ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
04 Janvier 2000
Pourvoi N° 97-45.061
Compagnie Nationale Air France
contre
M. Christophe ...
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la Compagnie Nationale Air France, dont le siège est Paris Roissy Charles de Gaulle Cedex, en cassation d'un arrêt rendu le 12 septembre 1997 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale), au profit de M. Christophe ..., demeurant Plomeur, défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 novembre 1999, où étaient présents M. Waquet, conseiller doyen, faisant fonctions de président, M. Soury, conseiller référendaire rapporteur, M. Coeuret, conseiller, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, M. De Caigny, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Soury, conseiller référendaire, les observations de Me ..., avocat de la Compagnie Nationale Air France, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. ..., les conclusions de M. De Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu que M. ... a été engagé le 1er octobre 1990 par la compagnie nationale Air France dans le cadre d'un contrat de qualification de 2 ans pour se former aux fonctions de pilote de ligne ; que par lettre du 30 mai 1991, l'employeur a rompu le contrat de travail pour défaut d'aptitude professionnelle du salarié ; que ce dernier a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de dommages-et-intérêts pour rupture anticipée de son contrat à durée déterminée ;
Attendu que la compagnie Air France fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 12 septembre 1997) de l'avoir condamnée à payer à M. ... des dommages-et-intérêts pour rupture anticipée du contrat de qualification alors, selon le moyen, que d'une part, le contrat de qualification devant être loyalement exécuté par les deux parties, constitue une faute grave justifiant la rupture prématurée du contrat l'inaptitude du salarié interdisant tout passage à la phase pratique de formation, lorsque cette inaptitude résulte d'une insuffisance de travail, notamment pour rattraper un retard de connaissances dûment constaté au cours d'une phase antérieure ;
qu'en l'espèce, la compagnie Air France ayant mis fin au contrat de qualification de M. ... en raison de l'inaptitude professionnelle caractérisée notamment par une insuffisance des connaissances théoriques révélée pendant les exercices en simulateur de vol et rendant impossible le passage à la phase suivante de la formation au cours de laquelle il devait piloter un avion de ligne avec des passagers, la cour d'appel devait rechercher si cette inaptitude ne résultait pas de ce que l'intéressé n'avait pas fourni l'effort requis pour compenser la lenteur d'apprentissage révélée dès la première phase de la formation ; qu'en se bornant à relever, pour s'abstenir de procéder à cette recherche, que M. ... avait été reconnu apte au début de sa formation et qu'il avait ultérieurement obtenu ses qualifications en tant que pilote d'aéronautique militaire, circonstances qui étaient inopérantes pour apprécier le comportement de l'intéressé au cours du contrat de qualification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 122-3-8 du Code du travail ; que d'autre part, en indemnisant M. ..., non pas de la perte d'une chance d'obtenir sa qualification, mais de la perte d'une chance d'être titularisé en tenant ainsi pour acquis qu'il aurait obtenu sa qualification si le contrat n'avait pas été rompu, ce qui ne résulte pas avec certitude des constatations de l'arrêt, la cour d'appel a indemnisé en réalité un préjudice hypothétique et violé ainsi l'article L 122-3-8 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel s'en tenant à bon droit au motif énoncé dans la lettre de rupture, a exactement décidé que l'insuffisance professionnelle du salarié n'était pas constitutive d'une faute grave autorisant l'employeur à rompre avant terme ce contrat à durée déterminée ;
Et attendu que la cour d'appel a estimé que les chances de titularisation de salarié étaient sérieuses et a fixé le montant des dommages-et-intérêts devant lui être alloués au titre de cette perte de chance ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Compagnie Nationale Air France aux dépens ;
compagnie Air France à payer à M. ... la somme de 15 000 francs ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille.