AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société HCF, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 mars 1998 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), au profit :
1 / de la société Rulland, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de M. Robert Z..., administrateur, domicilié ..., pris en sa qualité d'administrateur du redressement judiciaire de la société Rulland,
3 / de M. Jacques X..., domicilié ..., pris en sa qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la société Rulland,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 mai 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Lardennois, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lardennois, conseiller, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la société HCF, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Rulland et de MM. Z... et X..., ès qualités, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré (Chambéry, 30 mars 1998), que la société HCF a vendu, avec clause de réserve de propriété, à la société Rulland des appareils de réfrigération et d'extraction d'air destinés à l'équipement d'hypermarchés ; que la société Rulland ayant été mise en redressement judiciaire le 6 décembre 1994, M. Z... et M. X... étant désignés respectivement administrateur et représentant des créanciers, la société HCF qui n'avait pas été payée de ces appareils les a revendiqués ; que la cour d'appel a rejeté sa demande ;
Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :
Attendu que la société HCF reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que s'il est loisible au juge, pour asseoir sa conviction, de se référer à une expertise à laquelle une partie n'a été ni appelée ni représentée, c'est à la condition que les données de cette expertise soient corroborées par d'autres éléments dont la nature et la valeur ont été précisées ; qu'en fondant, en l'espèce, sa décision uniquement sur une expertise officieuse à laquelle la société HCF n'avait été ni appelée ni représentée, et dont l'inopposabilité avait été soulevée par celle-ci, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction et l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la société HCF avait fait valoir dans ses conclusions que l'expertise de M. Y... reposait sur une confusion grave, que les importants travaux préparatoires nécessaires, selon celui-ci, à la dépose des appareils, concernaient tous le démontage des costières, ce qui n'était pas l'objet de la demande, et que la revendication portait exclusivement sur l'appareil de climatisation roof-top et non sur les costières incorporées à l'immeuble et qui resteraient sur les toitures ;
qu'en laissant sans réponse lesdites conclusions, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que la société HCF avait fait valoir dans ses conclusions que l'expertise de M. Y... reposait sur une confusion grave, que les importants travaux préparatoires nécessaires, selon celui-ci, à la dépose des appareils, concernaient tous le démontage des costières, ce qui n'était pas l'objet de la demande, et que la revendication portait exclusivement sur l'appareil de climatisation roof-top et non sur les costières incorporées à l'immeuble et qui resteraient sur les toitures ;
qu'en se bornant à relever que des constatations précises effectuées par l'expert Y... résulte que l'orifice de soufflage de l'air traité est raccordé à une gaine métallique fixée par un boulonnage accessible uniquement à partir du faux plafond intérieur, sans préciser si cet orifice était un élément de l'appareil de climatisation lui-même ou de la costière, ni, dans la première hypothèse, si le démontage de son raccordement à la gaine métallique ne pouvait se faire qu'à partir du faux plafond, la cour d'appel a insuffisamment motivé son arrêt et l'a entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985 ;
4 / que, dans ses écritures devant la cour d'appel, la société HCF avait fait valoir que seuls les appareils de climatisation étaient revendiqués et non les costières, que les photographies annexées au constat apportent la preuve claire que l'enlèvement desdits matériels n'emporteraient aucun trouble à l'existence de la toiture, l'emplacement de l'installation des matériels comportant lui-même sa propre étanchéité, et que dés l'enlèvement de l'appareil, les costières sont immédiatement rebouchées par un capotage en tôle, si bien que l'étanchéité n'est aucunement altérée ; que la société Rulland, M. Z... et M. X... avaient fait valoir que la récupération laisserait béantes les gigantesques trémies entraînant ainsi la perte de l'isolation et de l'étanchéité de la toiture, à défaut de réaliser des éléments de couverture ; qu'ainsi il existait une contestation sur la reconstitution de l'étanchéité ; qu'en effet les appelants et l'intimée ne parlaient pas de la même chose ; que la société HCF envisageait le retrait des seuls appareils de climatisation et donc l'étanchéité des costières restées en place ; que la société Rulland, M. Z... et M. X..., quant à eux, envisageaient au contraire le retrait cumulé des appareils de climatisation et des costières et l'étanchéité de la toiture elle-même privée des costières ; qu'en estimant qu'il n'existait pas de contestation relative à la reconstitution de l'étanchéité, la cour d'appel a dénaturé la portée des conclusions des parties, méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / que la revendication en nature peut s'exercer sur les biens mobiliers incorporés dans un autre bien lorsque leur récupération peut être effectuée sans dommage pour le bien dans lequel ils sont incorporés ; que le rôle joué par les appareils vendus, et la nécessité de les remplacer ou de remédier à leur éventuel enlèvement, sont indifférents à l'appréciation du bien-fondé de la revendication du vendeur bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété ; qu'en retenant, en l'espèce, que ces appareils assurent au profit des immeubles qui les reçoivent une fonction vitale indispensable à leur exploitation commerciale, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu, en premier lieu, que le rapport de M. Y..., sur lequel l'arrêt s'est fondé, valait non comme rapport d'expertise judiciaire mais comme élément de preuve soumis à la libre discussion des parties ; que la société HCF, qui en a discuté les conclusions, n'est pas fondée à invoquer la violation du principe de la contradiction par la cour d'appel ;
Attendu, en second lieu, qu'en retenant que l'avis technique de la société Géniclima et les schémas de montage peu explicites qui l'accompagnent ne suffisent pas à remettre en cause les constatations de M. Y..., la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions visées à la deuxième branche ;
Attendu, enfin, que l'arrêt relève que le démontage des matériels revendiqués suppose la dépose du faux plafond et des équipements de la galerie marchande et laissera béantes les trémies pratiquées dans l'ossature de la toiture, ce qui nécessitera une reconstitution de l'étanchéité dont rien ne permet d'affirmer qu'elle pourra être assurée de façon satisfaisante par un simple capotage de tôle et en déduit que ces matériels ont été incorporés au fonds immobilier ; qu'en l'état de ces constatations dont il résulte que les biens revendiqués n'existaient plus en nature au sens de l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985 devenue l'article L. 621-122 du Code de commerce, la cour d'appel, sans modifier l'objet du litige, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société HCF fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que le juge doit en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, et qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce où, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, elle a relevé d'office le moyen tiré de ce que la preuve n'aurait pas été rapportée de ce que les biens litigieux sont demeurés dans le patrimoine de la société Rulland ou que le prix n'en a pas été payé par le sous-acquéreur, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire et l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'il appartient à l'acheteur d'un bien vendu avec réserve de propriété d'établir que le bien en cause ne figure plus dans son patrimoine ou que le prix a déjà été payé par un sous-acquéreur ; qu'en reprochant au vendeur de ne pas rapporter une telle preuve, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt étant justifié par les motifs vainement critiqués par le premier moyen, le moyen est relatif à des motifs surabondants ; qu'il est par suite inopérant et donc irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société HCF aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société HCF à payer à la société Rulland et à MM. Z... et X..., ès qualités, la somme globale de 12 000 francs ou 1 829,39 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille un.