Jurisprudence : Cass. civ. 1, 04-04-2001, n° 98-11.364, Rejet.



COUR DE CASSATION
Première chambre civile
Audience publique du 4 avril 2001
Pourvoi n° 98-11.364
M. Paul Z
¢
M. Paul Z
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant 

Sur le pourvoi formé par

1°/ M. Paul Z, demeurant Aix-en-Provence,

2°/ M. Jacques Y, demeurant Marseille,

3°/ la société Le Pénélope, société à responsabilité limitée, dont le siège est Les Pennes Mirabeau,
en cassation d'un arrêt rendu le 18 décembre 1997 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre civile B), au profit

1°/ de M. Paul Z, demeurant Marseille,

2°/ de l'Union des assurances de Paris W, dont le siège est Paris, aux droits de laquelle vient la société Axa courtage,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 7 mars 2001, où étaient présents  M. Lemontey, président, M. Aubert, conseiller rapporteur, MM. Sargos, Bouscharain, Pluyette, conseillers, Mme Petit, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Aubert, conseiller, les observations de la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de M. U, de M. Y et de la société Le Pénélope, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de M. Z et de l'UAP W, aux droits de laquelle vient la société Axa courtage, les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. U et M. Y, copropriétaires d'un immeuble dans lequel ils exploitaient, sous la forme d'une SARL, dénommée "Le Pénélope" (la SARL), un fonds de commerce de discothèque, ont, à la suite de la destruction par incendie de cet immeuble, confié leurs intérêts à M. Z, avocat ; que la prescription biennale de l'action de ses clients contre leur assureur ayant été acquise, faute d'acte interruptif de prescription utile, prescription constatée par un arrêt, passé en force de chose jugée, du 6 février 1992, MM.UU etYY, ainsi que la SARL, ont demandé réparation de leurs entiers dommages à cet avocat et à son assureur, l'UAP, devenue AXA courtage W (AXA) ; qu'estimant que M. Z leur avait fait perdre la chance d'obtenir une indemnisation de leur assureur, l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 1997) leur a alloué diverses réparations ;
Sur le premier moyen
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait alors qu'en déclarant n'indemniser que la perte de la chance d'obtenir les indemnités contractuelles à raison de l'incertitude liée à l'introduction d'une procédure par l'assuré, bien que cette procédure eût été introduite pour obtenir paiement d'une provision sur l'indemnité contractuelle due et eût été close par un arrêt devenu irrévocable ayant constaté, au vu de la police incendie, qu'en "l'absence d'exclusion ou de causes de déchéance, la garantie contractuelle est donc due" (arrêt du 6 février 1992) de sorte qu'aucun aléa n'affectait le droit des assurés d'obtenir les garanties contractuelles, la cour d'appel aurait violé le principe de réparation intégrale du préjudice et l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que l'arrêt relève, dans un premier temps, sur un plan général, que l'issue d'une instance n'est jamais certaine et qu'en considération des preuves produites, un rejet des demandes ou de certaines d'entre elles ne peut pas être exclu a priori de sorte qu'il revient à la cour d'apprécier la chance qu'avaient les demandeurs d'obtenir satisfaction, en reconstituant fictivement la discussion qui aurait pu s'instaurer entre les victimes et leur assureur, et de tenir compte du moment auquel les indemnités auraient dû être payées ; qu'il relève, en un deuxième temps, que, compte tenu de la motivation de l'arrêt de 1992, les exceptions de garantie et de déchéance auraient été pareillement écartées de sorte que la discussion n'aurait pu porter utilement que sur l'étendue et le montant des indemnités ; que, poursuivant cette reconstitution fictive, il observe que les assurés pouvaient soutenir utilement qu'ils se trouvaient dans l'impossibilité absolue de reconstruire au même emplacement et dans le délai de deux ans de sorte qu'une réparation en valeur à neuf, TVA incluse, était due ; qu'il remarque, cependant, que l'assureur, quant à lui, aurait pu utilement, compte tenu de ses critiques sérieuses, obtenir une évaluation révisée à la baisse de même qu'il aurait pu discuter le poste "honoraires d'architecte", étant démontré par les pièces versées par les intimés eux-mêmes qu'ils avaient définitivement renoncé à reconstruire ; qu'après avoir encore relevé la possibilité d'une semblable discussion sur la valeur du contenu du bâtiment, l'arrêt énonce, en un troisième temps, que dans ces conditions et compte tenu des clauses contractuelles de prise en charge, "il apparaît que MM.UU etYY ont été privés de la possibilité d'obtenir au mieux une créance de 2 500 000 francs et la SARL, une créance de 620 000 francs" ; qu'ayant, par ces motifs, précisément caractérisé une perte de chance, c'est sans violer le principe de réparation intégrale que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses cinq branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt
Attendu, d'abord, que la cour d'appel a précisément détaillé son évaluation, après avoir, notamment, estimé que la garantie valeur à neuf était due ; que, partant de l'évaluation faite par elle de la créance que les assurés auraient pu se voir reconnaître, l'arrêt ajoute que le solde des sommes dues, compte tenu des provisions reçues, de l'imputation de chaque provision à sa date et des variations du taux légal, se serait élevé à 2 450 000 francs pour MM.UU etYY et 655 000 francs pour la SARL ; qu'il précise ensuite que l'actualisation du préjudice, compte tenu des restitutions dont les clients étaient tenus envers leurs assureurs au titre des provisions versées et des intérêts, conduisait à fixer leur pertes à 3 650 000 francs pour MM.UU etYY et à 955 000 francs pour la SARL ; qu'enfin, tenant compte de la perte due au fait que les assurés n'avaient pas pu disposer des sommes dues, l'arrêt fixe à 5 100 000 francs le préjudice subi par MM.UU etYY et à 1 400 000 francs, celui de la SARL, après avoir indiqué que cette évaluation est faite alors que la cour se trouvait nécessairement dans l'ignorance du type de placement qui aurait été effectué et qu'elle devait tenir compte d'éventuels aléas ainsi que de l'incidence de l'impôt ; que, loin de procéder à une évaluation forfaitaire, la cour d'appel a ainsi fait une juste application de l'article 1147 du Code civil ; qu'ensuite, le moyen, en ses quatre autres branches, tente seulement, sous le couvert de différents griefs infondés de violation de la loi, et de dénaturation, de remettre en cause devant la Cour de Cassation l'appréciation souveraine que les juges du fond ont faite des chances courues par les parties et de l'évaluation du préjudice ; que le moyen, mal fondé en sa première branche, est donc irrecevable en ses autres branches ;
Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt
Attendu, d'abord, que c'est sans méconnaître le principe de la contradiction que la cour d'appel a fait application, pour la détermination de l'indemnisation allouée, du principe de réparation intégrale, inhérent au litige et qui veut que la victime soit indemnisée de toute sa perte, sans que l'indemnité puisse aller au-delà de cette perte ; que le deuxième grief du moyen est irrecevable pour critiquer une appréciation souveraine des juges du fond dans l'évaluation du préjudice subi ; qu'ensuite, c'est dans l'exercice de son appréciation souveraine que la cour d'appel a estimé que la restitution des honoraires de l'avocat ajouterait à la réparation réellement due ; qu'enfin, la cour d'appel n'avait pas à répondre spécialement à un chef de conclusion inopérant dès lors que les conclusions visées établissaient que l'avocat avait "demandé à consulter des spécialistes des assurances" d'où il résultait qu'il ne l'avait fait qu'avec l'accord de ses clients ; que le moyen est donc mal fondé en ses quatre branches ;
Sur le quatrième moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt
Attendu qu'en relevant que le défaut de reconstruction avait pour cause immédiate l'impossibilité d'obtenir un permis de construire, étant observé, par ailleurs, que les intéressés ne justifiaient d'aucune démarche pour reconstruire en un autre lieu en dépit de la provision substantielle qu'ils avaient reçue à l'époque considérée, la cour d'appel a pu estimer que la faute de l'avocat n'était pas à l'origine de la disparition du fonds ; que le moyen est sans fondement ;
Sur le cinquième moyen, pris en ses trois branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt
Attendu que le premier et le troisième grief du moyen sont inopérants dès lors que la cour d'appel a estimé que le préjudice invoqué n'était pas "en soi, matière à préjudice réparable" ; que la deuxième branche du moyen est sans fondement dès lors que la cour d'appel a, sans violer l'article 1147 du Code civil, dénié toute relation de causalité entre la faute de M. Z et la disparition du fonds de commerce ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Et sur le sixième moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt

Attendu que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a estimé que la durée de l'instance et ses longs développements s'inscrivaient dans la discussion normale que ne pouvaient manquer de provoquer des prétentions démesurées, excluant ainsi tout abus de procédure ; que le moyen est donc sans fondement ;

PAR CES MOTIFS 
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM.UU et Y et la société Le Pénélope aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes formées tant par MM.UU etYY et la SARL que par M. Z et son assureur ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille un.

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