ARRÊT N° 1
REJET des pourvois formés par le procureur général près la cour d'appel de Montpellier, l'administration des Impôts, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, du 12 mai 1998, qui, après annulation de la procédure diligentée pour fraude fiscale contre X..., a débouté l'administration des Impôts de toutes ses demandes.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire du procureur général près la cour d'appel de Montpellier, pris de la violation des articles L. 47 et L. 47-A du Livre des procédures fiscales, et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut ou insuffisance de motifs :
Sur le moyen unique de cassation de l'administration des Impôts, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du Code général des impôts, de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, de l'article 152 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a décidé, sur la demande de X..., ancien gérant statutaire de la société Y..., que la procédure de vérification, qui s'est déroulée alors que la société Y... était représentée par un liquidateur judiciaire, n'avait pas donné lieu à un débat oral et contradictoire, qu'elle était irrégulière et que cette irrégularité affectait de nullité les poursuites engagées à l'encontre de X... du chef de fraude fiscale, résultant des minorations de déclarations déposées au titre de la TVA et d'irrégularités comptables ;
" aux motifs que si le liquidateur a demandé à l'Administration que la vérification se poursuive dans ses locaux, la société n'ayant plus de local par suite de la résiliation du bail, par contre, il ne résulte pas du dossier que le vérificateur ait alors adressé un reçu détaillé des documents emportés ; que, sur ce point, X... souligne qu'outre les documents informatiques recopiés sur disquettes, l'Administration aurait pris trois classeurs de commandes annulées, les grands livres des exercices 1993 et 1994 et la balance des exercices 1993 et 1994 ;
" et aux motifs, encore, que le déplacement de documents comptables en dehors des locaux de l'entreprise n'a pas à avoir pour effet de priver le contribuable d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ; que ce débat oral et contradictoire correspond en matière pénale à la possibilité pour le prévenu de faire valoir régulièrement, tout au long de la procédure, les droits de la défense ; que l'Administration soutient qu'il n'y a pas eu reconstitution du chiffre d'affaires, mais simplement un contrôle sur pièces par comparaison entre les états réédités à partir des documents informatiques et des déclarations déposées par le prévenu ; que ces déclarations de l'Administration prouvent que le vérificateur a examiné seul les documents comptables emportés ; qu'ainsi, l'Administration a, par son action, transformé la vérification de comptabilité en un simple contrôle sur pièces qui exclut tout débat contradictoire entre l'agent des Impôts et le contribuable ; que les parties s'accordent à dire que le vérificateur a restitué l'ensemble des documents comptables emportés à Me Joliot début février 1995 alors que la vérification de comptabilité s'était achevée le 8 décembre 1994 ; que les premiers juges ont considéré à bon droit que X... avait été privé de l'exercice régulier de ses droits à la défense ;
" alors que si même les constatations du vérificateur peuvent être à la base des poursuites pénales, la procédure de vérification n'en demeure pas moins une procédure administrative ; qu'en cas de liquidation judiciaire, la vérification ne concerne donc que le liquidateur judiciaire en tant que représentant légal du contribuable ; que seul le liquidateur peut, dès lors, se prévaloir d'une irrégularité éventuelle ayant pu affecter la vérification ; qu'à l'inverse, l'ancien dirigeant légal, qui est dessaisi lors de la vérification, ne saurait se prévaloir de la violation de règles dont il n'était pas le destinataire et qui n'avaient pas vocation à le protéger ; qu'à son égard, les droits de la défense sont garantis, dès lors qu'il peut, dans le cadre de la procédure pénale, débattre du rapport du vérificateur ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la société Y..., dont le gérant statutaire était X..., a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 13 juillet 1994 ; que, le 29 juillet 1994, l'administration des Impôts a adressé à X... et au liquidateur des avis de vérification de la comptabilité ; qu'à la demande de ce dernier, la société Y... ne disposant plus de locaux, la vérification s'est déroulée, jusqu'en décembre 1994, dans les services de l'Administration ; qu'après avis conforme de la Commission des infractions fiscales, plainte a été déposée le 13 mai 1995 contre X..., pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité ;
Attendu que, pour faire droit à l'exception de nullité de la procédure, soulevée par la défense, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés relève que, "manifestement la vérification s'est déroulée hors la présence de X... et de son représentant et que cette irrégularité, afférente à l'application du principe du contradictoire et au droit fondamental de défense entraîne la nullité de l'entière procédure subséquente" ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, en cas de vérification fiscale d'une société en liquidation judiciaire, les dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales et le principe d'un débat oral et contradictoire au cours de la vérification doivent bénéficier tant au liquidateur désigné dans la procédure qu'au dirigeant de la société, pénalement responsable du délit de fraude fiscale ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.