Jurisprudence : CEDH, 21-12-1999, Req. 33290/96, Salgueiro da Silva Mouta c. Portugal

CEDH, 21-12-1999, Req. 33290/96, Salgueiro da Silva Mouta c. Portugal

A7386AWH

Référence

CEDH, 21-12-1999, Req. 33290/96, Salgueiro da Silva Mouta c. Portugal. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1064305-cedh-21121999-req-3329096-salgueiro-da-silva-mouta-c-portugal
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Cour européenne des droits de l'homme

21 décembre 1999

Requête n°33290/96

Salgueiro da Silva Mouta c. Portugal



QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE SALGUEIRO DA SILVA MOUTA c. PORTUGAL

(Requête n° 33290/96)


ARRÊT

STRASBOURG

21 décembre 1999

DÉFINITIF

21/03/2000


En l'affaire Salgueiro da Silva Mouta c. Portugal,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. M. Pellonpää, président,

G. Ress,

A. Pastor Ridruejo,

L. Caflisch,

J. Makarczyk,

I. Cabral Barreto,

Mme N. Vajiæ, juges,

et de M. V. Berger, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 28 septembre et 9 décembre 1999,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCéDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête dirigée contre la République du Portugal et dont un ressortissant portugais, M. João Manuel Salgueiro da Silva Mouta (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 12 février 1996, en vertu de l'ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 2 octobre 1996 sous le numéro de dossier 33290/96.

2. Le 20 mai 1997, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du gouvernement portugais (« le Gouvernement »), en l'invitant à présenter par écrit des observations sur sa recevabilité et son bien-fondé. Le Gouvernement a présenté ses observations le 15 octobre 1997, après prorogation du délai imparti, et le requérant y a répondu le 6 janvier 1998.

3. A la suite de l'entrée en vigueur du Protocole n° 11 le 1er novembre 1998, l'affaire est examinée par la Cour conformément à l'article 5 § 2 dudit Protocole.

4. Conformément à l'article 52 § 1 du règlement de la Cour (« le règlement »), le président de la Cour, M. L. Wildhaber, a attribué l'affaire à la quatrième section. La chambre constituée au sein de ladite section comprenait de plein droit M. I. Cabral Barreto, juge élu au titre du Portugal (articles 27 § 2 de la Convention et 26 § 1 a) du règlement), et M. M. Pellonpää, président de la section (article 26 § 1 a) du règlement). Les autres membres désignés par ce dernier pour compléter la chambre étaient M. G. Ress, M. A. Pastor Ridruejo, M. L. Caflisch, M. J. Makarczyk et M
me N. Vajiæ (article 26 § 1 b) du règlement).

5. Le 1er décembre 1998, la chambre a déclaré la requête recevable, estimant que les griefs tirés par le requérant des articles 8 et 14 de la Convention devaient faire l'objet d'un examen au fond.

6. Le 15 juin 1999, la chambre a décidé de tenir, à huis clos, une audience sur le bien-fondé de l'affaire. L'audience s'est déroulée le 28 septembre 1999, au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg.

Ont comparu :

pour le Gouvernement

MM. A. Henriques Gaspar, procureur général adjoint, agent,

P. Guerra, professeur à l'Ecole de la magistrature, conseiller ;

pour le requérant

M
es T. Coutinho, avocate, conseil,

R. Gonçalves, avocat stagiaire, conseiller.

Le requérant a également assisté à l'audience.

La Cour a entendu en leurs déclarations, ainsi qu'en leurs réponses aux questions de l'un des juges, M
e Coutinho et M. Henriques Gaspar.

7. Conformément à la décision du président de la chambre en date du 28 septembre 1999, le requérant a déposé, le 8 octobre 1999, un mémoire supplémentaire concernant ses demandes au titre de l'article 41 de la Convention. Le Gouvernement y a répondu le 28 octobre 1999.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

8. Le requérant est un ressortissant portugais né en 1961 et résidant à Queluz (Portugal).

9. En 1983, le requérant épousa C.D.S. Le 2 novembre 1987, ils eurent une fille, M. Séparé de son épouse depuis avril 1990, le requérant vit depuis cette date avec un adulte de sexe masculin, L.G.C. A la suite d'une action en divorce intentée par C.D.S., le divorce fut prononcé le 30 septembre 1993 par le tribunal aux affaires familiales (Tribunal de Família) de Lisbonne.

10. Le 7 février 1991, le requérant conclut, dans le cadre de la procédure de divorce, un accord avec C.D.S. relatif à l'octroi de l'autorité parentale (poder paternal) sur l'enfant M. Aux termes de cet accord, l'autorité parentale était confiée à C.D.S., le requérant bénéficiant d'un droit de visite. Toutefois, le requérant ne put bénéficier de son droit de visite, C.D.S. ne respectant pas ledit accord.

11. Le 16 mars 1992, le requérant introduisit une demande visant à lui conférer l'autorité parentale. Il allégua que C.D.S. ne respectait pas les termes de l'accord conclu le 7 février 1991, l'enfant M. se trouvant confiée à la garde de ses grands-parents maternels. Le requérant se prétendait en mesure de mieux s'occuper de son enfant. Dans son mémoire en réponse, C.D.S. accusa L.G.C. de s'être livré à des abus sexuels sur l'enfant.

12. Le tribunal aux affaires familiales de Lisbonne rendit son jugement le 14 juillet 1994, après une période pendant laquelle le requérant, l'enfant M., C.D.S., L.G.C. et les grands-parents maternels de l'enfant furent suivis par des experts en psychologie auprès de ce même tribunal. Celui-ci attribua l'autorité parentale au requérant, écartant comme non fondées, à la lumière des rapports des experts en psychologie, les allégations de C.D.S. selon lesquelles L.G.C. aurait demandé à l'enfant M. de le masturber. Il considéra par ailleurs, toujours à la lumière des rapports des experts en psychologie, que les déclarations de l'enfant M. en ce sens semblaient plutôt avoir été le résultat d'influences exercées sur l'enfant par d'autres personnes. Le tribunal ajouta :

« La mère maintient sa position peu coopérative et il est complètement improbable qu'elle change d'attitude. Elle n'a pas respecté, de manière répétée, les décisions du tribunal. Force est de constater que (la mère) n'a pas démontré être, à l'heure actuelle, capable de donner à M. les conditions d'une vie équilibrée et tranquille dont cette dernière a besoin. Le père est, à l'heure actuelle, plus en mesure de le faire. Outre le fait de disposer des conditions économiques et d'habitation pour avoir l'enfant avec lui, il a démontré être capable de lui transmettre les conditions d'équilibre dont l'enfant a besoin et de respecter son droit à garder un contact régulier et assidu avec la mère et les grands-parents maternels. »

13. M. demeura avec le requérant du 18 avril au 3 novembre 1995, date à laquelle elle aurait été enlevée par C.D.S. A la suite d'une plainte du requérant, une procédure pénale est actuellement pendante au sujet de ces mêmes faits.

14. C.D.S. fit appel contre le jugement du tribunal aux affaires familiales devant la cour d'appel (Tribunal da Relação) de Lisbonne. Le 9 janvier 1996, celle-ci rendit son arrêt. Elle infirma le jugement du tribunal de première instance et attribua l'autorité parentale à C.D.S., tout en accordant un droit de visite au requérant. Cet arrêt se lit ainsi :

« Dans la procédure d'octroi de l'autorité parentale relative à l'enfant M., née le 2 novembre 1987, fille du (requérant) et de C.D.S., la décision prononcée le 7 février 1991 homologuait l'accord entre les parents au sujet de l'autorité parentale sur l'enfant, du régime de visites et du montant de la pension alimentaire à verser par le père, puisque M. a été confiée à la garde de sa mère.

Le 16 mars 1992 (le requérant) introduisit une demande de modification de l'octroi de l'autorité parentale au motif que l'enfant ne vivait pas avec sa mère, conformément à ce qui avait été décidé, mais chez ses grands-parents maternels, ce qui selon lui n'avait pas lieu d'être. C'est pour cette raison qu'il fallait modifier le régime de la garde de façon à lui confier sa fille et à appliquer à la mère le régime de visites et de pension alimentaire qui lui incombait.

La mère de l'enfant non seulement contesta la demande du requérant mais invoqua des faits tendant à démontrer que l'enfant ne devait pas rester en compagnie de son père car celui-ci était homosexuel et vivait en ménage avec un autre homme. A la suite de plusieurs démarches dans le cadre de cette procédure, la décision suivante fut rendue le 14 juillet 1994 :

1. l'enfant est confiée à la garde et aux soins de son père, à qui est confiée l'autorité parentale ;

2. l'enfant pourra voir sa mère un week-end sur deux, du vendredi jusqu'au lundi. Sa mère ira la chercher le vendredi à la sortie de l'école et la ramènera à l'école le lundi matin avant le début des cours ;

3. l'enfant pourra également voir sa mère tous les mardi et mercredi ; sa mère ira la chercher à l'école à la fin des cours et la ramènera le lendemain matin ;

4. l'enfant passera la veille et le jour de Noël alternativement avec son père et avec sa mère ;

5. l'enfant passera les fêtes de Pâques avec sa mère ;

6. pendant les vacances scolaires d'été, l'enfant passera 30 jours avec sa mère. Les dates devront être convenues avec le père au moins soixante jours à l'avance ;

7. la mère devra verser au père une pension alimentaire de 30 000 escudos par mois, avant le 8 de chaque mois. Cette pension sera réactualisée une fois par an à l'aide de l'indice d'inflation de l'année précédente publié par l'INE [Institut national de la statistique].

Cette même décision réglementait spécifiquement le régime applicable à l'année 1994. Insatisfaite de cette décision, C.D.S. interjeta appel. Auparavant, elle avait fait appel de la décision figurant à la page 238 qui refusait la demande de suspension de l'instance et de la décision prononcée à l'audience de jugement du 29 avril 1994 sur la demande d'examen du document figurant à la page 233 ; ces deux recours ont été renvoyés et n'ont finalement eu qu'un effet purement dévolutif.

Les conclusions du mémoire de la requérante sont les suivantes :

(…)

Dans son mémoire, le (requérant) plaide pour la confirmation du jugement de première instance.

Le procureur de la République près cette cour d'appel a émis un avis en faveur de la nullité de la décision mais pas en vertu des moyens de l'appelante.

Après examen du dossier, il y a lieu de décider.

En premier lieu, examinons les faits suivants, que la première instance a considérés comme établis :

1. L'enfant M., née le 2 novembre 1987, est la fille du (requérant) et de C.D.S.

2. Ses parents se sont mariés le 2 avril 1983.

3. Le divorce a été prononcé le 30 septembre 1993 et leur union dissoute.

4. Les parents vivent séparés depuis le mois d'avril 1990, date à laquelle (le requérant) a quitté son domicile pour aller vivre avec un autre homme, prénommé L.

5. Le 7 mars 1991, dans le cadre de la procédure n° 1101/90, le tribunal de Loures, par décision de justice, homologua l'accord suivant relatif à l'exercice de l'autorité parentale sur l'enfant :

I - L'enfant est confiée à sa mère ;

II - Son père pourra rendre visite à sa fille chaque fois qu'il le souhaite, sans nuire à son activité scolaire ;

III - L'enfant passera avec son père un week-end sur deux, ainsi que Noël et Pâques ;

IV - L'enfant passera les vacances du père avec celui-ci, sauf si ces congés coïncident avec ceux de la mère, auquel cas l'enfant passera 15 jours avec chacun des parents ;

V - Les week-ends que l'enfant doit passer avec son père, celui-ci ira la chercher chez sa mère, le samedi vers 10 heures et il la ramènera le dimanche vers 20 heures ;

VI - Dès que possible, l'enfant ira au jardin d'enfants, dont l'inscription est à la charge du père ;

VII - Le père versera une pension alimentaire de 10 000 escudos par mois, réactualisée une fois par an selon le même pourcentage que l'augmentation nette de son salaire. Cette somme sera versée sur le compte de la mère de l'enfant – compte n° ..., avant le 5 du mois suivant ;

VIII - Le père paiera en outre la moitié des frais du jardin d'enfants de sa fille ;

IX - En cas de dépenses extraordinaires pour la santé de l'enfant, le père en acquittera la moitié.

6. A partir du mois d'avril 1992, l'enfant cessa de voir son père aux termes de l'accord passé, contre la volonté de ce dernier.

7. Jusqu'au mois de janvier 1994, l'enfant a vécu chez ses grands-parents maternels (nom), à Camarate (adresse).

8. A partir de cette date, l'enfant est allée vivre chez sa mère et le compagnon de celle-ci (adresse), à Lisbonne.

9. Elle continua cependant à dormir de temps en temps chez ses grands-parents maternels.

10. Les jours d'école, où elle n'y dormait pas, sa mère la conduisait chez ses grands-parents où elle restait après l'école à partir de 17 heures.

11. Pendant cette année scolaire, l'enfant M. était en première année de premier cycle, au collège ... dont les frais de scolarité s'élèvent à 45 400 escudos par mois.

12. Sa mère vit maritalement avec J. depuis au moins deux ans.

13. Ce dernier, gérant commercial, exerce une activité d'import-export, ses affaires l'occupant essentiellement en Allemagne, où il a le statut d'immigrant, et ses revenus sont de l'ordre de 600 000 escudos par mois.

14. La mère, C.D.S., est gérante de la société DNS, dont les associés sont son compagnon et son frère, J.P.

15. Elle est inscrite à l'agence pour l'emploi et la formation professionnelle depuis le 17 février 1994.

16. Ses dépenses sont assurées conjointement par elle et son compagnon.

17. Elle déclare payer 120 000 escudos de loyer et dépenser environ 100 000 par mois en alimentation.

18. Le père, João Mouta, entretient une relation de type homosexuel avec L.G.C., avec lequel il vit depuis le mois d'avril 1990.

19. Il est chef de département chez A., et son revenu mensuel net s'élève, avec les commissions, à un peu plus de 200 000 escudos.

20. L'enfant est extrêmement liée à sa grand-mère maternelle, qui est témoin de Jéhovah.

21. Par suite du non-respect de la décision évoquée au paragraphe 5, la mère de l'enfant a été condamnée le 14 mai 1993 à verser une amende de 30 000 escudos parce que, depuis le mois d'avril 1992, elle n'autorisait pas le père à exercer son « droit de visite à l'égard de sa fille conformément à la décision prononcée ».

22. Le 25 juin 1994, après avoir entendu individuellement et conjointement le père et la mère, et M., sans la présence de ses parents ni de sa grand-mère maternelle, après avoir entendu individuellement cette dernière, le compagnon du père et après examen psychologique de M., le cabinet de psychologie auprès du tribunal fit le rapport suivant :

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