COUR DE CASSATION
Chambre sociale
Audience publique du 13 juin 2001
Pourvoi n° 99-42.800
M. Thierry Z ¢
société Telci
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Thierry Z, demeurant Benejacq,
en cassation d'un arrêt rendu le 16 mars 1999 par la cour d'appel de Limoges (chambre sociale), au profit
1°/ de la société Telci, dont le siège est Paris,
2°/ de M. Didier X, pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Telci, domicilié Nanterre,
3°/ de Mme Christine W W, prise en sa qualité de représentante des créanciers de la société Telci, domiciliée Puteaux,
4°/ du Centre de gestion et d'études AGS-CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est Levalllois-Perret,
5°/ de l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salaires (AGS), dont le siège est Paris,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 mai 2001, où étaient présents M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Bouret, Coeuret, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Kehrig, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boubli, conseiller, les observations de Me Blanc, avocat de M. Z, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z était employé en qualité de chef d'agence par la société Telci, après qu'il ait occupé l'emploi de technicien de maintenance, puis de chef de groupe ; qu'il a été licencié pour faute lourde le 22 juin 1993 ;
Sur le premier moyen
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Limoges, 16 mars 1999) d'avoir décidé que le licenciement pour faute lourde de M. Z était justifié, alors, selon le moyen
1°/ que la faute lourde suppose un acte commis par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur et qui porte à ses intérêts une atteinte grave et effective ; que la cour d'appel ne pouvait se borner à énoncer que le comportement de M. Z avait eu pour but d'empêcher les techniciens d'intervenir en clientèle et était destiné à entraver le fonctionnement normal de l'entreprise, mais devait, en outre, rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par M. Z qui soutenait que le grief ne reposait sur aucune base sérieuse dès lors que la société Telci n'avait subi aucune interruption d'activité, ni aucun préjudice, si son comportement avait de manière grave et effective porté atteinte aux intérêts de cette société (manque de base légale au regard de l'article L. 223-14 du Code du travail) ;
2°/ que les juges ne peuvent rejeter une demande sans examiner tous les éléments de preuve soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour décider que M. Z avait commis une faute lourde, la cour d'appel s'est fondée sur l'attestation de M. ... selon laquelle il lui avait interdit l'accès des locaux et du téléphone de la société, avait débranché le téléphone et le fax et avait séquestré du matériel pour empêcher les techniciens d'intervenir en clientèle, attitude destinée à entraver le fonctionnement de l'entreprise ; que la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi sans analyser ni réfuter les attestations de MM. ... et ... dont il résultait notamment que, le 8 juin, il n'y avait pas eu d'entrave au bon fonctionnement de l'agence et que les techniciens de maintenance avaient pu entrer et sortir librement du domicile de M. Z avec du matériel (violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile) ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait procédé à la rétention du matériel de l'agence, ce qui avait paralysé les services pendant cinq jours et que, malgré la mise en garde de l'employeur le 8 juin 1993 sur les conséquences de cet acte, il avait persisté dans cette attitude, avait refusé l'accès du nouveau directeur et avait empêché les techniciens d'intervenir en clientèle, a fait ressortir que ce comportement révélait une intention de nuire aux intérêts de l'entreprise ; qu'elle a pu en déduire que le salarié, qui s'était en outre rendu coupable d'autres négligences graves et non sérieusement contestées, avait commis une faute lourde ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande-intérêts formée par M. Z pour non-respect de la procédure de licenciement, alors, selon le moyen
1°/ que l'objet de la convocation à l'entretien préalable doit être indiqué au salarié ; qu'est irrégulière la convocation pour un entretien "en vue d'un licenciement pour faute grave", dès lors que le licenciement sera prononcé pour faute lourde, faute commise partiellement avant cet entretien (violation de l'article L. 122-14 du Code du travail) ;
2°/ que l'entretien préalable au licenciement doit permettre au salarié de s'expliquer sur les motifs du licenciement envisagé et que lorsque la lettre de convocation à cet entretien mentionne l'existence d'une faute grave, il appartient à l'employeur qui décide de le licencier pour faute lourde de prouver que ce motif a été invoqué au cours de l'entretien ; que la cour d'appel ne pouvait, sans inverser la charge de la preuve, reprocher à M. Z de ne pas avoir rapporté la preuve de ce que cet élément n'aurait pas été invoqué (violation de l'article 1315 du Code civil) ;
Mais attendu que, devant la cour d'appel, le salarié se bornait à contester l'irrégularité de la procédure en soutenant que les faits étaient postérieurs à l'entretien préalable ; que la cour d'appel, qui a constaté que les faits étaient antérieurs à cet entretien, que le salarié en avait eu connaissance et que la procédure était régulière, a légalement justifié sa décision de ce chef ; que le moyen, qui est, pour partie, nouveau et, pour partie, mal fondé ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille un.