Chambre sociale
Audience publique du 10 janvier 2001
Pourvoi n° 98-43.970
société Le garage Paris-Brest
SOC.
PRUD'HOMMESFB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 janvier 2001
Rejet
M. LE ROUX-COCHERIL, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Arrêt n° 63 F D
Pourvoi n° T 98-43.970
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Le garage Paris-Brest, dont le siège est Luce Cedex,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 mai 1998 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre sociale, section A), au profit de Mme Michèle Y, demeurant Mainvilliers,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 novembre 2000, où étaient présents M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, M. Brissier, Mme Lemoine Jeanjean, conseillers, M. Besson, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Guénée-Sourie, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la société Le garage Paris-Brest, de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de Mme Y, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu que Mme Y, engagée en juillet 1972 en qualité de secrétaire par la société Le garage Paris-Brest, a été classée par la Caisse primaire d'assurance maladie en invalidité de la deuxième catégorie le 13 décembre 1994 ; que le 11 janvier 1995 le médecin du travail l'a déclarée définitivement inapte à tout poste dans l'entreprise ; que la salariée a été licenciée le 21 avril 1995 pour inaptitude ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué (Versailles, 26 mai 1998) de l'avoir condamné à verser à la salariée une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen
1°/ que l'avis du médecin du travail constatant l'inaptitude du salarié à son emploi et sur sollicitations de l'employeur, à tout emploi dans l'entreprise, s'impose aux parties en l'absence de saisine à l'initiative de l'une d'elles, de l'inspecteur du travail ; qu'en l'espèce, le médecin du travail avait, à l'issue d'une visite en date du 11 janvier 1995 déclaré Mme Y "inapte définitivement à tout poste de secrétariat dans l'entreprise", puis, répondant aux sollicitations écrites formulées par l'employeur sur les emplois susceptibles de convenir à la salariée, répondu qu'il "ne voyait pas quels autres postes de travail pourraient convenir à la salariée dans l'entreprise..." compte-tenu de sa formation professionnelle ; que cet avis constituait sans équivoque la constatation de l'inaptitude définitive de la salariée, compte-tenu de sa formation, à tout poste de travail dans l'entreprise ; qu'en déclarant cependant que cette réponse "évasive" ne dispensait pas l'employeur de reclasser la salariée dans un poste commercial, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé l'article 1134 du Code civil ;
2°/ qu'en présence d'un avis du médecin du travail déclarant que compte-tenu de sa formation aucun poste de l'entreprise ne pouvait convenir aux aptitudes résiduelles de la salariée, il appartenait à celle-ci, en cas de désaccord, de saisir l'inspecteur du travail ; qu'en l'absence d'un telrecours, l'avis du médecin du travail s'imposait aux parties et justifiait le licenciement de Mme Y pour inaptitude physique ; qu'en déclarant cependant que cet avis ne dispensait pas l'employeur de reclasser la salariée dans un poste commercial et en déduisant de l'inexécution de cette obligation le caractère abusif du licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 122-24-4 et L. 241-10-1 du Code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1990 ;
3°/ qu'en reprochant à l'employeur de n'avoir pas proposé à Mme Y un poste "adapté à sa situation notamment dans le secteur commercial auquel elle participait depuis plusieurs années" sans s'expliquer sur l'aptitude de la salariée, compte tenu de sa pathologie dépressive particulière, à tenir ces postes dont les premiers juges avaient constaté qu'ils exigeaient des qualités physiques et morales incompatibles avec l'état de santé de Mme Y la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment s'applique également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel qui a exactement retenu que l'employeur ne pouvait s'exonérer de son obligation en se retranchant derrière l'avis du médecin du travail qui n'a pas indiqué quel poste aurait pu convenir à la salariée, a constaté, sans encourir pour le surplus les griefs du moyen, que l'employeur ne rapportait pas la preuve de l'impossibilité du reclassement ;
D'où il suit que le moyen inopérant en sa première branche n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le garage Paris-Brest aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Le garage Paris-Brest à payer à Mme Y la somme de 10 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille un.