COUR DE CASSATION
Audience publique du
13 juillet 2000
Cassation partielle
M. ..., président
Arrêt n° 693 F-P+B
Pourvoi n° T 98-18.026
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Joseph ..., demeurant Méribel les Allues,
en cassation d'un arrêt rendu le 16 juin 1998 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, section 3), au profit de Mme Joséphine ..., épouse ..., demeurant Méribel les Allues, défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience du 30 mai 2000, où étaient présents M. ..., président, M. ..., conseiller rapporteur, MM. ..., ..., Mmes ..., ... ..., MM. ... ..., ..., Mme ..., M. ..., conseillers, Mmes ..., ..., M. ..., conseillers référendaires, M. ..., avocat général, Mlle ..., greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. ..., conseiller, les observations de Me ..., avocat de M. ..., de Me ..., avocat de Mme ..., les conclusions de M. ..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que Mme ..., épouse ..., a déposé une requête en divorce pour faute et subsidiairement pour rupture prolongée de la vie commune ; qu'elle a assigné son époux devant le tribunal de grande instance, sur le seul fondement de l'article 242 du Code civil, puis l'a réassigné sur le fondement des articles 233 et 234 du même Code, avant de conclure au prononcé du divorce aux torts exclusifs de son mari ; que M. ... a demandé l'annulation de la requête initiale et des deux assignations ;
Attendu que M. ... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré non fondées les exceptions par lui soulevées, aux fins d'annulation de la procédure de première instance et prononcé le divorce aux torts partagés, alors, selon le moyen, que l'interdiction faite aux époux de substituer à une demande fondée sur un des cas de divorce définis à l'article 229 du Code civil, une demande fondée sur un autre cas, fait obstacle à ce qu'une requête en divorce puisse solliciter, à titre principal, le prononcé du divorce pour faute, et à titre subsidiaire, le prononcé du divorce pour rupture de la vie commune qu'en effet, en demandant, à titre subsidiaire, le prononcé du divorce pour rupture de vie commune, après avoir demandé, à titre principal, le divorce pour faute, l'époux demandeur tend à substituer à la demande principale fondée sur la faute, et pour le cas où elle serait rejetée, une demande fondée sur une autre cause ; qu'en décidant le contraire, pour refuser d'annuler la requête du 8 novembre 1993, et la procédure subséquente, les juges du fond ont violé l'article 229 du Code civil et l'article 1077 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu que l'assignation initiale délivrée à la demande de Mme ... n'avait visé que le divorce pour faute et que l'épouse avait renoncé à sa demande subsidiaire en divorce pour rupture de la vie commune, la seconde assignation étant nulle, les juges du fond ont pu, sans encourir le grief du moyen, dire que la procédure suivie en première instance n'était pas contraire aux dispositions de l'article 1077 du nouveau Code de procédure civile ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche
Vu les articles 14, 16 et 562 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que lorsque l'appelant, qu'il ait ou non comparu ou conclu en première instance, n'a conclu qu'à l'annulation du jugement en raison de l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, si elle écarte cette nullité, ne peut statuer au fond qu'après que les parties ont été invitées à conclure au fond ;
Attendu que pour confirmer le jugement ayant prononcé le divorce aux torts partagés des conjoints, la cour d'appel, après avoir énoncé que M. ..., bien qu'ayant eu connaissance des conclusions adverses sur le fond du litige, n'avait pas jugé bon de conclure sur ce point, au moins à titre subsidiaire, et s'était borné à faire état de l'irrégularité prétendue de la requête initiale et des assignations délivrées à la requête de son épouse, en a déduit qu'elle n'était pas tenue d'inviter M. ... à conclure sur le fond du litige et qu'en l'absence de tout moyen de sa part à cet égard, elle ne pouvait que confirmer le jugement entrepris ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a statué sur le fond du divorce, l'arrêt rendu le 16 juin 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme ... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille.
Moyen produit par Me ..., avocat aux Conseils pour M. ....
MOYEN ANNEXE à l'arrêt n° 693 CIV.2
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QU' il a écarté la demande de M. ... tendant exclusivement à l'annulation de la requête en divorce et des assignations délivrées dans le cadre de la procédure de première instance, puis, statuant sur le fond, prononcé le divorce aux torts partagés des époux ;
AUX MOTIFS D'UNE PART QUE si aux termes de l'article 229 du Code civil, le divorce peut être prononcé soit par consentement mutuel, soit pour rupture de la vie commune, soit pour faute et que l'article 1077 du nouveau Code de procédure civile interdit qu'il soit substitué à une demande fondée sur un cas de divorce une demande fondée sur un autre cas, aucune disposition ne prohibe que soit présentée, à titre principal, une demande fondée sur un cas et à titre subsidiaire, une demande fondée sur un autre cas dès lors que le juge n'aura bien évidemment examiné la seconde que s'il écarte la première, de sorte que le divorce ne pourra être prononcé que sur un seul fondement sans qu'il y ait eu de la part de l'époux demandeur, en cours d'instance, substitution d'une demande originaire par une autre fondée sur un cas de divorce différent ; qu'en l'espèce, l'autorisation d'assigner a été donnée sur le fondement de la faute et toute la procédure suivie par l'épouse a été fondée sur le seul fondement de la faute ;
ET AUX MOTIFS D'AUTRE PART QUE M. ... n'a pas jugé bon dans ses écritures d'appel de conclure à titre subsidiaire sur le fond de la demande de son épouse ; que la Cour d'appel n'est pas tenue de l'inviter à le faire dès lors que l'appelant n'a pas eu cette volonté en connaissance des conclusions de la partie adverse ; que n'étant effectivement saisie, à titre subsidiaire, d'aucun moyen sur le bien fondé de la demande en divorce, la Cour d'appel ne peut que confirmer la décision entreprise ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, l'interdiction faite aux époux de substituer à une demande fondée sur un des cas de divorce définis à l'article 229 du Code civil, une demande fondée sur un autre cas fait obstacle à ce qu'une requête en divorce puisse solliciter, à titre principal, le prononcé du divorce pour faute, et à titre subsidiaire, le prononcé du divorce pour rupture de la vie commune ; qu'en effet, en demandant, à titre subsidiaire, le prononcé du divorce pour rupture de la vie commune, après avoir demandé, à titre principal, le divorce pour faute, l'époux demandeur tend à substituer à la demande principale fondée sur la faute, et pour le cas où elle serait rejetée, une demande fondée sur une autre cause ; qu'en décidant le contraire, pour refuser d'annuler la requête du 8 novembre 1993, et la procédure subséquente, les juges du fond ont violé l'article 229 du Code civil et l'article 1077 du nouveau Code de procédure civile ;
ET ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, et en tout cas, lorsque, en cause d'appel, l'appelant se borne à solliciter l'annulation de l'acte introductif d'instance, sans conclure au fond, la Cour d'appel ne peut statuer sur le fond qu'après l'avoir mis en demeure de s'expliquer sur le fond ; qu'en l'espèce, M. ... se bornait, en cause d'appel, à solliciter l'annulation de la requête en divorce puis des assignations introductives d'instance ; qu'en statuant sur le prononcé du divorce, sans inviter M. ... à conclure sur le fond, la Cour d'appel a violé les articles 16 et 562 du nouveau Code de procédure civile.