SOC.
HP
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 mars 2024
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 295 FS-B
Pourvoi n° H 21-25.827
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 MARS 2024
M. [E] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-25.827 contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à la société Eiffage génie civil, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement secondaire sis [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. [V], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Eiffage génie civil, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 février 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Aa, Pecqueur, Laplume, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 21 octobre 2021), M. [V] a été engagé par la société Piani à compter du 5 décembre 1992 en qualité d'ouvrier exécution manoeuvre. Il exerçait en dernier lieu les fonctions d'ouvrier terrassier.
2. Son contrat de travail a été transféré à la société Forclum Infra Sud-Est, puis à la société Eiffage TP devenue la société Eiffage génie civil.
3. Le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 21 août 2015.
Examen des moyens
Sur le moyen relevé d'office
4. Après avis donné aux parties conformément à l'
article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les
articles 564 et 565 du code de procédure civile🏛🏛 :
5. Aux termes du premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
6. Selon le second, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
7. Pour déclarer irrecevable la demande en paiement de l'indemnité spéciale attachée à la qualification de licenciement pour inaptitude professionnelle, l'arrêt retient qu'alors que les prétentions du salarié soumises aux premiers juges consistaient dans l'obtention de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement, l'intéressé soutient, pour la première fois en cause d'appel, que son inaptitude a une origine professionnelle et sollicite le versement de l'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité légale de licenciement par application de l'
article L. 1226-14 du code du travail🏛. Il ajoute que la demande en paiement de l'indemnité spéciale attachée à la qualification de licenciement pour inaptitude professionnelle, laquelle n'était pas revendiquée en première instance, constitue une prétention nouvelle en appel qui ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges qui consistaient en une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement, et qu'elle n'en est ni la conséquence, ni le complément nécessaire.
8. En statuant ainsi, alors que la demande de dommages-intérêts formée devant la cour d'appel par le salarié aux fins d'indemnisation des conséquences de son licenciement en raison d'une inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle tendait aux mêmes fins que celle, soumise aux premiers juges, qui visait à obtenir le paiement des indemnités légales propres à la rupture du contrat par l'employeur à raison de son inaptitude au poste, de sorte que la demande d'indemnité spéciale de licenciement était recevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'
article 624 du code de procédure civile🏛, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable la demande d'indemnité spéciale de licenciement entraîne la cassation des chefs de dispositif déboutant le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
10. La cassation des chefs de dispositif déclarant irrecevable en cause d'appel la demande de M. [V] en paiement de l'indemnité spéciale de licenciement n'emporte pas cassation des chefs de dispositif condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Eiffage génie civil à payer à M. [V] la somme de 5 474,43 euros au titre de la somme indûment retenue, l'arrêt rendu le 21 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société Eiffage génie civil aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Eiffage génie civil et la condamne à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre.