Jurisprudence : CEDH, 10-04-2001, Req. 36445/97, Sablon c. Belgique

CEDH, 10-04-2001, Req. 36445/97, Sablon c. Belgique

A7377AW7

Référence

CEDH, 10-04-2001, Req. 36445/97, Sablon c. Belgique. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1064296-cedh-10042001-req-3644597-sablon-c-belgique
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Cour européenne des droits de l'homme

10 avril 2001

Requête n°36445/97

Sablon c. Belgique



TROISIÈME SECTION

AFFAIRE SABLON c. BELGIQUE

(Requête n° 36445/97)

ARRÊT

STRASBOURG

10 avril 2001

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive.

En l'affaire Sablon c. Belgique,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

M. J.-P. Costa, président,

M. P. Kûris,

M
me F. Tulkens,

M. K. Jungwiert

Sir Nicolas Bratza,

M
me H.S. Greve,

M. K. Traja, juges,

et de M
me S. Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 9 mars 1999 et 20 mars 2001,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête dirigée contre la Belgique et dont un ressortissant, M. Emile Sablon (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 22 mai 1997, en vertu de l'ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 11 juin 1997 sous le numéro de dossier 36445/97. Le gouvernement belge (« le Gouvernement » ) a été représenté par son agent, M. Claude Debrulle, directeur d'administration au ministère de la Justice.

2. Sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaignait de l'équité et de la durée de procédures en relation avec sa faillite ouverte d'office par un jugement du 14 septembre 1971, décision dont la rétractation fut prononcée le 6 septembre 1993. Invoquant l'article 1er du Protocole n° 1, il se plaignait aussi de l'attitude du curateur en charge de la faillite à la date de sa rétractation.

3. Par une décision du 27 octobre 1997, la Commission (deuxième chambre) a décidé de porter la requête à la connaissance du gouvernement, en l'invitant à présenter par écrit des observations sur sa recevabilité et son bien-fondé. Le Gouvernement a présenté ses observations le 13 mars 1998 et le requérant a présenté les siennes le 24 avril 1998.

4. A la suite de l'entrée en vigueur du Protocole n° 11 le 1er novembre 1998, et conformément à l'article 5 § 2 de celui-ci, l'affaire est examinée par la Cour.

5. Conformément à l'article 52 § 1 du règlement de la Cour (« le règlement »), le président de la Cour, M. L. Wildhaber, a attribué l'affaire à la troisième section.

6. Le 9 mars 1999, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable quant à la durée de la procédure.

7. Le 15 mars 1999, la chambre a invité les parties à lui soumettre, dans un délai expirant le 10 mai 1999, des offres de preuves et observations complémentaires ainsi que, le cas échéant, leurs propositions de règlement amiable. La chambre les a aussi informées qu'elles avaient la faculté de requérir une audience, ce qu'elle n'estimait pas nécessaire. Elle a en outre invité le requérant à lui soumettre, dans le même délai, ses demandes au titre de l'article 41 de la Convention.

8. Par un courrier du 21 mars 1999, le requérant a signalé prendre acte de ce que la chambre n'estimait pas nécessaire la tenue d'une audience. Il a fait parvenir ses demandes au titre de l'article 41 de la Convention le 1er mai 1999. Par un courrier du 11 juin 1999, le Gouvernement a présenté, après prolongation du délai imparti, ses observations complémentaires sur le fond de l'affaire et ses commentaires sur les demandes présentées au titre de l'article 41 de la Convention.

9. Le requérant a fourni des informations et commentaires sur l'affaire par des courriers des 21 juin et 20 juillet 1999. Le 20 août 1999, le Gouvernement a signalé qu'il souhaitait répondre au courrier du requérant du 20 juillet 1999, qui lui avait été transmis le 5 août 1999, et déposer de nouvelles observations complémentaires à ce propos. Le requérant a fourni de nouveaux documents et commentaires sur l'affaire par courrier du 8 août 1999.

10. Le 10 septembre 1999, Maître P. Vanderveeren, avocat au barreau de Bruxelles, a informé la Cour de son intervention en qualité de conseil du requérant.

11. Le 27 septembre 1999, le Gouvernement a présenté, après prolongation du délai initialement imparti, de nouvelles observations complémentaires sur le fond de l'affaire. Le conseil du requérant a transmis à la Cour, en date du 4 novembre 1999, des observations en réponse rédigées personnellement par le requérant et signées par lui.

12. Le 16 février 2000, le requérant a signalé qu'il suspendait, « à titre provisoire ou définitif », l'intervention de son conseil et fourni des informations et commentaires sur l'affaire.

13. Le 25 juillet 2000, les parties ont été invitées, conformément à l'article 49 § 2 du règlement, à fournir des informations complémentaires sur l'évolution des diverses procédures encore pendantes devant les juridictions belges. Les parties ont présenté ces informations les 7 août, 16 août, 30 novembre et 14 décembre 2000.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

14. Le 14 septembre 1971, le tribunal de commerce de Nivelles déclara ouverte d'office la faillite du requérant, qui exerçait avec W., son beau-père, des activités de promotion et de construction immobilières exercées à titre personnel, suite à une assignation du 14 mars 1971 de l'Office national de sécurité sociale (ci-après O.N.S.S.) pour non-paiement de sommes dues par le requérant au titre des cotisations sociales des salariés de l'entreprise. Le tribunal, après avoir entendu les parties et notamment l'avocat de M. Sablon, considéra que l'ébranlement du crédit du requérant, condition légale de la faillite, résultait à suffisance de l'impossibilité d'obtenir une quelconque couverture bancaire. Deux curateurs, B. et D., furent nommés. Le requérant n'introduisit pas de recours internes contre cette décision et ne formula pas de propositions concordataires. Le requérant a introduit à ce propos la requête N° 12770/87 qui fut enregistrée le 16 février 1987 et déclarée irrecevable par décision de la Commission européenne des Droits de l'Homme du 8 septembre 1989. Dans la mesure où la requête était dirigée contre cette procédure, la Commission a estimé que le requérant n'avait pas satisfait à la condition de l'épuisement des voies de recours internes, faute d'avoir exercé le recours d'opposition qui lui était ouvert en droit belge.

15. A la suite d'irrégularités constatées dans la gestion des curatelles sous le contrôle du tribunal de commerce de Nivelles, la cour d'appel de Bruxelles condamna, par arrêt du 17 avril 1987, les curateurs D. et B. à respectivement un an et trois mois d'emprisonnement. Un nouveau curateur, J., fut nommé à leur place en qualité de curateur de la faillite de M. Sablon.

A. Procédure en rétractation de la faillite et appel du jugement du 14 septembre 1971

16. Le 25 avril 1990, le requérant signifia à diverses personnes - à savoir J., B., D. et l'O.N.S.S, ainsi que Wa. (ex-épouse du requérant et fille de W.) et deux membres de sa famille - une requête civile datée du 23 avril 1990 et une citation à comparaître devant le tribunal de commerce de Nivelles pour le voir statuer sur une requête civile aux fins d'obtenir la rétractation du jugement du 14 septembre 1971.

17. Par jugement du 6 septembre 1993, le tribunal de commerce de Nivelles prononça la rétractation du jugement de faillite. Il « dit pour droit, qu'en principe la situation patrimoniale [du requérant devait] être remise dans l'état où elle se trouvait le jour dudit jugement déclaratif du 14 septembre 1971 ». Il constata cependant qu'il lui était, en l'état, malaisé de procéder à la reconstitution du patrimoine du requérant.

18. En raison de ces difficultés de procéder à la reconstitution du patrimoine, le tribunal releva qu'il se pourrait qu'il y ait lieu à l'établissement de responsabilités spécifiques après examen des « possibilités de restitution, de compensation et de réparation en nature ou en équivalent, en tout ou en partie, sans que les droits des créanciers de l'époque puissent être négligés ». Il décida que l'affaire serait poursuivie sur ces points le 6 décembre 1993 et fixa les délais aux parties pour leurs conclusions. Faisant droit à une demande incidente du requérant, il condamna également D., B. et l'O.N.S.S. à lui payer solidairement une somme de 5 millions de francs belges (BEF) pour le rôle déterminant joué par ceux-ci dans les causes du préjudice en tout cas subi par le requérant. Le tribunal déclara son jugement exécutoire par provision.

19. Le 21 octobre 1993, l'O.N.S.S. paya le tiers de la somme de 5 millions BEF. Il paya le restant de cette somme le 15 novembre 1993, à défaut d'exécution du jugement par B. et D.

20. D., B., J. et l'O.N.S.S firent appel de ce jugement en septembre et octobre 1993.

21. Le 31 janvier 1994, le requérant déposa une requête en aménagement des délais pour conclure et en fixation d'une date de plaidoirie, conformément à l'article 747 § 2 du Code judiciaire.

22. Par arrêt du 2 juin 1994, la cour d'appel de Bruxelles déclara la requête irrecevable au motif qu'elle n'était pas motivée comme la loi l'imposait et ne mentionnait pas les délais pour le dépôt de conclusions. Elle constata surabondamment que le requérant ne pouvait soutenir avoir été empêché de conclure dans le délai d'un mois accordé par l'article 747 § 1 du Code judiciaire faute pour ses adversaires de lui avoir communiqué leurs pièces, car l'article 1064 de ce code prévoit que l'intimé a un mois pour conclure à partir de l'introduction de la cause. La cour d'appel déclara aussi irrecevable pour le même motif une demande de D. d'aménager les délais impartis aux parties pour conclure.

23. Le requérant prit ses conclusions d'appel le 24 septembre 1994.

24. A une date indéterminée, le requérant fit notifier aux autres parties un avertissement les obligeant à conclure et fixant l'affaire au 14 mars 1995, conformément à l'article 751 du Code judiciaire. Diverses conclusions furent déposées en janvier 1995 et le requérant prit de nouvelles conclusions le 8 février 1995.

25. A l'audience du 14 mars 1995, l'affaire fut renvoyée au rôle en vertu du quatrième alinéa de l'article 751 du Code judiciaire, aux fins de laisser aux parties adverses la possibilité de répondre aux conclusions du 8 février 1995.

26. Entre-temps, le 20 janvier 1995, le requérant avait entamé une procédure en rectification de l'arrêt du 2 juin 1994, arguant une erreur matérielle dans la mention de son adresse. La cour fit droit à sa demande par un arrêt du 6 avril 1995.

27. Le 26 septembre 1995, le requérant déposa une requête en fixation d'une date de plaidoiries et l'audience fut, dans un premier temps, fixée au 10 février 1999.

28. Le premier président de la cour d'appel de Bruxelles fit toutefois fixer l'affaire à l'audience du 2 octobre 1997 pour établir un nouveau calendrier de procédure.

29. A l'audience du 2 octobre 1997, la cour d'appel décida que D., B., et J. déposeraient leurs nouvelles conclusions au plus tard le 18 décembre 1997, que le requérant déposerait ses conclusions en réplique au plus tard le 5 mars 1998 et qu'elle entendrait les plaidoiries aux audiences des 8 et 15 mai 1998.

30. De nouvelles conclusions furent déposées à l'audience du 8 mai 1998, à l'issue de laquelle l'affaire fut remise sine die, au motif que le requérant avait peu avant fait appel du jugement déclaratif de faillite de 1971.

31. En effet, le 14 avril 1998, le requérant avait fait appel du jugement du 14 septembre 1971, arguant que l'O.N.S.S. n'avait pas reçu la signification de ce jugement. Cet appel fut joint à ceux de septembre et octobre 1993, en application des règles de la connexité.

32. Après échange de nouvelles conclusions, l'affaire fut plaidée le 19 février 1999 et la cour prononça la clôture des débats.

33. Le 12 mars 1999, le requérant déposa une demande en réouverture des débats. Arguant de la décision rendue par la Cour le 9 mars 1999 (paragraphe 6 ci-dessus), il invitait la cour d'appel à « faire preuve de sagesse en attendant que la copie de cet arrêt puisse [lui] être communiquée avant de poursuivre l'examen desdites causes ».

34. Par un premier arrêt du 18 juin 1999, la cour d'appel déclara l'appel contre le jugement du 14 septembre 1971 irrecevable, au motif qu'il n'avait pas été introduit dans les quinze jours de la signification qui lui avait été régulièrement faite le 14 octobre 1971.

35. Par un second arrêt du 18 juin 1999, la cour d'appel déclara irrecevable la requête civile déposée par le requérant en avril 1990. Rappelant les conditions de recevabilité de la requête civile énumérées par l'article 1133 du Code judiciaire, elle releva que les circonstances soulevées par le requérant à l'appui de sa requête civile et retenues par le jugement du 6 septembre 1993 ne répondaient pas aux conditions limitativement énumérées dans cet article. En tout état de cause, le requérant avait eu connaissance de ces circonstances avant l'expiration des délais prévus pour les voies de recours ordinaire et, a fortiori, bien plus de six mois avant l'introduction de sa requête civile (voir, ci-après, article l'article 1133 du Code judiciaire).

36. Le 4 août 1999, le premier arrêt du 18 juin 1999 fut signifié au requérant. Le 2 novembre 1999, celui-ci introduisit un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

37. A une date indéterminée, le requérant a introduit une demande en « interprétation-rectification » du second arrêt du 18 juin 1999. Le requérant n'a pas fourni d'informations sur la suite réservée à cette demande. Il a également signalé avoir déposé plainte à ce propos entre les mains du Procureur général à la Cour de cassation le 19 février 2000 et auprès du ministre de la Justice. Le 22 novembre 2000, il aurait aussi demandé au ministre de la Justice de faire usage de l'article 1088 du Code judiciaire à l'encontre des arrêts du 18 juin 1999. Cette disposition donne au ministre le pouvoir de donner instruction au procureur général près la Cour de cassation de dénoncer à cette cour les actes par lesquels des auxiliaires de justice, et notamment les juges et les officiers du ministère public, auraient excédé leurs pouvoirs.

38. Entre-temps, le requérant avait tenté de faire poursuivre l'examen de l'action qu'il avait intentée le 25 avril 1990 devant le tribunal de commerce de Nivelles. Après le dépôt de nombreuses conclusions, le tribunal constata, par jugement du 2 mai 1994, qu'il était dessaisi du dossier en raison de l'effet dévolutif de l'appel et qu'il ne pouvait donc se prononcer ni sur les points pour lesquels il avait mis la cause en continuation ni sur les demandes complémentaires formulées par le requérant suite au jugement.

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