COUR DE CASSATION
Chambre sociale
Audience publique du 10 mai 2001
Pourvoi n° 99-40.983
Mme Thérèse Z ¢
Laboratoire d'analyses médicales d'Argentan
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par Mme Thérèse Z, demeurant Vrigny,
en cassation d'un jugement rendu le 15 décembre 1998 par le conseil de prud'hommes d'Argentan (section Activités diverses), au profit du Laboratoire d'analyses médicales d'Argentan, société anonyme, dont le siège est Argentan,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 mars 2001, où étaient présents M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Nicolétis, conseiller référendaire rapporteur, Mme Quenson, conseiller, M. Poisot, conseiller référendaire, M. Kehrig, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Nicolétis, conseiller référendaire, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'en vertu d'un usage, la société Laboratoire d'analyses médicales d'Argentan versait à ses salariés une prime annuelle de treizième mois ; que, le 18 juin 1997, l'employeur informait le délégué du personnel que la situation financière de la société ne permettait pas le paiement de cette prime pour l'année 1997 ; que, par courrier en date du 4 août, remis à chaque salarié personnellement, l'employeur faisait connaître que la suppression de la prime de treizième mois, qui avait été envisagée lors de réunions tenues aux mois de mai et juin 1997, était confirmée ; que Mme Z, salariée de la société depuis le 15 novembre 1964, a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir paiement de la prime litigieuse ainsi que des rappels de paiement sur le montant des primes de treizième mois qui lui ont été versées de 1993 à 1996 ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la défense
Attendu que la société Laboratoire d'analyses médicales d'Argentan soutient que le pourvoi est irrecevable du fait que la déclaration de pourvoi faite par Mme Z ne contient pas d'exposé des moyens de cassation et qu'aucun mémoire n'a été déposé au greffe de la Cour de Cassation dans le délai de trois mois prévu par l'article 989 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le récépissé de la déclaration de pourvoi délivré à Mme Z est daté du 12 février 1999 ; que le mémoire contenant les moyens de cassation et les pièces invoquées au soutien du pourvoi sont parvenus au greffe de la Cour de Cassation le 3 mars 1999 ;
D'où il suit que le pourvoi est recevable ;
Sur le second moyen
Attendu que Mme Z fait grief au jugement attaqué d'avoir validé la suppression par l'employeur de la prime de treizième mois pour l'année 1997, alors, selon le moyen
1°/ que la prime litigieuse, qui lui était versée depuis son embauche, constituait un élément de son contrat de travail qui ne pouvait être modifié sans son accord;
2°/ que le délai de prévenance nécessaire à la dénonciation d'un usage était insuffisant;
Mais attendu que les avantages résultant pour un salarié d'un usage d'entreprise ne sont pas incorporés à son contrat de travail ;
Et attendu que le conseil de prud'hommes a estimé que le préavis était d'une durée suffisante ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen
Vu les règles régissant la dénonciation des usages de l'entreprise ;
Attendu que pour débouter Mme Z de sa demande en paiement de rappel de prime d'ancienneté sur ses primes de treizième mois pour les années 1993 à 1996, le conseil de prud'hommes énonce que l'article 14 de la convention collective ne prévoit pas une telle majoration, que celle-ci ne peut être accordée à la salariée puisque l'usage relatif au versement d'une prime de treizième mois a été dénoncé ;
Attendu, cependant, que la dénonciation faite par l'employeur, qui ne pouvait avoir d'effet que pour l'avenir, était sans incidence sur le mode de calcul de la prime de treizième mois des années antérieures à la dénonciation ;
Qu'en statuant comme il l'a fait, alors qu'il avait constaté que l'usage consistant à verser une prime de treizième mois avait été dénoncé à compter de l'année 1997, le conseil de prud'hommes a violé les règles susvisées ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de paiement de rappel de prime d'ancienneté sur ses primes de treizième mois pour les années 1993 à 1996, le jugement rendu le 15 décembre 1998, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Argentan ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes d'Alençon ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Laboratoire d'analyses médicales d'Argentan ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille un.