COUR DE CASSATION
Troisième chambre civile
Audience publique du 4 juillet 2001
Pourvoi n° 00-10.089
Mme Yvonne Michel Z ¢
M. Michel ZY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Yvonne Michel Z, demeurant Paris,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 septembre 1999 par la cour d'appel de Paris (2ème chambre civile, section B), au profit
1°/ de M. Michel ZY,
2°/ de Mme Jacqueline ZY, demeurant Versailles,
3°/ de M. Bertrand X, demeurant Toulon,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 juin 2001, où étaient présents M. Beauvois, président, M. Philippot, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Toitot, Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Assié, Mme Gabet, conseillers, MM. Pronier, Betoulle, Mme Nési, conseillers référendaires, M. Guérin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Philippot, conseiller, les observations de la SCP Vier et Barthélemy, avocat de Mme Michel Z, de Me Delvolvé, avocat des époux ZY, les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les premier et deuxième moyens, réunis
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 septembre 1999), que par acte sous-seing privé du 18 novembre 1987, Mme Michel Z s'est engagée à vendre aux époux ZY, moyennant le prix de 580 000 francs, une parcelle de terrain à construire, cadastrée n° 270, à détacher d'une propriété de plus grande importance ; que, par arrêt du 2 février 1993, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, confirmant le jugement du 3 juillet 1990, a, après avoir rejeté l'action en revendication de la parcelle exercée par un voisin, dit que Mme Michel Z devrait, dans un délai de quatre mois, signer chez un notaire l'acte de vente aux conditions de la promesse de vente ; que l'acte n'a pu être dressé dans ce délai en raison d'un désaccord entre les deux parties sur la question de l'existence d'un droit de passage attaché à la parcelle vendue ; que les époux ZY ont saisi le tribunal de grande instance pour, d'une part, faire juger qu'en l'absence de droit de passage par le chemin de la Calade, la parcelle objet de la vente n'est plus un terrain à construire et, d'autre part, solliciter la désignation d'un expert pour déterminer la valeur du terrain, sans servitude ; que par jugement du 1er décembre 1994, le Tribunal a constaté que la vente était parfaite, dit, en conséquence, que les parties devaient signer l'acte authentique conformément aux dispositions du jugement du 3 juillet 1990, condamné les époux ZY à payer le montant du prix, avec intérêts sur cette somme à compter du 22 septembre 1993, et, avant dire droit sur les autres demandes, ordonné une expertise ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise, les époux ZY ont réclamé la somme de 193 333 francs, outre des dommages-intérêts, à Mme Michel Z qui a appelé en garantie M. X, notaire qui, en exécution du jugement, avait dressé l'acte authentique de vente le 18 avril 1995 ;
Attendu que Mme Michel Z fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande des époux ZY, alors, selon le moyen
1°/ qu'il résulte de l'article 1641 du Code civil que l'inconstructibilité d'un terrain cédé comme terrain à bâtir constitue le vice caché de la chose vendue; qu'en considérant, néanmoins, que la responsabilité de Mme Michel Z était engagée pour manquement à son obligation de délivrance d'une chose conforme à la convention des parties, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1641 du Code civil ;
2°/ qu'il résulte de l'article 1604 du Code civil que le vendeur ne manque à son obligation de délivrance que si la chose vendue n'est pas conforme aux spécifications convenues par les parties; que l'inconstructibilité d'un terrain constituant le vice caché de la chose vendue, la cour d'appel ne pouvait retenir le manquement du vendeur à son obligation de délivrance sans violer, par fausse application, l'article 1604 du Code civil ;
3°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 410-1 et R. 410-13 du Code de l'urbanisme qu'un terrain qualifié de "constructible" sans autre précision est un terrain qui peut être affecté à la construction comme étant compris dans une zone "urbaine" du plan d'occupation des sols où la construction est autorisée ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que le terrain vendu par Mme Michel Z est situé en zone constructible du POS ; qu'en considérant néanmoins que le terrain n'est pas constructible au motif qu'il n'est pas "muni d'un droit de passage", la cour d'appel, méconnaissant les conséquences nécessaires de ses propres constatations, a ajouté à la loi une exigence d'accès qui n'y figure pas et a par suite violé les articles L. 410-1 et R. 410-13 du Code de l'urbanisme ;
4°/ qu'il ressort clairement des certificats d'urbanisme des 28 juillet 1988 et 24 mai 1993 que le terrain vendu est classé en zone urbaine, secteur alors dénommé UIa ; qu'il ressort tout aussi clairement du certificat d'urbanisme du 29 mars 1995 que le terrain est classé en zone urbaine, secteur dénommé UH ; qu'il résulte de ces certificats que le terrain a toujours été classé dans une zone où la construction d'immeubles est autorisée ; qu'en refusant néanmoins de qualifier le terrain de constructible, la cour d'appel a dénaturé les trois certificats d'urbanisme en violation de l'article 1134 du Code civil ;
5°/ que méconnaissant à cet égard les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel a omis de réfuter le motif déterminant des premiers juges pris de ce que "la seule condition de désenclavement était insuffisante pour rendre le terrain non constructible" ;
6°/ qu'il résulte de l'article 1604 du Code civil que si le vendeur d'immeuble est tenu d'une obligation d'information vis-à-vis de l'acquéreur, c'est à la condition qu'il connaisse lui-même, au moment du contrat, l'information dont s'agit ; que le vendeur profane n'est pas comme le professionnel, présumé connaître l'information ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Mme Michel Z avait satisfait à son obligation d'informer les acquéreurs de ce qu'ils achetaient un terrain dépourvu de droit de passage ; qu'il s'agissait là de la seule information qu'elle était en mesure de connaître en sa qualité de vendeur profane ; qu'en reprochant néanmoins à cette dernière un manquement à son obligation d'information au motif qu'elle n'avait pas informé les acquéreurs des conséquences de l'absence de droit de passage, la cour d'appel a perdu de vue la qualité de simple profane de la venderesse et a violé l'article 1604 du Code civil ;
7°/ qu'il résulte de l'article 682 du Code civil que tout propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou une issue insuffisante pour la réalisation d'une construction, est en droit d'obtenir de ses voisins un droit de passage sur leurs fonds ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par Mme Michel Z dans ses conclusions d'appel, si les époux ZY avaient effectué une quelconque démarche auprès de leurs voisins pour obtenir le droit de passage nécessaire à l'obtention du permis de construire, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 682 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'il était faux de prétendre que les époux ZY auraient ignoré que faute de chemin d'accès ils ne pourraient pas obtenir un permis de construire même si l'immeuble était constructible, Mme Michel Z n'est pas recevable, de ce chef, à présenter un moyen contraire devant la Cour de Cassation ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que les certificats d'urbanisme précisaient que la délivrance d'un permis de construire était subordonnée à l'existence d'un droit de passage par un chemin de quatre mètres de large, que Mme Michel Z n'avait pas cédé avec la parcelle un tel accès, qu'il lui appartenait de délivrer aux acquéreurs un terrain effectivement constructible, c'est-à-dire muni d'un droit de passage sur le chemin qui le longeait, que, répondant aux conclusions de la venderesse, se bornant à soutenir que les acquéreurs n'ignoraient pas que, faute d'un chemin d'accès, ils ne pourraient pas obtenir un permis de construire même si l'immeuble était constructible, il ne résultait d'aucun document que les époux ZY aient su avant la signature de la promesse de vente qu'il existait un lien entre le droit de passage et la possibilité d'obtenir un permis de construire, la cour d'appel, qui a pu retenir, sans ajouter à la loi une exigence d'accès, que Mme Michel Z n'avait pas mis les acquéreurs en mesure de disposer d'un terrain sur lequel ils pourraient édifier une construction et qui n'a pas statué sur un manquement de Mme Michel Z à son obligation d'information, a, sans dénaturation et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le troisième moyen
Attendu que Mme Michel Z fait grief à l'arrêt de la débouter de son appel en garantie contre M. X, notaire, alors, selon le moyen
1°/ qu'il résulte de l'article 1147 du Code civil que le devoir de conseil est une obligation qui incombe au notaire comme à tout officier public et qu'il doit notamment conseiller les parties sur la portée et les effets de leurs engagements et attirer leur attention sur les risques de l'opération envisagée ; qu'il était constant que l'acte de vente litigieux avait été rédigé par M. ... ; qu'en se bornant à affirmer qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à ce notaire, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par Mme Michel Z dans ses conclusions d'appel, si ce dernier n'avait pas manqué à son devoir de conseil, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
2°/ que, méconnaissant les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile à cet égard, la cour d'appel s'est abstenue de répondre au moyen déterminant soulevé par Mme Michel Z dans ses conclusions d'appel du 12 avril 1999, pris précisément de ce que "l'acte incriminé a été rédigé par (M. X) en sa qualité de notaire, c'est-à-dire d'un professionnel qui connaît le sens des mots, les lieux, les actes et les restrictions à l'acte et qui, en vendant un terrain à construire, ne vendait pas un terrain agricole ou forestier mais un terrain constructible" et de ce que "le notaire a une obligation de conseil et que dans la mesure où il se serait trompé, c'est-à-dire où le terrain ne serait pas un terrain à construire comme indiqué par lui à l'acte, il aurait commis une faute dont il devrait réparation, c'est-à-dire garantie de la concluante" ;
Mais attendu qu'ayant constaté que M. X, notaire, avait établi le 18 avril 1995, l'acte authentique de vente en exécution du jugement rendu le 1er décembre 1994, la cour d'appel qui a pu en déduire, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Michel Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme Michel Z à payer aux époux ZY la somme de 12 000 francs ou 1 829,39 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme W ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille un.