AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Transports Decoux, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 2 décembre 1998 par la cour d'appel de Montpellier (chambre sociale), au profit de M. Bernard X..., demeurant Petit Chemin des Cresses, 34560 Poussan,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 juin 2001, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Ransac, conseiller rapporteur, M. Bouret, conseiller, Mme Lebée, M. Funck-Brentano, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ransac, conseiller, les observations de Me Cossa, avocat de la société Transports Decoux, de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de M. X..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon la procédure, M. X..., engagé par la société Transports Decoux à compter du 1er janvier 1981 et exerçant en dernier lieu les fonctions d'attaché de direction, a été licencié pour motif économique le 4 février 1993 ;
Attendu que la société Transports Decoux fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 2 décembre 1998) d'avoir confirmé le jugement entrepris, sauf à réduire l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse due à M. X..., alors, selon le moyen :
1 ) qu'en retenant successivement que les premiers juges avaient débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement économique sans cause réelle et sérieuse (ce qui est exact) et qu'ils lui avaient alloué de ce chef une somme équivalente à quatre années de salaire (ce qui est faux) pour "confirmer" (sic) le jugement, sauf à réduire le montant de l'indemnité soi-disant allouée par celui-ci, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) qu'en énonçant dans le dispositif de son arrêt qu'elle confirmait le jugement entrepris, sauf à réduire le montant de l'indemnité soi-disant allouée par celui-ci à M. X... pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, après avoir relevé que les premiers juges avaient débouté M. X... de sa demande, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 ) qu'en retenant, pour "confirmer" le jugement entrepris, sauf à réduire le montant de l'indemnité soi-disant allouée par celui-ci, que les premiers juges avaient accordé au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais d'un montant trop élevé, la cour d'appel a, en violation de l'article 1134 du Code civil, dénaturé ledit jugement qui avait au contraire débouté M. X... de sa demande ;
4 ) qu'en accordant dans le dispositif de son arrêt une somme de 300 000 francs à M. X... à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, après avoir indiqué dans les motifs que l'indemnité prétendument allouée par les premiers juges devait être ramenée à 350 000 francs, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 ) qu'au surplus, en considérant qu'il convenait de fixer en équité, dont les premiers juges avaient soi-disant excédé la mesure, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devant être allouée à M. X..., la cour d'appel a violé les articles 12 du nouveau Code de procédure civile et L. 122-14-4 du Code du travail ;
6 ) que l'obligation générale de reclassement, qui n'est qu'une obligation de moyens, disparaît lorsque le salarié refuse l'offre de reclassement faite par l'employeur ; qu'il en va de même lorsqu'il a clairement manifesté son refus de quitter le site de son emploi et que toutes les entreprises du même groupe en sont géographiquement éloignées ; qu'en l'espèce, il était attesté qu'au cours de l'entretien préalable, la société Transports Decoux avait examiné avec M. X..., employé à Poussan, les possibilités de le reclasser au sein des diverses filiales du groupe Tratel auquel elle appartient, mais que l'intéressé avait catégoriquement refusé de quitter le site de Poussan où il est domicilié ;
qu'en considérant néanmoins que cette circonstance n'était pas de nature à dispenser la société Transports Decoux de son obligation légale de reclasser le salarié et de lui communiquer les résultats positifs ou négatifs des recherches d'emploi dans les diverses sociétés dépendant des groupes auxquels appartient cette entreprise, alors même qu'il n'était pas contesté que celles-ci sont toutes géographiquement éloignées du site de Poussan, la cour d'appel a violé l'article L. 321-4-1 du Code du travail ;
7 ) qu'est légalement justifié par un motif économique le licenciement du salarié qui manifeste clairement son refus de quitter le site de son emploi et, par là-même toute offre de reclassement qui impliquerait de le quitter ; que, dès lors, ayant constaté qu'il ressortait de l'attestation de M. Y..., dont la véracité n'a pas été contestée, que M. X... avait catégoriquement refusé de quitter le site de Poussan où il demeurait et d'accepter un emploi hors de celui-ci, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 321-4-1 du Code du travail et violer ainsi ce texte, considérer ensuite qu'il appartenait à la société Transports Decoux de tenter de reclasser l'intéressé au sein des filiales dépendant des groupes Tratel et Les Ciments français dont elle fait partie et dont il n'était pas davantage contesté qu'elles sont toutes éloignées du site de Poussan ;
Mais attendu, d'abord, que les quatre premières branches sont inopérantes en ce qu'elles critiquent l'arrêt attaqué sur les points rectifiés par un arrêt du 7 avril 1999, qui a fait l'objet d'un pourvoi rejeté par arrêt en date de ce jour ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir fait ressortir que l'absence de proposition de reclassement privait le licenciement de cause économique, les juges du font ont, abstraction faite de la référence surabondante à l'équité critiquée par la cinquième branche du moyen, souverainement apprécié l'étendue du préjudice subi par le salarié licencié ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel, après avoir relevé que la société Transports Decoux ne rapportait pas la preuve d'avoir recherché et proposé le reclassement de M. X..., a retenu à juste titre que le refus de principe, exprimé par celui-ci avant toute proposition de reclassement, d'accepter une modification de son lieu de travail ne dispensait pas l'employeur de son obligation légale de reclassement ;
que, sans encourir les griefs des sixième et septième branches du moyen, elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Transports Decoux aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Transports Decoux à payer à M. X... la somme de 15 000 francs ou 2 286,74 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille un.