Jurisprudence : Cass. com., 10-07-2001, n° 98-19.331, Rejet.


**COUR DE CASSATION**

Chambre commerciale

Audience publique du 10 juillet 2001

**Pourvoi n° 98-19.331

** société EGC Electronique
¢
société de Lage Landen factors (DLLF)



**

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS**




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu
l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société EGC Electronique, société anonyme dont le
siège est Zone industrielle de la Chiers, 54400 Longwy,

en cassation d'un arrêt rendu le 14 mai 1998 par la cour d'appel de Paris (5e
Chambre civile, Section B), au profit de la société de Lage Landen factors
(DLLF), dont le siège est 18, rue Hamelin, 75016 Paris,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de
cassation annexé au présent arrêt ;


LA COUR, en l'audience publique du 29 mai 2001, où étaient présents : M.
Dumas, président, M. Badi, conseiller rapporteur, M. Tricot, Mmes Aubert,
Vigneron, Tric, Besançon, Lardennois, Pinot, M. Cahart, conseillers, Mme
Graff, MM. de Monteynard, Delmotte, Sémériva, conseillers référendaires, M.
Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Badi, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et
Briard, avocat de la société EGC Electronique, de Me Choucroy, avocat de la
société de Lage Landen factors, les conclusions de M. Feuillard, avocat
général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

_Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches_ :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mai 1998), que la société EGC
Electronique (société EGC) a conclu avec la société Stelsy (la débitrice),
mise ultérieurement en redressement judiciaire le 18 décembre 1991, un contrat
de distribution comportant une réserve de propriété des matériels vendus ; que
la débitrice a signé, avec la société de Lage Landen factors (société DLLF) un
contrat d'affacturage concernant l'ensemble de ses créances professionnelles ;
que, n'ayant pas reçu paiement des matériels livrés, la société EGC les a
revendiqués, puis a assigné la société DLLF en paiement d'une certaine somme
représentant le prix desdits matériels ;

Attendu que la société EGC fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande
tendant à la condamnation de la société DLLF à lui payer la somme de 2 564
127,78 francs, alors, selon le moyen :

_1°/ que si la subrogation investit le subrogé de la créance primitive avec
tous ses avantages et accessoires, le subrogé n'a pas plus de droits que son
subrogeant au lieu et place duquel il agit ; que lorsque le client d'une
société d'affacturage a acquis une marchandise grevée d'une clause de réserve
de propriété et qu'il l'a revendue avant d'avoir réglé lui-même son vendeur,
la société d'affacturage ne peut se prévaloir de la subrogation dans les
droits de cet acquéreur, qui est son adhérent, pour faire échec à la réserve
de propriété invoquée par le vendeur ; que celui-ci est fondé à agir contre la
société d'affacturage en paiement des sommes que celle-ci a reçues des sous-
acquéreurs, en règlement de créances dont elle n'avait pas la propriété, et
dont le vendeur était resté propriétaire ; qu'en statuant comme elle a fait,
la cour d'appel a violé l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985, modifié
par l'article 61 de la loi du 10 juin 1994 ;

2°/ que peut être revendiqué le prix ou la partie du prix des biens visés à
l'article 121 qui n'a pas été payé, ni réglé en valeur, ni compensé en compte
courant entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la
procédure collective de redressement judiciaire ; qu'aucune disposition de la
loi du 25 janvier 1985 ne conditionne l'action en revendication du prix de
revente au fait que celle-ci soit exercée avant que le sous-acquéreur n'en ait
réglé le prix ; qu'en décidant que la société EGC, vendeur réservataire, ne
pouvait plus revendiquer le prix de revente et en demander paiement à la
société DLLF, dès lors que le sous-acquéreur s'était acquitté du prix entre
les mains de la société d'affacturage avant l'exercice de l'action en
revendication du prix, la cour d'appel a violé l'article 122 de la loi du 25
janvier 1985, modifié par l'article 61 de la loi du 10 juin 1994 ;

3°/ que lorsque le client d'une société d'affacturage a acquis une marchandise
grevée d'une clause de réserve de propriété et qu'il l'a revendue avant
d'avoir réglé lui-même son vendeur, le droit de propriété de ce dernier se
reporte sur la créance du prix de revente ; que le paiement fait de mauvaise
foi par le factor à son client ne peut emporter subrogation lorsque le factor,
qui a connaissance de la clause de réserve de propriété, sait ainsi que le
prix de revente n'appartient pas à son client mais au vendeur qui est ainsi
seul titulaire de la créance contre les sous-acquéreurs ; que la cour d'appel
a expressément constaté que la société DLLF savait que les factures qui lui
étaient cédées étaient affectées d'une clause de réserve de propriété ; qu'en
déboutant néanmoins la société EGC de son action en paiement de sa créance
contre la société DLLF, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales
de ses constatations, violant ainsi les articles 1134, 1239 et 1240 du Code
civil ;

4°/ que la déclaration de sa créance par le vendeur ne constitue pas une
condition de l'exercice par ce dernier du droit de revendiquer les biens
vendus sous réserve de propriété ou le prix de revente de ces biens ; qu'en se
prononçant comme elle a fait, la cour d'appel s'est fondée sur un motif
inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 115 et
122 de la loi du 25 janvier 1985 ;

5°/ que le propriétaire est titulaire d'une action unique en revendication,
qui porte sur le bien ou sur la créance subrogée à celui-ci ; qu'à supposer
que le vendeur bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété ne puisse se
prévaloir des dispositions de l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985 à
l'égard de la société d'affacturage subrogée dans les droits de l'acquéreur,
dès lors que le prix de revente des marchandises a été payé par le sous-
acquéreur entre les mains de ce tiers subrogé, c'est à la condition que ce
paiement ait été effectué avant l'action en revendication des marchandises
exercée dans les délais et formes prescrits par les articles 115 de la loi du
25 janvier 1985 et 85-1 du décret du 27 décembre 1985 ; que la cour d'appel a
retenu que la société EGC a revendiqué les marchandises le 10 janvier 1992 ;
qu'en déboutant la société EGC de sa demande, sans rechercher si, le 10
janvier 1992, date de la revendication des marchandises impayées exercée par
la société GC, lesdites marchandises avaient déjà été payées par les sous-
acquéreurs à la société DLLF, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard des articles 115 et 122 de la loi du 25 janvier 1985,
ensemble l'article 85-1 du décret du 27 décembre 1985 ;

_Mais attendu que le vendeur qui a réservé son droit de propriété ne peut
bénéficier des dispositions de l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985,

dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994 applicable en la cause,
dès lors qu'au jour de l'exercice de la revendication, le prix de revente des
marchandises a été payé par le sous-acquéreur entre les mains du tiers subrogé
dans les droits de l'acheteur initial ; que l'arrêt, qui constate que les
sous-acquéreurs des marchandises avaient réglé à l'échéance la société DLLF,
avant que celle-ci ne fasse l'objet, le 8 juin 1993, d'une revendication du
prix, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen
ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société EGC Electronique aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière
et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix
juillet deux mille un.

Agir sur cette sélection :