raison de l'exploitation d'installations industrielles de retraitement des eaux usées et de production d'eau chaude.

Sur la période du 1er janvier 2016 au 31 juillet 2018, elle a ainsi déclaré et réglé au titre de la TICFE la somme de 395 531,32 euros sur ses deux sites d'[Localité 4] et de [Localité 5].


L'administration des douanes a contrôlé que les installations exploitées par la société étaient effectivement éligibles, sur la période ci-dessus, au bénéfice de l'un des taux réduits prévus au a du C du 8 de l'article 266 quinquies C du code des douanes.

Après avoir obtenu, en avril 2018, la communication de documents, elle a mis en oeuvre, le 22 octobre 2018, le droit de visite des locaux professionnels de la société, droit dont elle dispose en vertu de l'article 63 ter du code des douanes🏛.

Le 26 juin 2019, l'administration des douanes a adressé à la société son avis, se référant à l'article 345 bis, III du code des douanes🏛, au terme duquel :

- elle concluait que la société n'était pas éligible au bénéfice de l'un des taux réduits prévus au a du C du 8 de l'article 266 quinquies C du code des douanes, pour l'usage de l'électricité,

- elle informait la société que les faits constatés étaient susceptibles de générer une taxation à hauteur de 2 308 089 euros, outre intérêts,

- elle invitait la société, conformément aux articles 67B à 67D-4 du code des douanes, à communiquer ses observations écrites dans un délai de 30 jours.


La société adressait ses observations par courrier du 19 juillet 2019.


Par lettre recommandée du 7 octobre 2019, l'administration des douanes notifiait à la société ses conclusions définitives conformes à son avis.

Puis le 26 février 2020, elle émettait un avis de mise en recouvrement portant sur la somme globale de 2 466 841 euros, dont 158 752 euros d'intérêts.


La société a contesté cet avis de mise en recouvrement par courrier du 7 avril 2020 ; sa contestation a été rejetée par l'administration des douanes par courrier du 3 juillet 2020.


Par acte du 1er septembre 2020, la société a assigné la direction interrégionale des douanes de Bourgogne Franche-Comté - Centre Val de Loire et la recette interrégionale des douanes de Dijon de la direction interrégionale des douanes de Bourgogne Franche Comté- Centre Val de Loire, devant le tribunal judiciaire de Dijon afin d'être déchargée du paiement des causes de l'avis de mise en recouvrement du 26 février 2020.



Par jugement du 15 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Dijon a :

- rejeté les demandes présentées par la société,

- dit n'y avoir lieu à annuler l'avis de mise en recouvrement du 26 février 2020 et la décision de rejet du 3 juillet 2020,

- condamné la société à verser à la direction interrégionale des douanes de Bourgogne Franche-Comté Centre Val de Loire la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- dit n'y avoir lieu à dépens.



Par déclaration du 24 novembre 2022, la société a interjeté appel de cette décision dont elle critique expressément toutes les dispositions à l'exception de celle relative aux dépens.


Aux termes du dispositif de ses conclusions récapitulatives notifiées le 3 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, la société Le Jardin de Rabelais demande à la cour, au visa des textes suivants :

- la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, notamment ses articles 13 et 16,

- le Traité de Rome du 25 mars 1957, notamment son article 249,

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), notamment son article 267,

- l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958,

- la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité,

- le code des douanes notamment ses articles 266 quinquies C et 345 bis,

- le code civil🏛
, notamment son article 2,

- l'article 700 du code de procédure civile,

- le décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007🏛,

- le décret n°2010-1725 du 30 décembre 2010🏛 modifié par le décret n° 2018-802 du 21 septembre 2018🏛,

de :

' la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

' juger illégale la procédure de contrôle douanier effectuée sans aucune base règlementaire, le décret d'application n'ayant jamais été publié,

' juger que la règlementation applicable à la période contrôlée ne satisfait ni à l'exigence d'intelligibilité et de clarté des textes juridiques, ni au principe de sécurité juridique des contribuables,

' juger qu'elle exploitait plusieurs installations industrielles lui permettant de bénéficier des tarifs réduits de TICFE sur la période contrôlée par l'administration,

' juger que l'article 266 quinquies C du code des douanes n'autorisait pas l'administration à refuser le bénéfice des tarifs réduits de TICFE au motif qu'une partie de l'électricité était consommée pour produire de l'eau chaude non commercialisée à des tiers ; à défaut, s'il existe un critère lié à la commercialisation à des tiers pour limiter le bénéfice des tarifs réduits de TICFE, poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l'Union européenne : 'La directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, et notamment son article 5, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une règle nationale, telle que l'article 266 quinquies C du code des douanes qui autorise à fixer, pour un même produit et un même usage, des taux d'accise différents, selon que l'électricité est consommée à des fins de production destinée à des tiers, ou consommée à des fins de production non destinée à des tiers '' 

' juger que le code NAF 37.00Z « Collecte et traitement des eaux usées » ne comportant pas le mot « distribution », l'administration ne pouvait pas lui reprocher de ne pas commercialiser les eaux retraitées à des tiers,

' juger que l'autonomie et l'indépendance des installations industrielles n'est devenue un critère d'éligibilité aux tarifs réduits de TICFE qu'à compter du 1er juillet 2018 et ne peut donc pas lui être opposé sur la période antérieure.

En conséquence,

' infirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a dit n'y avoir pas lieu à dépens,

' annuler l'avis de mise en recouvrement n° 0862/2020/DNA08 et la décision de rejet datée du 3 juillet 2020.

En tout état de cause,


'condamner la direction interrégionale des douanes de Dijon à payer la somme de cinq mille euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens. 


Aux termes du dispositif de leurs conclusions n°3, notifiées le 22 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions, la direction interrégionale des douanes de Bourgogne - Franche-Comté Centre Val-de-Loire et la recette interrégionale des douanes de Dijon de cette direction, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Par conséquent,

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer la validité de la décision de rejet du 3 juillet 2020 et l'avis de mise en recouvrement n° 0862/2020/DNA08 du 26 février 2020,

- condamner la société à payer à l'administration des douanes et droits indirects la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.


La clôture est intervenue le 9 novembre 2023.



MOTIVATION


Sur les textes et la réglementation applicables


' Dans sa version applicable sur la période considérée, l'article 266 quinquies C du code des douanes dispose que :

1. Il est institué une taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité relevant du code NC 2716 de la nomenclature douanière, fournie ou consommée quelle que soit la puissance souscrite, et qui est dénommée " contribution au service public de l'électricité ".

(...)

8. A.-La taxe est assise sur la quantité d'électricité fournie ou consommée, exprimée en mégawattheures ou fraction de mégawattheure.

B.-Le tarif de la taxe est fixé à 22,50 euros par mégawattheure

C.-a. Pour les personnes qui exploitent des installations industrielles électro-intensives au sens où, au niveau de l'entreprise ou de ses sites, le montant de la taxe qui aurait été dû en application du B, sans application des exonérations et exemptions, est au moins égal à 0,5 % de la valeur ajoutée, le tarif de la taxe intérieure de consommation applicable aux consommations finales d'électricité effectuées pour leurs besoins est fixé à :

2 € par mégawattheure, si la consommation du site ou de l'entreprise est strictement supérieure à 3 kilowattheures par euro de valeur ajoutée ;

5 € par mégawattheure, si la consommation du site ou de l'entreprise est comprise entre 1,5 et 3 kilowattheures par euro de valeur ajoutée ;

7,5 € par mégawattheure, si la consommation du site ou de l'entreprise est strictement inférieure à 1,5 kilowattheure par euro de valeur ajoutée.

(...)


' Selon l'article 2 du décret n°2010-1725 du 30 décembre 2010🏛 pris pour l'application de l'article 266 quinquies C du code des douanes, tel que modifié par l'article 3 du décret n°2016-556 du 6 mai 2016🏛, Pour l'application du a du C du 8 de l'article 266 quinquies C du code des douanes, on entend par « installation industrielle »une unité technique fixe au sein de laquelle sont effectuées une ou plusieurs activités relevant des sections B, C, D et E de l'annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises ainsi que toute autre activité s'y rapportant directement exercée sur le même site et techniquement liée à ces activités. »


La cour rappelle que différentes sociétés et quatre groupements professionnels ont formé un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de l'article 3 du décret mai6 mai 2016. Ce recours a été rejeté par le Conseil d'Etat dans son arrêt n°401137⚖️ du 22 février 2017 aux motifs que :

- le principe d'égalité n'était pas méconnu et le décret n'avait pas soumis le bénéfice des traifs réduits de la taxe à des conditions non prévues par la loi (point 6 de l'arrêt),

- la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité n'avait pas été méconnue dès lors que selon le a) du paragraphe 1 de l'article 17 de cette directive, les Etats membres peuvent, pour définir les entreprises grandes consommatrices d'énergie, appliquer des critères plus restrictifs se référant notamment au secteur industriel (point 8 de l'arrêt).


Par ailleurs, la cour relève que l'article 2 du décret n°2010-1725 du 30 décembre 2010 a été modifié par le décret n°2018-802 du 21 septembre 2018 et que dans sa version en vigueur depuis le 24 septembre 2018, non applicable au présent litige, il est libellé comme suit :  Pour l'application du a du C du 8 de l'article 266 quinquies C du code des douanes, présentent un caractère industriel, l'entreprise, le site ou l'installation où sont effectuées à titre principal une ou plusieurs des activités relevant des sections B, C, D et E de l'annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises ainsi que toute autre activité s'y rapportant directement, exercée sur le même site et techniquement liée à ces activités. 


' La circulaire du 11 mai 2016 du ministère des finances et des comptes publics relative à la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (NOR : FCPD 1600922C), publiée au bulletin officiel des douanes n° 7116 du 11 mai 2016, prévoit en ses points 92 à 94, que «'pour bénéficier de l'un des taux réduits prévus au a du C du 8 de l'article 266 quinquies C du code des douanes, les personnes doivent exploiter au moins une installation industrielle et électro-intensive.

Sont considérées comme industrielles, les installations qui exercent au moins une activité relevant des sections B (industrie extractive), C (industrie manufacturière), D (production et distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné) ou E (production et distribution d'eau'; assainissement, gestion des déchets et dépollution) de l'annexe au décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007, portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises (NAF). »


' Il résulte notamment de l'article 5 du décret n°2007-1888 du 26 décembre 2007🏛 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises que :

- l'attribution par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), à des fins statistiques, d'un code caractérisant l'activité principale exercée (APE) en référence à la nomenclature d'activités ne saurait suffire à créer des droits ou des obligations en faveur ou à charge des unités concernées,

- si un texte réglementaire ou un contrat fait référence à ces nomenclatures, les signataires ont l'entière responsabilité du champ qu'ils entendent couvrir. Il leur appartient d'expliciter ce champ aussi complètement qu'il est nécessaire.


' Les activités relevant des sections B, C, D et E de l'annexe au décret du 26 décembre 2007🏛 sont, ainsi que cela est mentionné dans la circulaire du 11 mai 2016 :

- les activités des industries extractives (section B),

- celles de l'industrie manufacturière (section C),

- celles de production et distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné (section D)

- celles de production et distribution d'eau, d'assainissement, de gestion des déchets et de dépollution (section E).


Sont notamment mentionnés dans cette annexe :

- dans la section A de la NAF relative à  l'agriculture, la sylviculture et la pêche, une activité de cultures de légumes, de melons, racines et tubercules sous le code 01.13Z

- dans la section E de la NAF, une activité de traitement des eaux usées avec le code NAF : 35.00Z,

- dans la section D de la NAF, une activité de collecte et de distribution de vapeur et d'air conditionné avec le code NAF : 35.307


' Il résulte du point 5.3.3.1 du guide d'utilisation de la NAF que le code NAF associé à chaque unité est celui correspondant à son activité économique principale, laquelle est définie comme celle qui contribue le plus à la valeur ajoutée de l'unité.


Sur l'illégalité du contrôle douanier


Le dernier alinéa de l'article 266 quinquies C du code douanes dispose que Un décret détermine les modalités d'application de l'assiette de la taxe lorsque les livraisons d'électricité donnent lieu, de la part des fournisseurs, à des décomptes ou à des encaissements successifs ou à la perception d'acomptes financiers. Il détermine également les modalités du contrôle et de la destination de l'électricité et de son affectation aux usages mentionnés aux 4 à 6 et au C du 8.


La société appelante fait observer que le décret qui devait porter à la connaissance des contribuables les modalités du contrôle de la TICFE n'a jamais été publié, ni même rédigé, ce qui est contraire d'une part au principe de sécurité juridique qui requiert que le droit soit clair et précis et d'autre part aux objectifs à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité du droit.

Elle fait valoir qu'elle n'a ainsi jamais été mise en capacité de connaître les modalités du contrôle de la TICFE et donc de s'en prévaloir, si bien que le contrôle d'octobre 2018 est illégal car effectué en l'absence de toute base réglementaire et qu'en conséquence, il y a lieu d'annuler toute la procédure au terme de laquelle l'avis de mise en recouvrement du 26 février 2020 a été émis.


La cour observe qu'il ne peut pas être déduit du seul emploi du mot 'contrôle'' dans le dernier alinéa de l'article 266 quinquies C du code des douanes, que le pouvoir réglementaire devait élaborer une procédure spécifique de contrôle permettant à l'administration des douanes d'apprécier a posteriori si les consommateurs d'électricité redevables de la TICFE s'en étaient acquittés au bon taux.

Toutes les modalités que le pouvoir réglementaire devaient définir étaient destinées à préciser les conditions de fond et de forme dans lesquelles les professionnels devaient payer la TICFE et pour certains, pouvaient prétendre aux taux réduits de TICFE. Or, ces modalités ont toutes été fixées par le décret n°2016-556 du 6 mai 2016🏛 ayant modifié le décret n°2010-1725 du 30 décembre 2010.

En conséquence, le moyen soulevé par la société appelante est inopérant.


En outre, en admettant que le législateur ait confié au pouvoir réglementaire la définition d'une procédure spécifique de contrôle, l'administration des douanes ne pouvait pas, dans l'attente de la publication d'un décret sur ce point, être privée des pouvoirs généraux de contrôle dont elle dispose en vertu d'articles législatifs du code des douanes, qu'elle a d'ailleurs pris soin en l'espèce de rappeler dans tous les actes de la procédure, dont la société appelante avait donc nécessairement connaissance et dont elle ne soutient nullement qu'ils n'auraient pas été respectés.

En conséquence, le moyen tiré de l'illégalité du contrôle est en toute hypothèse, non fondé.


Sur l'application à la société Le Jardin de Rabelais d'un taux réduit de TIFCE


Le litige porte sur l'existence d'installations industrielles au sens de l'article 2 du décret n°2010-1725 du 30 décembre 2010 pris pour l'application de l'article 266 quinquies C du code des douanes, tel que modifié par l'article 3 du décret n°2016-556 du 6 mai 2016.


' En vertu de ce texte, il convient de déterminer de quelle section de l'annexe au décret du 26 décembre 2007 relève chacun des sites de la société appelante.

Il est constant que la société s'est vu attribuer le code NAF 0113Z relevant de la section A intitulée « Agriculture, Sylviculture et Pêche » n'ouvrant pas droit à un tarif réduit de TIFCE.


Il résulte de l'article 5 du décret n°2007-1888 du 26 décembre 2007 que l'attribution de ce code ne peut suffire à écarter l'application de l'article 266 quinquies C du code des douanes au profit de l'appelante. Ainsi qu'elle le soutient, il y a lieu de rechercher quelle est l'activité ou quelles sont les activités réellement exercées par la société.

Toutefois, dans la mesure où son référencement NAF dans la section A crée une présomption, il incombe à l'appelante d'établir qu'elle relève des sections D et E qu'elle revendique.


' La société Le Jardin de Rabelais soutient qu'en sus de son activité agricole, elle exerce deux activités industrielles relevant respectivement de la section D et E lui permettant de prétendre à un taux réduit de TICFE.


Elle prétend en premier lieu qu'elle dispose d'un très grand nombre de gouttières placées au niveau des toitures des serres, desquelles s'écoule de l'eau pluviale, amenée par des tuyaux de récupération et collectée dans des réservoirs ouverts ou couverts selon les sites. Elle précise que l'eau est ensuite acheminée vers différentes installations de désinfection, de filtration, avant d'être acheminée dans des cuves de stockage. Elle ajoute traiter également après aspiration l'eau brute de la Loire et indique qu'un réseau de distribution d'eau composé d'un très grand nombre de tuyaux permet de faire circuler l'eau traitée et fertilisée dans les serres aux fins d'être irriguées.

Elle estime que cette activité relève du code NAF 37.00Z « Collecte et traitement des eaux usées » appartenant à la section E de la nomenclature des activités françaises et comprenant les activités de traitement des eaux usées (ménagères et industrielles, eaux usées des piscines etc.) au moyen de procédés physiques.

Or, il ressort clairement de la description ci-dessus, que les eaux traitées par la société appelante ne sont pas usées, dès lors qu'il s'agit d'eaux pluviales et de l'eau de la Loire.


Elle expose en deuxième lieu exploiter plusieurs chaudières industrielles permettant de collecter puis de chauffer les eaux à haute température pour les stocker dans des réservoirs de grande contenance avant de les distribuer à destination de ses serres grâce à un réseau de conduites prévues à cet effet. Elle soutient que cette activité ressort du code NAF 35.30Z « Production et distribution de vapeur d'air conditionné » considéré comme industriel au sens du droit douanier.


Elle reproche à l'administration des douanes d'avoir fondé sa décision :

- d'une part sur l'absence de commercialisation de l'eau chaude qu'elle produit, ce critère ne pouvant pas lui être opposé

- d'autre part sur le fait que les activités précitées ne sont pas exercées à titre principal, alors que la notion d'exercice à titre principal n'a été introduite à l'article 2 du décret du 30 décembre 2010🏛 que par le décret du 21 septembre 2018🏛, soit postérieurement à la période en litige.

Toutefois, l'intimée rappelle que sa décision ne repose pas sur ces éléments mais sur le constat que les activités litigieuses sont indissociables ou inhérentes à l'activité de production de tomates et ne constituent que des procédés techniques en vue d'assurer une production de type agricole.

En conséquence, les moyens développés par l'appelante au point 2.3 de ses conclusions sont inopérants et il n'y a pas lieu de poser la question préjudicielle qu'elle suggère à la Cour de justice de l'Union européenne.


La décision de l'administration des douanes est donc fondée sur l'absence d'autonomie des installations dont se prévaut la société appelante pour prétendre bénéficier d'un taux réduit de TICFE.

La société observe que le critère de l'autonomie n'a été expressément inscrit dans le droit interne qu'à effet du 1er juillet 2018, via l'article 88 de la loi de finances rectificative n°2017-1775 du 28 décembre 2017, ce qu'admet l'administration des douanes.

Toutefois, l'intimée rappelle que les dispositions de l'article 266 quinquies C du code des douanes sont issues d'une transposition en droit interne de l'article 17 de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, et elle fait valoir, à juste titre, qu'il convenait, même avant la loi du 28 décembre 2017🏛, de lire cet article à la lumière de l'article 11, 2 de cette directive selon lequel Aux fins de la présente directive, on ne peut entendre par «entreprise» une entité d'une taille inférieure à celle d'une division d'une entreprise ou d'une entité juridique qui, du point de vue de l'organisation, constitue une exploitation indépendante, c'est-à-dire une entité capable de fonctionner par ses propres moyens. 


En l'espèce, pour assurer la production de tomates sous serres, la société appelante doit disposer d'un système d'irrigation en eau propre voire enrichie et non froide. Ainsi, les 'activités' qu'elle met en exergue ne sont pas dissociables de son activité agricole qui en dépend.


Il résulte de ce qui précède qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Le Jardin de Rabelais de ses demandes.


Sur les frais de procès


L'article 367 du code des douanes🏛 qui disposait qu'en première instance et sur l'appel, l'instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre, a été abrogé par l'article 5 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019🏛, applicable, selon l'article 109-II de cette loi, aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

L'instance ayant été introduite le 1er septembre 2020, les dispositions de l'article 367 du code des douanes ne sont donc pas applicables en l'espèce.

En ce qu'il a statué sur les dépens, le jugement dont appel doit donc d'office être infirmé.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile🏛, la société Le Jardin de Rabelais doit supporter tous les dépens.


Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu'en faveur de l'administration des douanes, à laquelle la cour alloue, en sus de l'indemnité procédurale de 1 500 euros accordée par le premier juge, la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.



PAR CES MOTIFS


La cour,


Confirme le jugement dont appel sauf en sa disposition relative aux dépens,


Statuant à nouveau sur ce point et ajoutant,

Condamne la SARL Le Jardin de Rabelais :

- aux dépens de première instance et d'appel,

- à payer à l'administration des douanes et droits indirects la somme globale de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.


Le greffier Le président

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