Jurisprudence : CEDH, 22-10-1997, Req. 97/1996/716/913, Papageorgiou c. Grèce

CEDH, 22-10-1997, Req. 97/1996/716/913, Papageorgiou c. Grèce

A7799AWR

Référence

CEDH, 22-10-1997, Req. 97/1996/716/913, Papageorgiou c. Grèce. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1064728-cedh-22101997-req-971996716913-papageorgiou-c-grece
Copier
Cour européenne des droits de l'homme

22 octobre 1997

Requête n°97/1996/716/913

Papageorgiou c. Grèce



AFFAIRE PAPAGEORGIOU c. GRÈCE

(97/1996/716/913)


ARRÊT

STRASBOURG

22 octobre 1997
Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts et décisions 1997, édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Cologne) qui se charge aussi de le diffuser, en collaboration, pour certains pays, avec les agents de vente dont la liste figure au verso.

Liste des agents de vente

Belgique : Etablissements Emile Bruylant (rue de la Régence 67,

B-1000 Bruxelles)

Luxembourg : Librairie Promoculture (14, rue Duchscher

(place de Paris), B.P. 1142, L-1011 Luxembourg-Gare)

Pays-Bas : B.V. Juridische Boekhandel & Antiquariaat

A. Jongbloed & Zoon (NoorDEInde 39, NL-2514 GC 's-Gravenhage)

SOMMAIRE

Arrêt rendu par une chambre

Grèce – ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice et durée de la procédure devant des juridictions civiles

EXCEPTION PRéLIMINAIRE DU GOUVERNEMENT (non-respect du délai de six mois)

Argument du Gouvernement selon lequel la requête litigieuse a été enregistrée plus de six mois après l'arrêt de la Cour de cassation : règlement intérieur de la Commission n'implique pas, comme préalable à l'enregistrement d'une requête, la preuve que le requérant remplit l'exigence du respect de six mois – la date de l'introduction de la requête est celle de la première lettre du requérant à condition que celui-ci indique de manière suffisante l'objet de sa requête.

Argument du Gouvernement selon lequel le requérant aurait négligé de s'informer, auprès du greffe de la Cour de cassation, de la date du prononcé de l'arrêt : on ne peut exiger du justiciable qu'il vienne s'informer jour après jour de l'existence d'un arrêt qui ne lui a jamais été notifié.

Conclusion : rejet (unanimité).

ARTICLE 6 DE LA CONVENTION

Procès équitable

Contenu de l'article 26 de la loi n° 2020/1992 combiné avec la méthode et le moment de son adoption : second paragraphe de cet article déclarait prescrite toute prétention relative aux cotisations déjà versées à l'OAED et annulait toute procédure y afférente éventuellement pendante devant toute juridiction que ce soit – article 26 inclus dans une loi dont l'intitulé n'avait aucun rapport avec celui-ci – adopté après l'introduction du pourvoi formé par la DEI contre l'arrêt du tribunal de grande instance statuant en appel, et avant la tenue de l'audience devant la Cour de cassation. L'adoption de l'article 26 à un moment si crucial de la procédure réglait en réalité le fond du litige et rendait vaine la continuation de celle-ci.

Conclusion : violation (unanimité).

Durée de la procédure

1. Période à prendre en considération

Début : saisine du juge de paix d'Athènes.

Fin : prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation.

Durée : cinq ans et onze mois.

2. Caractère raisonnable de la durée de la procédure

Procédure devant le juge de paix d'Athènes (seize mois) et devant le tribunal de grande instance d'Athènes statuant en appel (dix-sept mois) : certaines lenteurs dues soit à des exigences de procédure, soit au comportement des parties – audiences à chaque fois fixées à des dates rapprochées et jugements rendus sans retard – durée non excessive.

Procédure devant la Cour de cassation (deux ans et huit mois) : audience ajournée en raison de la grève des avocats du barreau d'Athènes qui dura sept mois – nouvelle audience fixée treize mois après la date retenue initialement – retard se conciliant mal avec l'efficacité et la crédibilité de la justice, exigées par la Convention.

Conclusion : violation (unanimité).

III. Article 6 § 1, combiné avec l'article 14, et article 13 de la convention

Conclusions précédentes rendent inutile l'examen des griefs en question.

Conclusion : non-lieu à statuer (unanimité).

IV. article 50 de la convention

A. Préjudice

Dommage moral pour défaut d'un procès équitable :octroi d'une réparation.

Dommage moral éventuellement causé par la durée de la procédure : constat de violation suffisant pour réparer.

B. Frais et dépens

Compte tenu que le requérant n'indique aucun montant, la Cour écarte la demande relative à ses frais et dépens.

Conclusion : Etat défendeur tenu de verser au requérant une certaine somme pour dommage moral (unanimité).

RÉFÉRENCES À LA JURISPRUDENCE DE LA COUR

24.10.1989, H. c. France ; 27.10.1993, Monnet c. France ; 9.12.1994, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce

En l'affaire Papageorgiou c. Grèce,

La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses pertinentes de son règlement A, en une chambre composée des juges dont le nom suit :

MM. R. Bernhardt, président,

R. Macdonald,

C. Russo,

N. Valticos,

I. Foighel,

M.A. Lopes Rocha,

J. Makarczyk,

U. Lôhmus,

J. Casadevall,

ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P. J. Mahoney, greffier adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 2 juin et 23 septembre 1997,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCéDURE

1. L'affaire a été déférée à la Cour par le gouvernement grec (« le Gouvernement ») le 12 août 1996, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 24628/94) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Christos Papageorgiou, avait saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 24 mai 1994 en vertu de l'article 25.

La requête du Gouvernement renvoie aux articles 44 et 48 b) de la Convention et 32 du règlement A. Elle a pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences des articles 6 § 1, 13 et 14 de la Convention.

2. En réponse à l'invitation prévue à l'article 33 § 3 d) du règlement A, le requérant a déclaré qu'il souhaitait participer à l'instance et désigné ses conseils (article 30).

3. La chambre à constituer comprenait de plein droit M. N. Valticos, juge élu de nationalité grecque (article 43 de la Convention), et M. R. Bernhardt, vice-président de la Cour (article 21 § 4 b) du règlement A). Le 2 septembre 1996, le président de la Cour, M. R. Ryssdal, a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. R. Macdonald, C. Russo, I. Foighel, M.A. Lopes Rocha, J. Makarczyk, U. Lôhmus et J. Casadevall, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 5 du règlement A).

4. En sa qualité de président de la chambre (article 21 § 6 du règlement A), M. Bernhardt a consulté, par l'intermédiaire du greffier, l'agent du Gouvernement, les conseils du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l'organisation de la procédure (articles 37 § 1 et 38). Conformément à l'ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu le mémoire du Gouvernement le 12 mars 1997 et celui du requérant le 13 mars.

5. Ainsi qu'en avait décidé le président, les débats se sont déroulés en public le 26 mai 1997, au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu :

- pour le Gouvernement

MM. V. Kondolaimos, assesseur auprès du Conseil

juridique de l'Etat, délégué de l'agent,

K. Georgiadis, auditeur auprès du Conseil

juridique de l'Etat, conseiller ;

- pour la Commission

M. C.L. Rozakis, délégué ;

pour le requérant

Mes D. Nicopoulos, avocat au barreau de Thessalonique,

D. Tsourkas, avocat au barreau de Thessalonique

et maître de conférences à l'université

de Thessalonique, conseils.

La Cour a entendu en leurs déclarations M. Rozakis, Me Tsourkas et M. Kondolaimos, ainsi qu'en leurs réponses à ses questions.

EN FAIT

I. Les circonstances de l'espèce

A. La procédure devant le tribunal de paix d'Athènes

6. Le 23 décembre 1987, M. Papageorgiou et cent neuf autres personnes saisirent le tribunal de paix (Eirinodikeio) d'Athènes, d'une action contre l'Entreprise publique d'électricité (Dimossia Epikheirissi Ilektrismou, « la DEI »), dont ils étaient salariés, en vue d'obtenir chacun 268 800 drachmes (GRD). Cette somme correspondait à celle que la DEI, se fondant sur les dispositions de la loi n° 1483/1984, avait retenu sur leurs salaires, entre le 1er janvier 1982 et le 31 décembre 1987, au profit de l'Organisme pour l'emploi de la main-d'œuvre (Organismos Apascholissis Ergatikou Dynamikou, « l'OAED »). L'audience devant le tribunal de paix fut fixée au 8 février 1988.

7. Le 4 février 1988, la DEI saisit le tribunal de paix d'une demande tendant à assigner l'OAED en intervention forcée (anakoinossi dikis meta prosepiklisseos is paremvassi). Elle soutenait en particulier qu'au cas où elle perdrait le procès, elle aurait le droit d'exiger un dédommagement par l'OAED au profit duquel elle avait retenu les sommes revendiquées. L'audience fut fixée au 16 mars 1988.

8. Le 8 février 1988, l'audience relative à la première action fut reportée au 16 mars 1988, afin que les deux instances soient jointes. Toutefois, le 16 mars 1988, elle fut annulée car les avocats des parties ne s'étaient pas présentés.

9. Souhaitant poursuivre seul désormais l'action introduite le 23 décembre 1987, le requérant invita, le 26 octobre 1988, le tribunal de paix à tenir une nouvelle audience qui fut fixée au 14 décembre 1988.

10. Le 12 décembre 1988, la DEI saisit derechef le tribunal de paix d'une demande tendant à assigner l'OAED en intervention forcée. L'audience fut fixée au 7 février 1989.

11. Le 14 décembre 1988, les débats furent ajournés jusqu'au 7 février 1989, afin que les deux instances soient jointes.

12. Par un jugement (n° 749/1989) du 20 avril 1989, le tribunal de paix accueillit en partie la demande du requérant et ordonna à la DEI de verser à celui-ci la somme de 190 383 GRD ; il enjoignit en outre à l'OAED de rembourser la DEI pour cette somme.

B. La procédure devant le tribunal de grande instance d'Athènes

13. Les 26 juin et 10 juillet 1989 respectivement, la DEI et l'OAED interjetèrent appel de ce jugement auprès du tribunal de grande instance (Polymeles protodikeio) d'Athènes. A la demande du requérant, l'audience fut fixée au 12 janvier 1990.

14. A cette date, le tribunal de grande instance releva que la tenue des débats avait été accélérée par le requérant lui-même, lequel n'avait pas cependant cité à comparaître la DEI estimant que l'appel de l'OAED était irrecevable dans la mesure où il visait aussi la DEI. Il décida alors, d'une part, de déclarer l'appel irrecevable dans la mesure où celui-ci se dirigeait contre la DEI et, d'autre part, de reporter les débats en ce qui concernait M. Papageorgiou, afin d'éviter le risque de rendre deux décisions contradictoires, (arrêt n° 2371/1990).

15. Le 3 avril 1990, le requérant, ayant assigné à la fois l'OAED et la DEI, demanda une nouvelle audience devant le tribunal de grande instance, qui eut lieu le 28 septembre 1990.

16. Par un arrêt (n° 9189/1990) du 30 novembre 1990, le tribunal de grande instance réduisit la somme accordée au requérant par le tribunal de paix à 117 213 GRD.

C. La procédure devant la Cour de cassation

17. Le 13 mars 1991, la DEI se pourvut en cassation ; l'OAED intervint pour appuyer les prétentions de celle-ci. Dans l'un de ses moyens, la DEI contestait la compétence du tribunal de grande instance ; selon elle, la question de l'obligation de cotiser relèverait du contentieux des assurances et devrait donc être soumise aux juridictions administratives.

Toutefois, l'audience, fixée initialement au 29 septembre 1992, dut être ajournée en raison de la grève des avocats du barreau d'Athènes, qui dura jusqu'en avril 1993.

18. Le 21 octobre 1992, le requérant demanda la tenue d'une nouvelle audience qui fut fixée au 19 octobre 1993.

19. Le 23 novembre 1993, la Cour de cassation, se fondant sur les dispositions de l'article 26 de la loi n° 2020/1992 – adopté par le Parlement le 28 février 1992 (paragraphe 25 ci-dessous) –, cassa l'arrêt attaqué, par les motifs suivants (arrêt n° 1120/1993) :

« (...) 3. Il résulte du principe de la séparation des pouvoirs (...) que le pouvoir législatif n'est pas empêché de supprimer en se fondant sur de nouvelles règles de droit – par voie de prescription – des droits qui ont été acquis conformément à des règles juridiques en vigueur dans le passé, même si ces droits ont été reconnus par des décisions judiciaires définitives. Il en va, toutefois, autrement si la nouvelle réglementation n'a pas un caractère général et méconnaît par conséquent le principe d'égalité (article 4 § 1 de la Constitution) ou le droit de propriété (article 17 de la Constitution) ; dans ce cas, elle ne peut pas être appliquée par les tribunaux (...). En l'occurrence, après le prononcé de l'arrêt attaqué (30.11.1990) et l'introduction du pourvoi en cassation (14.3.1991), fut votée et adoptée la loi n° 2020 du 28 février 1992 dont l'article 26 dispose (...). Ainsi qu'il ressort de l'arrêt attaqué (9189/1990), le tribunal de grande instance qui s'est prononcé en appel, a reconnu que [le requérant] était un employé titulaire de la DEI, lié à celle-ci par un contrat de travail et rémunéré par un salaire mensuel ; entre le 8 octobre 1984 et le 31 décembre 1987, les organes compétents de la DEI ont illégalement prélevé (puisque l'assurance complémentaire des employés de la DEI est incompatible en ce qui concerne les branches d'assurance susmentionnées (...) ) sur ses revenus mensuels et au profit de l'OAED 1 % pour le chômage et 1 % pour le DLOEM, soit au total 117 213 drachmes qui furent versées à l'OAED. [Le tribunal de grande instance] a adjugé par la suite cette somme au [requérant]. Toutefois, après l'entrée en vigueur de l'article 26 § 2 de la loi n° 2020/1992, qui n'est pas contraire aux dispositions des articles 4 et 17 de la Constitution, l'arrêt attaqué doit être cassé et la procédure doit être déclarée abrogée. (...) »

20. Il semblerait que cet arrêt ne fut jamais notifié au requérant qui allègue en avoir pris connaissance le 22 décembre 1993.

II. Le droit interne pertinent

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus