COUR DE CASSATION
Chambre criminelle
Audience publique du 3 Mai 2000
Pourvoi n° 99-84.029
X
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sur le pourvoi formé par X, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 3 mai 1999, qui, pour dénonciation calomnieuse, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 226-10 du Code pénal, 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X coupable de dénonciation calomnieuse, en le condamnant de ce chef, et en le condamnant également à indemniser la partie civile ;
" aux motifs que c'est spontanément que le prévenu a adressé la lettre de dénonciation à l'officier du ministère public, même s'il entendait faire valoir son point de vue ; qu'en effet, ce courrier n'avait été nullement sollicité et n'est pas une pièce nécessaire à la procédure ; que le fait de dénoncer un abus d'alcool de la part d'un agent de police en service est de nature à provoquer une sanction disciplinaire ; qu'en l'espèce, l'autorité compétente a procédé au classement de l'affaire ; qu'il résulte de l'audition de l'agent Y que le fait dénoncé est faux ; que le prévenu ne pouvait l'ignorer et prétendre avoir été de bonne foi ;
" alors, d'une part, que le délit de dénonciation calomnieuse exige le caractère spontané de la dénonciation ; que, par ailleurs, la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Convention européenne est plus large lorsqu'elle s'exerce dans le cadre d'une défense ; qu'il s'ensuit que toute poursuite pour dénonciation calomnieuse est impossible, lorsque la dénonciation s'inscrit dans le cadre d'une défense organisée dans une procédure judiciaire ; qu'en l'espèce, il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que la lettre litigieuse adressée par X à l'officier du ministère public "contestait le procès-verbal dressé à son encontre la veille par deux gardiens de la paix pour non respect du signal Stop" et que l'intéressé "entendait y faire valoir son point de vue" (arrêt p 4) ; qu'ainsi, l'écrit intervenant dans le cadre de la défense de X et étant, de ce fait, dépourvu de caractère spontané, c'est à tort que la cour d'appel a retenu le délit de dénonciation calomnieuse ;
" alors, d'autre part, que le délit de dénonciation calomnieuse exige, pour être constitué, la constatation de la mauvaise foi, consistant dans la connaissance, par le prévenu, de la fausseté du fait dénoncé ; qu'en se bornant, après avoir énoncé qu'il résultait de l'audition de l'agent Y que le fait dénoncé était faux, à affirmer que "le prévenu ne pouvait l'ignorer", sans préciser les circonstances de fait d'où elle déduisait que X avait, au moment de rédiger sa lettre du 7 novembre 1997, une connaissance certaine de l'inexactitude de fait dénoncé, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction " ;
Vu l'article 226-10 du Code pénal ;
Attendu qu'en vertu de ce texte, une dénonciation faite par un prévenu ou un accusé ne peut, si elle se rattache étroitement à sa défense, être considérée comme spontanée ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X a, le 2 novembre 1997, fait parvenir à l'officier du ministère public près le tribunal de police, une lettre contestant le procès-verbal dressé à son encontre pour infraction au Code de la route, alléguant qu'il avait refusé de signer ce procès-verbal parce qu'un des agents sentait l'alcool ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de dénonciation calomnieuse, les juges se prononcent par les motifs partiellement reproduits au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le principe ci-dessus rappelé et le texte susvisé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 3 mai 1999 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bourges.