COUR DE CASSATION
Audience publique du 28 novembre 2000
Cassation partielle
Cassation
M. GÉLINEAU-LARRIVET, président
Arrêt n° 4724 FS P+B+R+I
Pourvois n° V 97-43.715 JONCTION
D 99-41.661
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur les pourvois n° V 97-43.715 et D 99-41.661 formés par Mme Djennet Z, demeurant Colombes,
en cassation de deux arrêts rendus les 5 juin 1997 et 29 janvier 1999 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section E), au profit de la Fédération nationale de la mutualité française, dont le siège est Paris, défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 octobre 2000, où étaient présents M. Gélineau-Larrivet, président, M. Merlin, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Le Roux-Cocheril, Brissier, Finance, Texier, Mme Quenson, conseillers, M. Poisot, Mme Bourgeot, MM. Soury, Liffran, Besson, Mmes Duval-Arnould, Ruiz-Nicolétis, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Merlin, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mme Z, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la Fédération nationale de la mutualité française, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n° V 97-43.715 et D 99-41.661 ;
Attendu que Mme Z a été engagée, le 12 avril 1990, en qualité d'auditeur analyste financier, catégorie 2 coefficient 340, par la Fédération nationale de la mutualité française ; que s'estimant victime d'une discrimination salariale, elle a saisi, le 17 décembre 1992, la juridiction prud'homale en réclamant des rappels de salaire ; qu'elle a été licenciée le 21 juin 1993 pour insuffisance professionnelle caractérisée ; qu'elle a alors demandé la nullité de son licenciement et sa réintégration, ainsi que subsidiairement une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ; que, par arrêt du 5 juin 1997, la cour d'appel a déclaré le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et, avant dire droit, ordonné une expertise sur les demandes fondées sur la discrimination salariale ; que, par un second arrêt du 29 janvier 1999, la cour d'appel a rejeté les demandes de la salariée fondée sur la discrimination salariale ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi n° V 97-43.715 contre l'arrêt prononcé le 5 juin 1997
Vu l'article L. 123-5, alinéa ter, du Code du travail ;
Attendu que, selon ce texte, " Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur sur la base des dispositions du Code du travail relatives à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur à raison de l'action en justice. En ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi. " ; qu'il en résulte que le licenciement est nul s'il intervient à la suite d'une action en justice engagée
par le salarié sur le fondement des dispositions relatives à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et qu'il est jugé qu'il ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la salariée tendant à l'annulation de son licenciement et à sa réintégration, la cour d'appel, après avoir estimé que le grief d'insuffisance professionnelle caractérisée, invoqué par l'employeur, n'était pas établi, décide que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, mais retient l'absence de preuve d'un rapport de causalité entre le licenciement de la salariée et l'action en justice engagée par elle sur la base de l'égalité professionnelle des hommes et des femmes ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le licenciement faisait suite à l'action en justice de la salariée fondée sur les dispositions du Code du travail relatives à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et qu'elle déclarait que les griefs invoqués par l'employeur n'étaient pas établis et que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, ce dont il résultait que le licenciement était nul, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'imposaient, a violé le texte susvisé ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi n° D 99-41.661 contre l'arrêt du 29 janvier 1999
Vu les articles L. 133-5-4°, L. 136-2-8° et L. 140-2 du Code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés de l'un ou l'autre sexe, pour autant que les salariés sont placés dans une situation identique ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la salariée en paiement de rappels de salaire pour discrimination salariale, la cour d'appel énonce qu'il résulte de la comparaison entre les rémunérations attribuées aux salariés du service qu'à l'exclusion d'un collègue dont les diplômes et l'expérience étaient supérieurs, la salariée a bénéficié lors de son embauche d'une " prime d'ancienneté " supérieure à celle de ses collègues, en raison d'une expérience professionnelle et de diplômes supérieurs, mais que, dès son entrée en fonction, la " prime de choix " a été nettement inférieure à celle de certains de ses collègues ; qu'elle ajoute que toutefois ces écarts, même s'ils ne semblent pas justifiés par des appréciations totalement objectives quant aux qualités professionnelles de la salariée, se retrouvent entre les salariés de sexe masculin et n'établissent pas que cette dernière ait été victime d'une discrimination en fonction de son sexe, étant en outre observé ; qu'en l'absence d'éléments précis de comparaison, il n'est pas établi que l'employeur pratiquerait une politique discriminatoire en fonction du sexe ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'elle avait constaté que, dès son entrée en fonction, la " prime de choix " de la salariée avait été très nettement inférieure à celle de ses collègues masculins et qu'il n'était pas établi que cette différence était justifiée par des éléments objectifs, et alors, d'autre part, que l'existence de différences semblables entre les salariés de sexe masculin ne pouvait justifier une telle discrimination, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique des pourvois
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de la salariée fondées sur la nullité de son licenciement, l'arrêt rendu le 5 juin 1997, et, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la Fédération nationale de la mutualité française aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de Mme Z ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé et en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille.