COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
Audience publique du 06 Juin 2000
Pourvoi n° 98-42.867
Société Casino Europe 92
¢
M. ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur le moyen unique Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Metz, 30 mars 1998), que M. ... a été engagé en qualité d'employé des jeux par la société Casino Europe 92 qui l'a promu chef de partie ; qu'à la suite de son incarcération consécutive à des poursuites des chefs d'escroquerie et infraction à la législation sur les jeux, la société faisant valoir que l'agrément ministériel autorisant l'emploi de M. ... avait été supprimé, a mis fin au contrat de travail de l'intéressé par lettre du 3 juillet 1991, sans solliciter au préalable l'autorisation de l'inspecteur du Travail eu égard à sa qualité de délégué du personnel ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité du licenciement, d'avoir renvoyé l'affaire devant les premiers juges qui avaient sursis à statuer sur les conséquences de cette nullité, et d'avoir débouté la société Casino Europe 92 de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, d'une part, que tout le personnel d'un casino employé à un titre quelconque dans les salles de jeux doit être agréé par le ministre de l'Intérieur ; qu'en décidant qu'en dépit du retrait de l'agrément ministériel autorisant l'emploi d'un salarié, le Casino n'aurait pas dû rompre le contrat de travail de celui-ci sans respecter la protection attachée à la qualité de délégué du personnel de l'intéressé, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 3 de la loi du 15 juin 1907 ; alors, d'autre part, que le retrait de l'agrément d'un employé des salles de jeux d'un casino est une décision administrative qui, en ce qu'elle résulte de l'exercice d'une prérogative de puissance publique rendant impossible la continuation du contrat de travail, constitue le fait du prince qui justifie la rupture ; qu'en décidant que la rupture du contrat de travail ne pouvait être justifiée par un cas de force majeure, après avoir constaté que l'employeur invoquait la suppression de l'agrément ministériel dont dépendait le contrat de travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé les dispositions des articles L 122-4 du Code du travail et 3 de la loi du 15 juin 1907 ; alors, enfin, que l'employeur est fondé à invoquer le fait du prince dès qu'il a connaissance de la décision de retrait de l'agrément du salarié et n'est pas tenu d'attendre qu'elle lui soit notifiée ; qu'en se bornant à relever que la décision administrative de retrait de l'agrément ministériel avait été notifiée deux jours après la rupture du contrat de travail, sans rechercher si cette dernière n'était pas intervenue en même temps que ladite décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L 122-4 du Code du travail et 3 de la loi du 15 juin 1907 ;
Mais attendu que les dispositions relatives au licenciement des salariés investis de fonctions représentatives instituent au profit de ces salariés et dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun qui interdit à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la rupture de leur contrat de travail ;
Et attendu que si le retrait d'agrément est susceptible de justifier la résiliation du contrat de travail d'un salarié protégé, il appartient à l'autorité administrative de le vérifier ; que dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que la procédure spéciale de licenciement des délégués du personnel n'avait pas été respectée, a décidé, à bon droit, que le licenciement était nul ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.