COUR DE CASSATION
Chambre sociale
Audience publique du 7 mars 2001
Pourvoi n° 99-60.529
Mme Marie-José Z ¢
Mme Catherine Y
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ Mme Marie-José Z, agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de gérante de la société à responsabilité limitée La Picturale, dont le siège social est Istres,
2°/ M. Jean-Marc W, agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de liquidateur amiable de ladite société et ancien gérant de la société Avant Art, dont le siège social est Istres,
en cassation d'un jugement rendu le 5 novembre 1999 par le tribunal d'instance de Martigues (élections professionnelles), au profit
1°/ de Mme Catherine Y, demeurant Istres,
2°/ de l'Union locale CFDT représentée par M. U, dont le siège est Catherine Istres,
3°/ de Mme Nadia T, domiciliée Miramas,
4°/ de Mme Marie-Hélène S, domiciliée Salon de Provence,
5°/ de Mme Nathalie R R R, domiciliée Istres,
6°/ de l'Union locale Force Ouvrière, dont le siège est Catherine Istres,
7°/ de M. Yves Q, domicilié Istres,
8°/ de Melle Nahima P, domiciliée Istres,
9°/ de Melle Fatima O, domiciliée Istres,
10°/ de l'Union locale CGT, dont le siège est Catherine Istres,
11°/ de l'Union locale CFTC, dont le siège est Catherine Istres,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 janvier 2001, où étaient présents M. Boubli, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Coeuret, conseiller rapporteur, M. Bouret, conseiller, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Duplat, avocat général, Mme Marcadeux,greffier de chambre.
Sur le rapport de M. Coeuret, conseiller, les observations de la SCP Pascal Tiffreau, avocat de Mme Z, ès qualités, et de M. W, ès qualités, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mme Y, de Mme S et de l'Union locale CFDT, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'à l'issue des élections des délégués du personnel au sein de la Société La Picturale, Mme Y, déléguée du personnel élue CFDT, Mme ..., déléguée du personnel suppléante et l'Union locale CFDT ont saisi le tribunal d'instance afin de voir constater l'existence d'une unité économique et sociale entre les deux sociétés La Picturale et Avant Art, et de faire injonction à l'employeur de réorganiser les élections de délégués du personnel au sein de l'unité économique et sociale constituée par les deux sociétés, d'autre part, de dire que l'unité économique et sociale étant ainsi reconnue, si l'effectif est supérieur à 50 salariés, il y a lieu de procéder à la mise en place d'un comité d'entreprise et à l'élection de représentants du personnel, éventuellement dans le cadre d'une délégation unique du personnel à constituer ; que les société La Picturale et Avant Art se sont opposées à ces demandes en soulevant l'irrecevabilité de l'action et, subsidiairement, son mal fondé ; que par jugement du 4 juin 1999, le tribunal d'instance de Martigues a déclaré recevables les demandes de Mme Y, de l'Union locale CFDT, de M. U et de Mme S et, avant dire droit au fond, a ordonné une mesure d'instruction afin d'apprécier l'existence des différents éléments constitutifs d'une unité économique et sociale ; que ce jugement a été frappé de pourvoi par Mme ..., gérante de la Société La Picturale et par M. W, gérant de la Société Avant Art ; que l'expert ayant déposé son rapport, le tribunal d'instance de Martigues a, par jugement du 5 novembre 1999, rejeté la demande de sursis à statuer et la demande de nullité du rapport d'expertise, dit que les société Avant Art et La Picturale constituaient une unité économique et sociale, annulé les élections des délégués du personnel organisées le 11 mars 1999 au sein de la Société La Picturale et ordonné l'organisation de nouvelles élections pour la désignation des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise ou de la délégation unique instituée par l'article L. 431-1-1 du Code du travail ;
Sur le premier moyen
Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Martigues, 5 novembre 1999) d'avoir déclaré recevables les demandes de MmesYY et S, M. U et l'Union locale CFDT au motif que le tribunal d'instance de Martigues dans sa décision du 4 juin 1999 a déjà statué sur la recevabilité des demandes et ne réxamine pas cette question, alors, selon le moyen, que la cassation du jugement du 4 juin 1999 qui ne manquera pas d'intervenir sur le pourvoi n° P 99-60.346, entraînera par voie de conséquence, la cassation du présent jugement qui en est la suite nécessaire, et ce, en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le pourvoi n° P 99-60. 346 ayant été déclaré irrecevable, le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen
Attendu qu'il est ensuite fait grief au jugement attaqué d'avoir dit que les société La Picturale et Avant Art constituaient une unité économique et sociale, alors, selon le moyen
1°) que l'existence de liens familiaux entre les dirigeants de deux sociétés ne suffit pas à caractériser une unité économique ; qu'en décidant le contraire, le tribunal a violé les articles L. 421-1 et L. 431-1 du Code du travail ;
2°) qu'en déduisant du fait que le fils du dirigeant des deux sociétés Avant Art et Picturale était le gérant de la société à responsabilité limitée Finance Décoration, dont il détenait la majorité du capital dont Mme ... et M. W étaient associés, une communauté d'intérêts, alors qu'il était constant et non contesté que la société Finance Décoration est une personne morale distincte non présente aux débats, le tribunal d'instance s'est déterminé par un motif inopérant et a violé les articles L. 421-1 et L. 431-1 du Code du travail ;
3°) dans leurs conclusions au fond après dépôt du rapport d'expertise, les sociétés avaient fait valoir que Mme ... était intervenue en qualité de gérante de la société à responsabilité limitée La Picturale et M. W en qualité de gérant de la société à responsabilité limitée Avant Art ; qu'en affirmant que Mme ... et M. W ont indifféremment dans les deux sociétés expliqué la méthodologie à suivre et le réglage des machines, ce qui aurait impliqué une interchangeabilité de l'encadrement, sans préciser en quelle qualité ils étaient intervenus, le tribunal d'instance a privé son jugement de base légale au regard des articles L. 421-1 et L. 431-1 du Code du travail ;
4°) dans leurs mêmes conclusions, les sociétés avaient fait valoir que la société Avant Art visait le marché des grossistes et des semi-grossistes en matière d'encadrement, tandis que la Société La Picturale visait un marché de revendeurs commercialisant des produits finis ; qu'en déclarant que les activités des deux sociétés auraient été complémentaires, sans s'expliquer sur ce point, le tribunal d'instance a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5°) l'unité sociale exige une communauté de travail caractérisée par des conditions de travail semblables et une permutabilité des salariés ; qu'en déduisant une telle unité sociale du seul fait qu'une dizaine de salariés avaient travaillé, dans les deux sociétés pour en déduire une unité sociale, le tribunal d'instance a violé les articles L. 421-1 et L. 431-1 du Code du travail ;
Mais attendu que le tribunal d'instance a d'abord constaté que les pouvoirs étaient concentrés au niveau des deux dirigeants de chaque firme qui signaient les contrats de travail concernant les salariés qu'elles employaient, que l'encadrement était interchangeable et que les structures administratives des deux sociétés étaient regroupées dans les locaux de l'une d'elles ; qu'ayant aussi relevé que les activités étaient complémentaires, que les sociétés avaient le même règlement intérieur, qu'elles étaient soumises à la même convention collective et que leurs salariés passaient de l'une à l'autre ce qui révélait une communauté d'intérêts, il a pu décider que l'unité économique et sociale était constituée ; que par ces seuls motifs il a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
Attendu qu'il est enfin reproché au jugement attaqué d'avoir annulé les élections des délégués du personnel organisées le 11 mars 1999 au service de la société La Picturale et ordonné l'organisation des élections en désignation des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise ou de la délégation unique instituée par l'article L. 431-1-1 du Code du travail, alors, selon le moyen, que dans leurs conclusions au fond après dépôt du rapport d'expertise, les sociétés avaient fait valoir qu'il existait des contrats à durée déterminée, indéterminée, à temps partiel ou de remplacement ; qu'en se bornant à affirmer qu'il y aurait eu plus de 50 salariés dans les deux entreprises, sans préciser le nombre de salariés à prendre en compte, au regard des conditions légales et selon les types de contrats de travail, le tribunal d'instance a privé son jugement de base légale au regard des articles L. 412-1, L. 412-4 et L. 431-1 du Code du travail ;
Mais attendu que, répondant aux conclusions, le tribunal d'instance a, par une souveraine appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, décidé que les deux sociétés en cause remplissaient la condition d'effectif exigée par la loi ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme Z ès qualités et M. W, ès qualités à payer à Mme Y, Mme S et l'Union locale CFDT la somme globale de 15 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille un.