**COUR DE CASSATION**
Chambre sociale
Audience publique du 10 juillet 2001
**Pourvoi n° 99-43.376
** société Uniphénix
¢
Mme Aa Ab
**
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS**
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Uniphénix, société anonyme dont le siège
social est 153, boulevard Anatole France, 93251 Saint-Denis Cedex,
en cassation d'un arrêt rendu le 7 avril 1999 par la cour d'appel de Paris
(18e Chambre, Section C), au profit de Mme Aa Ab, demeurant …, …
… …, … …,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 juin 2001, où étaient présents : M.
Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Brissier,
conseiller rapporteur, M. Texier, conseiller, MM. Soury, Besson, conseillers
référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de
chambre ;
Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les observations de Me Ricard,
avocat de la société Uniphénix, les conclusions de M. Kehrig, avocat général,
et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme Ab exerçait les fonctions de "chargée de clientèle" au
service de la société Uniphénix ; qu'elle a été licenciée le 7 février 1997
pour avoir refusé "le nouveau poste" de secrétaire de recouvrement au sein de
la direction des crédits "nécessité par la réorganisation interne" de
l'entreprise ; qu'une transaction concernant les conséquences du licenciement
a été conclue postérieurement à la notification de ce dernier ; qu'invoquant
la nullité de la transaction faute de concession de l'employeur, la salariée a
saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir, notamment, le paiement de
dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
_Sur le premier moyen_ :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 7 avril 1999)
d'avoir annulé la transaction, alors, selon le moyen :
_1°/ que selon l'article 40 de la Convention collective nationale des sociétés
financières, l'indemnité de licenciement est calculée sur la moyenne des
appointements effectifs perçus par l'intéressé durant les douze derniers mois
; qu'en l'espèce, il est constant que le salaire de base de Mme Ab était
de 10 541,79 francs de février 1996 à décembre 1996 et de 10 699,92 francs à
partir de janvier 1997 ; que, dès lors, la cour d'appel qui a calculé
l'indemnité conventionnelle de licenciement uniquement en se fondant sur la
somme de 10 699,92 francs correspondant au salaire de base, "dans son dernier
état", a méconnu le texte précité qui lui imposait de tenir compte du salaire
perçu durant les 12 derniers mois ;
2°/ que la société Uniphénix faisait valoir qu'en vertu de l'article 40 de la
convention collective, Mme Ab avait droit à une indemnité de licenciement
de 92 279,71 francs, ce qui correspondait à des appointements mensuels de 11
534,96 francs, et que l'indemnité transactionnelle de 97 650 francs était donc
supérieure ; qu'en affirmant que la société retient un salaire de 12 250
francs sans critiquer le compte de la salariée, la cour d'appel a dénaturé les
termes du débat et violé les articles 4, 7 et 12 du nouveau Code de procédure
civile ;_
Mais attendu que si la somme allouée à titre d'indemnité conventionnelle de
licenciement était supérieure à celle due en application de la convention
collective, la cour d'appel a fait ressortir que, eu égard au faible montant
de cette différence, la concession alléguée par l'employeur avait un caractère
dérisoire, en sorte qu'elle ne constituait pas une véritable concession ;
qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa
décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
_Sur le second moyen_ :
Attendu que l'employeur fait, encore, grief à l'arrêt de l'avoir condamné au
paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
alors, selon le moyen :
_1°/ que la rétrogradation n'existe que si le salarié perd la qualité et le
niveau de responsabilité qui lui ont été conférés dans son activité ; qu'en
l'espèce, la cour d'appel s'étant bornée à relever que Mme Ab était dans
son dernier emploi "chargée de clientèle" rattachée au secteur commercial de
l'entreprise, tandis que l'affectation proposée de "secrétaire de
recouvrement" la ramenait à un emploi fonctionnel de niveau comparable à celui
qu'elle occupait avant celui de chargée de clientèle ; que l'arrêt manque de
base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 121-1 du Code du
travail ;
2°/ que l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer
les conditions de travail du salarié et la tâche qui lui est confiée dès lors
que celle-ci rentre dans ses qualifications ; qu'en l'espèce, la cour d'appel
devait rechercher si, comme le soutenait l'employeur, Mme Ab ne dépendait
pas exclusivement de la convention collective des sociétés financières,
laquelle classait sous le coefficient 240 les "secrétaires principaux - agents
de recouvrement 3e degré", ce qui correspondait au poste de "secrétaire de
recouvrement" proposé et à son coefficient en tant que "chargée de clientèle,
et si son salaire, son coefficient, ses responsabilités et son lieu de travail
n'étaient pas intégralement maintenus, en sorte qu'il n'y avait ni
rétrogradation ni modification de la sphère contractuelle ; que l'arrêt manque
de base légale au regard des articles 1134 du Code civil, L. 121-1 du Code du
travail et de l'annexe au Livre I de la Convention collective nationale des
sociétés financières ;_
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que l'emploi proposé de
"secrétaire de recouvrement" était d'un niveau inférieur à celui de "chargé de
clientèle" occupé par la salariée, en sorte qu'elle a ainsi caractérisé une
rétrogradation et, en conséquence, une modification du contrat de travail,
laquelle, en l'état des termes précités de la lettre de licenciement, n'était
pas justifiée par un motif économique ; qu'elle a, dès lors, légalement
justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Uniphénix aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société
Uniphénix à payer à Mme Ab la somme de 8 000 francs ou 1 219,59 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par
le président en son audience publique du dix juillet deux mille un.