Jurisprudence : Cass. soc., 31-10-2000, n° 97-45.324, Cassation partielle sans renvoi



COUR DE CASSATION
Chambre sociale
Audience publique du 31 Octobre 2000
Pourvoi n° 97-45.324
Mme Nathalie ...
¢
Mme Hélène ...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur les pourvois n° U 97-45.324 et D 98-45.153 formés par Mme Nathalie ..., domiciliée Ponte-Leccia,
en cassation de deux arrêts rendus les 23 septembre 1997 et 25 août 1998 par la cour d'appel de Bastia (Chambre sociale), au profit de Mme Hélène ..., demeurant Paris Montpellier,
défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 juillet 2000, où étaient présents M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM ..., ..., conseillers, Mme Maunand, conseiller référendaire, M de Caigny, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Merlin, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de Mme ..., de la SCP Defrénois et Levis, avocat de Mme ..., les conclusions de M de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois numéros U 97-45.324 et D 98-45.153 ;
Attendu que Mme ... a été engagée par Mme ..., en qualité de pharmacienne assistante, à compter du 24 avril 1995, suivant contrat à durée déterminée, pour assurer le remplacement d'une salariée Mme d'Angeli, en congé maternité ; que la salariée, après avoir été informée par son employeur de la fin de son contrat, a signé le 29 février 1996 un reçu pour solde de tout compte, alors que Mme d'Angeli avait prolongé son absence en sollicitant et en obtenant le bénéfice d'un congé parental d'éducation et n'a réintégré son poste que le 30 mai 1997 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale, d'abord en sa formation statuant en référé, puis au fond ;
que, par un premier arrêt du 23 septembre 1997, la cour d'appel de Bastia, statuant en référé, lui a alloué une provision et que, par un second arrêt du 25 août 1998, la cour d'appel, statuant au fond, a condamné l'employeur à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts correspondant à la rémunération qu'elle aurait perçue jusqu'au terme du contrat et à l'indemnité de congés payés afférente à cette période ;
Sur le pourvoi n° D 98-45.153 contre l'arrêt du 25 août 1998
Sur le premier moyen
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt du 25 août 1998 de l'avoir condamné à payer une somme à titre de dommages-intérêts à la salariée, alors, selon le moyen, qu'un salarié peut valablement signer un reçu pour solde de tout compte si, au moment de la signature de ce document, il n'est plus sous la dépendance de son employeur par suite de la cessation effective de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur avait fait valoir dans ses écritures d'appel que la salariée avait signé un reçu pour solde de tout compte le 29 février 1996 au moment même de son départ de l'entreprise ; qu'ainsi, en retenant que le reçu pour solde de tout compte signé par la salariée était irrégulier du seul fait que sa signature et sa délivrance étaient intervenues avant même la notification du licenciement dans les formes légales, de sorte que la salariée aurait toujours été sous la subordination de l'employeur, sans même rechercher si, par suite de la cessation effective de son contrat de travail, la salariée n'était plus sous la dépendance de son employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 122-17 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a constaté que le reçu avait été signé avant la notification de la rupture du contrat, alors que la salariée était toujours sous la subordination de l'employeur ; qu'elle a, dès lors, décidé, à bon droit, que ce reçu n'avait pas d'effet libératoire à l'égard de l'employeur ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer une somme à titre de dommages-intérêts à la salariée, alors que, selon le moyen, 1 ) l'article 2 du contrat de travail à durée déterminée de la salariée disposait clairement que cette dernière était embauchée du 24 avril 1995 à la date de reprise de Mme d'Angeli, absente pour maladie ; que le contrat de travail de la salariée avait donc nécessairement pour objet de suppléer l'absence pour maladie de Mme d'Angeli ; qu'en estimant au contraire que le contrat de travail à durée déterminée de la salariée avait simplement pour objet de remplacer la titulaire, Mme d'Angeli, pendant son absence et que l'indication de la cause de cette absence n'était nécessaire que pour vérifier qu'il s'agissait bien d'un contrat temporaire à durée déterminée, la cour d'appeI a violé l'article 1134 du Code civil ; 2 ) le contrat à durée déterminée conclu pour remplacer un salarié absent pour maladie a nécessairement pour terme la fin de l'absence pour maladie du salarié remplacé ; que, dès lors que le contrat de travail de la salariée avait pour objet de suppléer l'absence pour maladie de Mme d'Angeli, il avait donc nécessairement pour terme la fin du congé maladie de cette salariée pour grossesse pathologique ;
qu'en estimant au contraire que le terme du contrat de travail à durée déterminée de la salariée était la date de la reprise par Mme d'Angeli de son travail, soit à l'issue du congé parental qu'elle avait sollicité, et en condamnant, en conséquence, l'employeur à payer à la salariée, à titre de dommages-intérêts, une somme équivalente au montant des rémunérations restant à échoir jusqu'à cette date, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ainsi que l'article L 122-1-2 III du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé que le contrat de travail conclu pour assurer le remplacement d'une salariée absente jusqu'à la date de reprise du travail par cette salariée, avait pour terme la fin de l'absence de la salariée remplacée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
Attendu que l'employeur reproche encore à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait, alors, selon le moyen, que les dommages-intérêts prévus en cas de rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée et qui doivent être d'un montant au moins égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu'au terme du contrat ne peuvent se cumuler avec les indemnités de chômage servies par les ASSEDIC au titre de cette période ; qu'ainsi, en refusant de déduire les prestations payées par les ASSEDIC de la somme allouée à la salariée au titre de la rupture prétendument anticipée de son contrat de travail à durée déterminée, la cour d'appel a violé les articles L 122-3-8, L 351-1 et L 351-3 du Code du travail ;
Mais attendu que si les dommages-intérêts prévus en cas de rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée et qui doivent être d'un montant égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu'au terme du contrat ne peuvent se cumuler avec les indemnités de chômage servies par l'ASSEDIC au titre de cette période, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que seule l'ASSEDIC était fondée à en obtenir la restitution ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le quatrième moyen
Vu les articles L 122-3-8 et L 223-11 du Code du travail ;
Attendu que la cour d'appel a alloué à la salariée une somme de 262 526,02 francs à titre de dommages-intérêts dont 22 631,55 francs à titre d'indemnité de congés payés sur la période retenue pour l'évaluation des dommages-intérêts ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune disposition légale n'assimile à une période de travail effectif la période de travail non effectuée en raison de la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
Sur le pourvoi n° U 97-45.324 contre l'arrêt du 23 septembre 1997
Attendu que l'arrêt attaqué (Bastia, 23 septembre 1997) a confirmé l'ordonnance de la formation de référé du conseil de prud'hommes de Bastia condamnant l'employeur à verser à la salariée une provision à valoir sur la réparation de son préjudice résultant de la rupture anticipée de son contrat de travail ; que, par arrêt du 25 août 1998, la cour d'appel s'est prononcée sur le fond du litige auquel il est irrévocablement mis fin par le présent arrêt ; qu'il s'ensuit que le pourvoi contre l'arrêt du 23 septembre 1997, statuant en référé, est devenu sans objet ;

PAR CES MOTIFS
Sur le pourvoi n° D 98-45.153
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant l'employeur à une indemnité représentative de congés payés, l'arrêt rendu le 25 août 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
CONDAMNE Mme ... à payer à Mme ... la somme de 239 894,47 francs à titre de dommages-intérêts ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt rendu le 25 août 1992 et partiellement cassé ;
Sur le pourvoi n° U 97-45.324
DIT n'y avoir lieu à statuer ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille.

Agir sur cette sélection :