COUR DE CASSATION
Chambre commerciale
Audience publique du 30 Mai 2000
Pourvoi n° 97-17.361
M. Roger ...
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M. Le ... général des Impôts, Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Roger ..., demeurant Sceaux,
en cassation d'un jugement rendu le 20 juin 1997 par le tribunal de grande instance de Paris, au profit de M. Le ... général des Impôts, Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, domicilié Paris,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 avril 2000, où étaient présents M. Dumas, président, M. Poullain, conseiller rapporteur, M. Métivet, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Poullain, conseiller, les observations de Me ..., avocat de M. ..., de Me ..., avocat de M. Le ... général des Impôts, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que l'administration, ayant estimé inférieure à la valeur vénale l'évaluation d'un immeuble portée dans les déclarations M. ... au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 1990, 1991 et 1992, lui a notifié un redressement puis a émis contre lui un avis de mise en recouvrement au titre de cet impôt et de pénalités ; que sa réclamation ayant été rejetée, M. ... a assigné le directeur des services fiscaux de Paris-Ouest pour faire annuler cet avis et être déchargé du supplément d'imposition et des pénalités ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Vu l'article L 17 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que pour déclarer similaires à l'immeuble dont la valeur vénale était litigieuse les immeubles dont le prix de cession a été donné à titre de comparaison par l'administration, le tribunal relève que ces références sont relatives à des immeubles entiers, du même quartier, construits en plâtre ou en pierre, de qualité et d'entretien médiocre ou vétuste, tous évalués en valeur occupée ou semi-occupée et ayant fait l'objet de ventes intervenues fin 1989 et retient que l'administration n'est pas tenue, en l'absence de démonstration d'une erreur objective, de fournir sur eux de plus amples détails ;
Attendu qu'en admettant par ces motifs généraux et impropres à écarter les objections tenant à l'absence totale de précision sur l'état intérieur de ces immeubles dont la valeur au mètre carré variait dans un rapport de un à trois que l'administration avait établi leur caractère intrinsèquement similaire au bien qu'elle estimait sous-évalué, le tribunal n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article L 57 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que le jugement écarte au motif que "le demandeur soutient vainement une absence de motivation en droit de la part de l'administration dans la notification de redressement en date du 24 août 1994" le moyen tiré de ce qu'à défaut d'indication des textes fiscaux sur lesquels était fondée l'imposition litigieuse la notification du redressement était irrégulière et ladite imposition devait être annulée ;
Attendu qu'en ne répondant pas à ce moyen, alors qu'il résulte du rapport entre les sommes soumises à imposition et le montant des droits réclamés que l'augmentation de la base d'imposition au titre du redressement faisait franchir le seuil d'imposition de 1,2 % à 1,5 %, les droits réclamés représentant une fraction de la matière imposable nouvelle intermédiaire entre ces deux taux, et que le redressement portant l'impôt à un taux supérieur à celui sur lequel il avait été perçu à l'origine, l'administration était dans l'obligation de donner toute précision au contribuable à cet égard pour qu'il soit en mesure de prendre parti sur le redressement, le tribunal a violé les textes susvisés ;
Sur le deuxième moyen
Vu les articles L 59 et L 59 B du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que le jugement écarte le moyen de nullité de la procédure tiré de ce que l'administration au lieu de notifier l'avis de la commission départementale de conciliation à M. ... s'était bornée à lui faire savoir, par lettre, que cette commission avait retenu la valeur portée dans le redressement, au motif qu'en notifiant elle-même l'avis rendu par ladite lettre, l'administration avait appliqué les dispositions de l'article R 61 A-1 c du Livre des procédures fiscales ;
Attendu qu'en assimilant à la notification de l'avis de la commission, lequel doit, à peine de nullité de la procédure, être motivé pour permettre aux parties, à défaut d'accord, de poursuivre utilement leur discussion devant le juge au vu des éléments qu'elle a pris en considération, l'indication donnée au contribuable que l'administration entend poursuivre l'établissement de l'impôt à partir de la valeur du bien qu'elle lui précise, estimée par la commission, le tribunal a violé les textes susvisés ;
Et sur la troisième moyen
Vu l'articles R 256-1 du Livre des procédures fiscales, ensemble les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer régulier l'avis de mise en recouvrement, le jugement relève qu'il mentionne explicitement l'impôt concerné, les articles 885 A et 885 Y du Code général des impôts, le montant des droits, la période redressée, la date d'exigibilité du 31 août 1993, les intérêts de retard et les articles 1727, 1728-1 ou 1729 et 1731 du Code général des impôts ;
Attendu qu'en statuant ainsi sans répondre au moyen faisant valoir que cet avis ne comportait pas, soit directement, soit par renvoi à la notification de redressement, les éléments de calcul des droits réclamés, le tribunal a violé les textes susvisés ;
Et sur l'application de l'article 627, alinéa 2
Attendu que la procédure d'établissement de l'impôt étant irrégulière, il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du Nouveau code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le tribunal de grande instance de Paris, le 20 juin 1997 ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Statuant à nouveau
Déclare nul l'avis de mise en recouvrement émis à l'encontre de M. ... le 31 mai 1995 ;
Ordonne le remboursement à M. ... des sommes versées en application de ce titre, avec intérêts moratoires à compter du paiement, en application de l'article L 208 du Livre des procédures fiscales ;
Condamne le directeur général des impôts aux dépens tant de l'instance devant les juges du fond que de la présente instance ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille.