AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Claude X..., demeurant ... Chambéry,
en cassation d'un arrêt rendu le 12 novembre 1997 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile), au profit de M. Jean-Claude Y..., ès qualités de mandataire liquidateur de M. Jean-Claude X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 décembre 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Delmotte, conseiller référendaire rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Delmotte, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. X..., de Me Garaud, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par jugement du 18 septembre 1995, la société à responsabilité limitée La Mousson dont M. Jean-Claude X... était le gérant de fait a été mise en liquidation judiciaire ; que par jugement du 3 juin 1996, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de M. X..., en application de l'article 182 5 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que M. X... fait reproche à l'arrêt d'avoir prononcé sa liquidation judiciaire, alors, selon le moyen :
1 / qu'en énonçant qu'il n'avait pas donné d'explication à sa carence, en ce qui concerne le défaut de production des éléments de la comptabilité de la SARL la Mousson, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions soulignant que le comptable de la société prétendait retenir les documents comptables afin d'obtenir le règlement de ses honoraires et qu'elle a, par là-même violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en l'état de ses conclusions, la cour d'appel ne pouvait induire de la seule absence de remise de la comptabilité au liquidateur qu'aucune comptabilité n'avait été, en réalité, tenue sans priver sa décision de base légale au regard des articles 1315 du Code civil, 11, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, 182.5 de la loi du 25 janvier 1985 et 46 du décret du 27 décembre 1985 ;
Mais attendu, d'une part, que, sans modifier l'objet du litige, l'arrêt retient que M. X... n'a pas produit en cause d'appel les éléments de la comptabilité et n'a donné aucune explication à sa carence alors même
qu'aux termes de ses propres conclusions, il se déclarait en mesure "d'éclairer la cour et de produire les documents" comptables ;
Attendu, d'autre part, qu'en l'absence de toute production de la comptabilité entre les mains du liquidateur et alors même qu'il appartient au dirigeant de démontrer l'état de la comptabilité qu'il a tenue, la cour d'appel en a justement déduit que M. X... s'était abstenu de tenir toute comptabilité conforme aux règles légales ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses deuxième et troisième branches ;
Mais sur le moyen unique pris en sa première branche :
Sur la fin de non-recevoir opposée par la défense :
Attendu que le liquidateur soutient que ce moyen est irrecevable pour être proposé pour la première fois devant la Cour de Cassation ;
Mais attendu que le moyen tiré d'un manque de base légale au regard des articles 1er, 3, 8 et 148 de la loi du 25 janvier 1985 devenus les articles L 620-1, L. 621-1, L. 621-6 et L 622-1 du Code de commerce est de pur droit, le pourvoi ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été connu des juges du fond, soumis à leur appréciation et constaté dans la décision attaquée ; que la fin de non-recevoir n'est donc pas fondée ;
Et sur le moyen :
Vu les articles 1er, alinéa 3, et 182, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L 620-1, alinéa 3, et L 624-5, alinéa 1er du Code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de ces dispositions dans leur rédaction issue de la loi du 10 juin 1994, applicable en la cause, que la liquidation judiciaire immédiate d'un dirigeant peut être prononcée, même en l'absence de confusion entre son patrimoine et celui de la personne morale ou de fictivité de cette dernière et même en l'absence de cessation des paiements dudit dirigeant, dès lors que son redressement personnel est manifestement impossible ;
Attendu qu'en prononçant d'emblée la liquidation judiciaire de M. X..., sans indiquer en quoi son redressement personnel était manifestement impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne M. Y... ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille un.