Jurisprudence : Cass. soc., 13-03-2001, n° 99-40.139, Rejet



COUR DE CASSATION
Chambre sociale
Audience publique du 13 mars 2001
Pourvoi n° 99-40.139
Association départementale des pupilles de l'enseignement public (PEP) ¢
M. Patrick Y
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant 

Sur le pourvoi formé par l' Association départementale des pupilles de l'enseignement public (PEP), dont le siège est Villeurbanne,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 novembre 1998 par la cour d'appel de Lyon (Chambre sociale), au profit

1°/ de M. Patrick Y, demeurant Civrieux,

2°/ de M. Michel Le X, demeurant Montluel,

3°/ de M. Pierre W, demeurant Lyon,

4°/ de M. Jean-Luc V, demeurant Montluel,

5°/ de M. Martial U, demeurant Saint-Maurice-de-Remens,

6°/ de M. Norbert T, demeurant Dagneux,

7°/ de M. Jean-Marie S, demeurant Villette-d'Anthon,

8°/ de M. Bernard R, demeurant Saint-Eloi,
défendeurs à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 23 janvier 2001, où étaient présents  M. Gélineau-Larrivet, président, Mme Quenson, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Merlin, Le Roux-Cocheril, Brissier, Finance, Texier, Mme Lemoine Jeanjean, M. Bailly, conseillers, M. Poisot, Mmes Maunand, Bourgeot, MM. Soury, Liffran, Besson, Mme Nicolétis, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Quenson, conseiller, les observations de SCP Gatineau, avocat de l'Association départementale des pupilles de l'enseignement public (PEP), de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de MM. Y, XXX, W, V, U, T, S et R, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que l'Association départementale du Rhône des Pupilles de l'enseignement public (PEP), personne morale de droit privé, gère le Centre de rééducation médico-psycho-pédagogique de Montluel au sein duquel est ouverte une école publique spécialisée ; que M. Y et sept autres instituteurs spécialisés, mis à disposition en application de deux conventions des 14 septembre 1978 et 25 avril 1991, ont saisi le conseil de prud'hommes en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 5 novembre 1998) d'avoir déclaré la juridiction prud'homale compétente pour statuer sur les réclamations des fonctionnaires mis à sa disposition, alors, selon le moyen, que le litige opposant un fonctionnaire et l'organisme de droit privé à la disposition duquel il est mis par l'Etat ne relève de la compétence prud'homale que lorsque les parties sont liées par un contrat de travail, le fonctionnaire mis à disposition étant réputé demeuré dans son corps d'origine ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, dans le cadre de la mise à disposition par l'Éducation nationale de maîtres fonctionnaires pour assurer l'enseignement au sein du centre éducatif géré par l'association PEP, ces derniers pouvaient être soumis à des sujétions spéciales les conduisant à effectuer des heures supplémentaires d'enseignement moyennant une indemnité fixée par l'Éducation nationale et rémunérées à fonds publics par l'intermédiaire de l'association ; qu'en relevant néanmoins l'existence d'un contrat de travail entre les parties sans caractériser au demeurant l'existence d'un lien de subordination juridique ou d'autorité entre les parties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations qui faisaient apparaître au contraire que les enseignants effectuaient des sujétions spéciales dans le seul cadre de la mise à disposition de l'Éducation nationale et sous l'autorité de celle-ci ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-1 du Code du travail;
Mais attendu que le fonctionnaire mis à disposition d'un organisme de droit privé qui accomplit un travail pour le compte de celui-ci dans un rapport de subordination se trouve lié à cet organisme par un contrat de travail ;
Et attendu que la cour d'appel qui a relevé que les enseignants travaillaient pour le compte et sous l'autorité de l'association, personne morale de droit privé, a déclaré, à bon droit, le juge prud'homal compétent pour statuer sur les demandes, peu important les conventions liant l'association à l'Etat ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que l'association fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à poser à la juridiction administrative une question préjudicielle concernant la légalité de la convention de mise à disposition des personnels du 14 septembre 1978, de la convention du 25 avril 1991 et de l'arrêté préfectoral du préfet de l'Ain du 7 juin 1993, alors, selon le moyen 
1°/ que, dans ses conclusions d'appel, l'association PEP contestait, "compte tenu de l'obligation d'exercice exclusif qui se traduit par l'interdiction du cumul d'une fonction publique avec une activité privée professionnelle lucrative", la légalité de la convention du 25 avril 1991 qui prévoyait le cumul du versement de leur traitement aux fonctionnaires par leur administration d'origine avec une rémunération par l'association sous forme de salaire ; qu'en décidant dès lors que la légalité de la convention du 25 avril 1991 et de l'arrêté préfectoral du 7 juin 1993 n'était pas contestée par l'association, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'association, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile;
2°/ qu'en outre, l'exception d'illégalité de la convention du 25 avril 1991 autorisant le cumul par des instituteurs de leur statut de fonctionnaires avec versement de leur traitement par leur administration d'origine avec un contrat de droit privé comportant rémunération supplémentaire versée par l'association auprès de laquelle ils sont mis à disposition pour l'exercice de leurs fonctions constitue une contestation sérieuse de nature à influer directement sur la recevabilité et le bien-fondé des réclamations de ces fonctionnaires à l'encontre de l'association en sa qualité d'employeur devant la juridiction prud'homale dès lors que celles-ci supposent l'existence et la validité de leur contrat de travail ; qu'en décidant qu'aucun aspect du litige n'imposait de vérifier la légalité de ladite convention, la cour d'appel a violé l'article 378 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu que, sans encourir les griefs du moyen, la cour d'appel a relevé que l'exception d'illégalité des conventions passées entre l'association et l'Etat était sans effet sur les obligations de l'association en matière de rémunération et de congés payés ; qu'elle a pu, dès lors, décider qu'il n'y ait lieu à question préjudicielle ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
Attendu que l'association fait encore grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser aux enseignants des indemnités de congés payés afférentes aux heures supplémentaires qu'ils avaient effectuées sur la période courant entre 1988 et 1998, alors, selon le moyen 
1°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la rémunération des sujétions spéciales des instituteurs est fixée en fonction du barème édité par l'Éducation nationale ; que, s'agissant d'une rémunération de droit public, l'indemnité versée par référence à ce barème est calculée de telle manière qu'elle est réputée couvrir l'ensemble des besoins nécessités par leur fonction ; qu'en décidant dès lors qu'il n'apparaissait pas que l'indemnité prévue par le barème comprenait une indemnité de congés payés, lorsque ladite rémunération fixée par le ministère ne pouvait comprendre une indemnité de congés payés qualifiée de telle car étrangère au droit public, mais était calculée de telle manière qu'elle en intégrait l'équivalent, la cour d'appel a violé l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires;
2°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la rémunération des instituteurs pour les heures supplémentaires était financée par des fonds publics ; que l'association faisait encore valoir dans ses conclusions qu'elle n'avait fait qu'appliquer la convention de mise à disposition et le barème de l'Éducation nationale en versant aux instituteurs les indemnités pour heures supplémentaires calculées suivant le barème et dont le montant global était déterminé par arrêté préfectoral après adoption de son budget annuel par la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales ; qu'en décidant dès lors que l'association devait les indemnités de congés payés sur cette rémunération, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si ne constituait pas un fait du prince de nature à l'exonérer le fait que n'ait pas été incluse dans le budget annuel destiné à financer notamment la rémunération des instituteurs, l'allocation des indemnités de congés payés correspondantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 223-11 du Code du travail et 1148 du Code civil;
Mais attendu que, dès lors que les enseignants, indépendamment de leur statut de fonctionnaires, étaient titulaires d'un contrat de travail, ils avaient droit, en application des dispositions d'ordre public de l'article L. 223-1 du Code du travail, à des congés payés ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen
Attendu que l'association fait encore grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser aux enseignants l'indemnité de transfert d'un montant de 1 800 francs, alors, selon le moyen, que l'association faisait valoir dans ses conclusions que les enseignants avaient accepté de travailler à l'extérieur du centre moyennant le forfait de 60 unités correspondant aux heures supplémentaires, sans toucher l'indemnité de transfert ; qu'en décidant dès lors que cette indemnité était due, après avoir constaté qu'il n'était pas établi que les enseignants avaient ainsi travaillé à l'extérieur du centre contre la volonté de l'employeur, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les enseignants n'avaient pas renoncé au bénéfice de cette indemnité en décidant de travailler à l'extérieur du centre et de n'être rémunérés que sur la base du forfait pour heures supplémentaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et de l'article L. 140-1 du Code du travail;
Mais attendu que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a constaté que l'association s'était engagée par une décision unilatérale à limiter le nombre des transferts à trois pour l'année 1992/93 et que la preuve n'était pas rapportée de la renonciation des demandeurs aux droits issus de ces engagements ; qu'elle en a exactement déduit que l'association ne pouvait revenir unilatéralement sur ses engagements pris pour une durée déterminée ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS 
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association PEP aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'association PEP à payer à MM. Y, XXX, W, V, U, T, S et R la somme de 2 000 francs ou 304,90 euros chacun ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille un.

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