COUR DE CASSATION
Chambre criminelle
Audience publique du 28 Mars 2000
Pourvoi n° 99-84.367
Union départementale Vie et Nature
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sur le pourvoi formé par l'Union départementale Vie et Nature, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 11 mai 1999, qui, dans les poursuites exercées contre Magali ... pour construction sans permis et sur la bande littorale des 100 mètres, s'est déclarée incompétente pour statuer sur ses demandes, après avoir constaté la prescription de l'action publique.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L 146-4-III, L 421-1, L 480-4, L 480-5 et L 480-7 du Code de l'urbanisme, 2, 6, 8, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a constaté l'extinction par la prescription de l'action publique concernant les poursuites dirigées contre Magali ... du chef de construction sans permis et d'édification illégale dans la bande littorale des 100 mètres ;
" aux motifs que si la prescription de l'action publique est nécessairement suspendue chaque fois qu'un obstacle de droit met une partie hors d'état de faire valoir ses moyens, il appartient toutefois à la partie civile en cas d'inaction du ministère public, de faire citer elle-même, avant l'expiration du délai de prescription, la prévenue à l'une des audiences de la juridiction du second degré, sauf le droit, pour cette dernière, de renvoyer la cause à une autre audience utile par une décision interruptive de prescription ; qu'en l'espèce, si par arrêt en date du 8 avril 1993, la Cour statuant sur les appels du jugement, a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la validité du permis de construire, il incombait à la partie civile face à l'inaction du ministère public, de faire citer la prévenue devant la Cour dans le délai de 3 ans ; que la partie civile qui disposait en l'espèce d'un moyen de droit lui permettant d'interrompre la prescription, n'a fait citer la prévenue que le 6 août 1998, soit plus de 5 ans après l'arrêt de la Cour susvisé ; qu'il n'est pas sans intérêt de relever que le Conseil d'Etat a rendu son arrêt dès le 9 octobre 1996 ; qu'il convient dès lors de constater la prescription de l'action publique et dire la Cour incompétente pour statuer sur l'action civile ;
" alors que l'examen d'une question préjudicielle constitue un obstacle de droit entraînant nécessairement la suspension de la prescription de l'action publique ; qu'en estimant au contraire que nonobstant sa décision avant dire droit aux termes de laquelle elle avait décidé de surseoir à statuer sur les poursuites jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la validité du permis de construire, il incombait à la partie civile, face à l'inaction du ministère public et sans attendre la décision du Conseil d'Etat ayant déclaré le permis litigieux illégal, de faire citer la prévenue devant elle dans le délai de 3 ans, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu les articles 6, 8 et 384 du Code de procédure pénale ;
Attendu que la prescription de l'action publique est suspendue lorsqu'un obstacle de droit met la partie poursuivante dans l'impossibilité d'agir ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Magali ... a été citée par l'Union départementale Vie et Nature devant le tribunal correctionnel pour construction sans permis et édification sur la bande littorale des 100 mètres d'un bâtiment à usage de buvette ; qu'elle a été condamnée, pour la seconde infraction, par les premiers juges, qui ont alloué des dommages et intérêts à la partie civile ;
Attendu que, pour déclarer prescrites l'action publique et l'action civile, l'arrêt attaqué énonce " qu'en l'espèce, si, par arrêt du 8 avril 1993, la Cour a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la validité du permis de construire, il incombait à la partie civile, face à l'inaction du ministère public, de faire citer la prévenue devant la cour dans le délai de 3 ans " ; que les juges ajoutent que la partie civile, qui disposait d'un moyen de droit lui permettant d'interrompre le délai de la prescription, n'a fait citer la prévenue que le 6 août 1996, soit plus de 5 ans après l'arrêt de sursis à statuer, alors que la décision du Conseil d'Etat est intervenue le 9 octobre 1996 ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le délai de la prescription a été suspendu du 8 avril 1993, date de l'arrêt ayant sursis à statuer, au 9 octobre 1996, date de l'arrêt du Conseil d'Etat, et que moins de 3 ans se sont écoulés depuis cette dernière décision et le 6 août 1998, date de la citation délivrée par la partie civile, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes et principe précités ;
Que l'arrêt encourt, dès lors, la cassation ;
Par ces motifs
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, tant sur l'action publique que sur l'action civile, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 11 mai 1999 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier.