ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
11 Octobre 2000
Pourvoi N° 98-43.600
société anonyme Castrol France
contre
Mme Nadine Y
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Castrol France, dont le siège est 66, route de Sartrouville, 78239 le Pecq, en cassation d'un arrêt rendu le 6 mai 1998 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), au profit de Mme Nadine Y, demeurant Maxeville, défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 21 juin 2000, où étaient présents M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM Ransac, Lanquetin, conseillers, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Carmet, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Castrol France, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de Mme Y, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme Y, au service de la société Castrol France, licenciée pour motif économique le 30 septembre 1995 après avoir été en arrêt de travail pour maladie, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le premier moyen
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, que Mme Y ne contestait ni la réalité du motif économique de son licenciement, ni l'inexécution par l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'elle se bornait à prétendre que le véritable motif de son licenciement, non énoncé dans la lettre de rupture, serait personnel et tiré de son état de santé ; qu'en procédant d'office au contrôle de la réalité de ce motif et à la recherche des modalités d'exécution de l'obligation de reclassement, après avoir expressément exclu que le licenciement eut un motif personnel, la cour d'appel a violé le cadre du litige et les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / alors qu'en procédant, sans débat contradictoire, au contrôle du caractère réel du motif économique et de l'exécution de l'obligation de reclassement, sans inviter les parties, et notamment l'employeur, à s'en expliquer, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction et l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que saisi d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement injustifié, le juge doit rechercher si la mesure a une cause réelle et sérieuse, ce qui implique non seulement le contrôle de la véracité du motif exprimé, mais encore de toutes les autres exigences légales ; qu'en recherchant si la lettre de licenciement était suffisamment précise dans son énoncé et si l'obligation de reclassement avait été satisfaite, la cour d'appel n'est pas sortie des limites du litige ;
Et attendu, ensuite, que la question du reclassement du salarié et celle de la motivation de la lettre de licenciement se trouvant nécessairement dans le débat, la cour d'appel n'avait pas à inviter les parties à s'expliquer sur ces points ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, 1 / que la lettre de licenciement indiquait très clairement que le site où travaillait la salariée allait être supprimé, après concentration des activités sur trois autres sites beaucoup plus éloignés, ce qui impliquait la suppression de son poste ;
que la cour d'appel a ainsi dénaturé la lettre de licenciement ;
2 / que dans l'hypothèse d'une suppression de poste, le licenciement pour motif économique d'un salarié peut intervenir si le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise n'est pas possible ;
que cette impossibilité peut résulter aussi bien de l'absence de poste disponible, que de l'impossibilité dans laquelle se trouve le salarié d'accepter un poste libre ; qu'il résulte tant de l'arrêt attaqué que des propres conclusions de Mme Y que celle-ci, en raison de son état de santé, se trouvait dans une telle impossibilité ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur cette impossibilité, acquise aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base legale au regard des articles L 122-14 et L 321-1 du Code du travail ;
Mais attendu que pour répondre aux exigences de l'article L. 321-1 du Code du travail, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit énoncer à la fois la cause économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; que la cour d'appel, qui a constaté que la lettre de licenciement se bornait à faire état de difficultés économiques, sans préciser leur incidence sur le contrat de travail concerné, en a déduit, à bon droit, et par ce seul motif, que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen
Vu l'article 311 de la convention collective de l'industrie du pétrole ainsi rédigé
"Après un an d'ancienneté dans l'entreprise, il sera alloué aux agents de maîtrise ou assimilés congédiés, sauf pour faute grave, une indemnité distincte du préavis et calculée comme suit
- 3/10e de mois par année d'ancienneté pour la tranche de 0 à 5 ans ;
- 5/10e de mois par année d'ancienneté pour la tranche de 5 à 10 ans ;
- 8/10e de mois par année d'ancienneté pour la tranche au-delà de 10 ans ;
Attendu que la cour d'appel a alloué à la salariée une indemnité de licenciement calculée sur la base de son ancienneté, soit 8 ans, en lui appliquant le taux de 5/10e ; qu'en statuant ainsi, alors que l'intéressée ne pouvait prétendre à ce taux que pour la période au cours de laquelle son ancienneté était supérieure à 5 ans et au taux de 3/10e pour la tranche d'ancienneté antérieure, elle a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement dans ses dispositions ayant condamné la société Castrol France à un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 6 mai 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille.