Chambre criminelle
Audience publique du 27 Octobre 1999
Pourvoi n° 98-85.213
... Marc et autres
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 27 Octobre 1999
Rejet
N° de pourvoi 98-85.213
Président M. Gomez
Demandeur ... Marc et autres
Rapporteur M. ....
Avocat général M de Gouttes.
Avocats la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, MM ..., ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET des pourvois formés par Marc ..., prévenu, la fédération des services CFDT, l'union départementale des syndicats CFDT de l'Isère, parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 21 janvier 1998, qui, pour abus de biens sociaux, banqueroute, infraction au Code du travail et fraude fiscale, a condamné le premier à 5 ans d'emprisonnement avec sursis, à la faillite personnelle, à 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, à la Publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Marc ..., pris de la violation des articles 197 de la loi du 25 janvier 1985, 121-3 du Code pénal, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marc ... coupable de banqueroute par détournement d'actifs des sociétés RMO TT et RMO SA ;
" aux motifs que le pool bancaire de caution professionnelle du groupe RMO ayant décidé de subordonner le renouvellement de sa garantie venant à échéance le 30 juin 1992 à un apport de refinancement de 150 000 KF, Marc ... partait alors à la recherche de capitaux hors du circuit bancaire traditionnel qui lui était désormais fermé ; qu'il était mis en rapport avec un certain Demoersman se prétendant dirigeant d'une société anonyme FD ... ... Lloyd, qui se faisait fort d'obtenir un financement de 200 millions de francs et entrait en relation avec un certain Zantah qui au début du mois de juin 1992 lors d'une rencontre avec le prévenu, l'assurait de pouvoir réunir un financement de 150 millions de francs par le biais de la société Lyon Investment International ; que le 20 juin 1992 était établi un acte sous seing privé dénommé "Lina 20", aux termes duquel cette société s'engageait à apporter à Marc ... la somme de 20 millions de dollars avant le 6 juillet 1992, Marc ... s'engageant pour sa part à réaliser une mise de fonds de 1 750 000 dollars sur un compte au Luxembourg ; que le prévenu faisait virer le 25 juin 1992 sur un sous compte ouvert dans le compte de la société RMO Luxembourg à la Banque Générale du Luxembourg
2 millions de francs en provenance du compte RMO SA à la société Générale,
1 million de francs provenant de son compte personnel,
2 millions de francs en provenance du compte de MGTT RMO Monaco, à Monaco,
38 354 dollars en provenance d'un compte de RMO Luxembourg, soit un total d'environ 5,5 millions de francs ;
que les deux dernières opérations étaient compensées par 2 apports de RMO Antilles qui était elle-même remboursée par un apport préalable de 1,5 million de francs de RMO TT ; que dès le 26 juin 1992, Marc ... donnait instruction au directeur de RMO Luxembourg, de prélever la somme de 1 537 000 francs luxembourgeois pour les remettre à Hécham Zantah par l'intermédiaire d'un représentant de la société Lyon Investment International au bénéfice de laquelle une somme de 1 150 000 dollars était virée par Philippe ... sous couvert du motif fallacieux du rachat d'une entreprise allemande, avant d'être ventilée par Hécham Zantah entre divers comptes de Lyon Investment, une commission pour CRT, 28 000 dollars laissés en reliquat sur le compte et trois salariés de Lyon Investment auxquels ces sommes restaient acquises ; qu'une partie des sommes virées sur les comptes de Lyon Investment a été utilisée par Marc ... qui a en outre reçu une somme de 150 000 dollars ainsi que 70 000 DM des mains de Hécham Zantah et 30 000 dollars provenant d'un compte de Lyon Investment ; que ces sommes n'ont pas été remises aux liquidateurs des sociétés RMO SA et RMO TT mais ont été conservées par le prévenu ; qu'il est établi que ce dernier a disposé de fonds appartenant à ses sociétés dans le but évident de poursuivre sous une forme ou une autre des activités commerciales ou spéculatives ; que si le prévenu reconnaît avoir donné des instructions aux RMO SA et RMO TT pour qu'elles versent des fonds, il conteste avoir effectué ces opérations dans le but de détourner ces fonds en expliquant qu'il croyait réellement que le versement de ces sommes auxquelles s'ajoutaient les sommes prélevées sur son compte personnel, allait lui permettre de rapporter un financement suffisant pour sauver ses entreprises, espérant par le biais d'opérations spéculatives sur les devises, non seulement rentrer dans ses fonds mais encore gagner l'argent nécessaire à la poursuite de l'activité ; que toutefois ses explications apparaissent peu crédibles ; qu'en effet, il ressort des déclarations de deux responsables de Lyon Investment, qu'il connaissait l'utilisation faite des fonds virés du sous-compte ouvert à la Banque Générale du Luxembourg, qu'en second lieu s'il déclare avoir, lorsqu'il a compris que l'opération objet du contrat du 20 juin 1992 était pure utopie, demandé la restitution de 5 500 000 F et avoir reçu en rétrocession 190 000 dollars et 70 000 DM, ces déclarations sont en contradiction avec celles de M. ... selon lesquelles il l'avait incité à utiliser le reliquat dans des opérations spéculatives, que les déclarations de ce dernier sont corroborées par les conversations téléphoniques du prévenu avec M. ... ; qu'en troisième lieu, une somme de 700 000 F environ aurait été rendue aux mandataires liquidateurs du groupe, qu'il est établi que les autres sommes rétrocédées ont été conservées à des fins personnelles de spéculation ou ont servi à payer des dépenses somptuaires ; qu'enfin M. ... a toujours affirmé que le prévenu aurait toujours dit agir avec ses propres deniers ;
que dès lors, le caractère pour le moins extravagant de la recherche de financement, des circonstances entourant la prise de contact avec Hécham Zantah, les conditions de l'opération, le contenu du contrat Lina 20, les dépenses somptuaires entourant celle-ci, la non-demande de remboursement de la mise de fonds, la rétrocession d'une partie de l'argent en espèces et de la main à la main ou sur le compte personnel du prévenu après l'ouverture des procédures collectives, la poursuite de nouvelles opérations spéculatives et enfin les conversations téléphoniques de Marc ... avec ses différents interlocuteurs postérieurement à l'échec de l'opération initiale, démontrent clairement la volonté de celui-ci de détourner une partie des actifs des sociétés RMO SA et RMO TT pour en retirer un bénéfice en vue de reconstituer un capital personnel pour l'investir dans des filiales à l'étranger encore rentables ; qu'ainsi que l'écrit le premier juge, le but recherché ou les mobiles de l'opération projetée sont sans effet sur l'existence du délit dès lors que l'acte de détournement a existé et que le prélèvement de certains éléments de l'actif social a créé une confusion de patrimoine ; qu'est également inopérant l'argument du prévenu suivant lequel il ne pouvait y avoir détournement dans la mesure où lui-même a engagé tout ou partie de sa fortune personnelle ; que de même, le fait qu'une somme de 743 000 francs provenant de la rétrocession ait été remboursée, ne peut faire disparaître l'infraction, celle-ci étant constituée par le seul fait du virement des sommes à la Banque générale du Luxembourg ou à RMO Antilles ; que dès lors les faits reprochés à Marc ... caractérisent la banqueroute par détournement d'actif, les sociétés RMO SA et RMO TT ayant été placées en redressement judiciaire et se trouvant à l'évidence en état de cessation de paiement au moment des faits ;
" alors que d'une part, le délit de banqueroute par détournement d'actif prévu par l'article 197 de la loi du 25 janvier 1985, suppose l'existence d'une dissipation volontaire d'un élément du patrimoine d'un débiteur en état de cessation des paiements accompli personnellement par l'une des personnes énumérées par l'article 196 de cette loi, qu'en outre et en application de l'article 121-3 du Code pénal, ce délit suppose pour être constitué, que l'auteur ait eu l'intention de le commettre ; que dès lors en l'espèce où le demandeur expliquait dans ses conclusions d'appel qu'il n'avait nullement eu l'intention de détourner des fonds appartenant aux sociétés RMO SA et RMO TT en les confiant à des financiers pour que ceux-ci lui permettent, grâce à des opérations spéculatives, de réunir rapidement un capital suffisant afin que le pool bancaire qui fournissait la caution professionnelle de son groupe, accepte de renouveler sa garantie afin de lui permettre de continuer à poursuivre son activité, son absence de mauvaise foi résultant de l'investissement personnel de 1 million de francs qu'il avait réalisé dans cette opération destinée à sauvegarder l'avenir de son groupe, les juges du fond qui ont reconnu la réalité de ce versement, ont violé les textes précités en déduisant néanmoins la mauvaise foi du prévenu du fait que ce dernier s'était fait rembourser une très faible partie de ses fonds après l'échec de l'opération projetée et que seulement une partie des fonds sociaux avait été remboursée aux mandataires liquidateurs des sociétés qui les avaient versés, ces insuffisances de remboursement n'impliquant aucune volonté de détournement au moment des prélèvements opérés sans aucune dissimulation ;
" alors que, d'autre part, et en ce qui concerne le versement d'une somme de 1 500 000 F effectué par la société RMO TT au profit de la société RMO Antilles, les juges du fond ont laissé sans réponse le moyen péremptoire de défense du prévenu qu'il invoquait dans ses conclusions et tiré de ce que cette dernière société restée in bonis constituait un actif de la première qui possédait 99,76 % de son capital et que cet actif avait d'ailleurs été récupéré par les mandataires liquidateurs de RMO TT " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Marc ..., pris de la violation des articles 437 de la loi du 24 juillet 1966, 62 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 388 et 593 du Code de procédure pénale, renversement de la charge de la preuve, défaut et contradiction de motifs, violation des droits de la défense, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marc ... coupable d'abus de biens sociaux ;
" aux motifs, sur les abus de biens sociaux RMO Monaco ; que lors de la création de RMO Monaco, le prévenu qui avait acquis 20 actions de 10 000 F, s'est fait céder par l'autre actionnaire de cette société 45 actions en blanc moyennant une rémunération de 15 000 F, le prélèvement de 1,2 million de francs par an ou de recettes clients et par l'abandon par RMO TT d'une somme de 2 167 176 F montant du compte courant débiteur de RMO Monaco dans RMO TT au 31 décembre 1992 ; que le témoignage de M. ... directeur de la société RMO Monaco était confirmé par celui de l'expert-comptable M. ... qui déclarait que l'emprunt souscrit pour l'achat de l'appartement de Marc ... à Monaco était en fait remboursé par RMO TT par débit du compte courant de son compte dans RMO Monaco ; qu'il est incontestable qu'au 30 juillet 1992 la société RMO Monaco présentait un compte courant débiteur de 2 167 176 F ; qu'il est également incontestable que ce non-apurement d'un compte courant débiteur constituait pour la société RMO TT un sacrifice provoquant des difficultés telles que la société a dû déposer son bilan ; que nonobstant les dénégations du prévenu, le défaut d'apurement constitue un abandon volontaire de la somme de 2 167 176 F au détriment de RMO (SA) dans le seul but de favoriser RMO Monaco ; qu'il n'existe aucun doute sur l'intérêt personnel tiré par le prévenu non seulement en ce qui concerne l'abandon de la créance qu'en ce qui concerne l'achat, la réalité de la cession en blanc et le financement du prix des actions RMO Monaco détenues par le prévenu ; qu'enfin la réalité de la prise en charge des trimestrialités de l'emprunt contracté à titre personnel par (Marc Braillon) d'être établie par les vérifications opérées auprès du Crédit Foncier de Monaco ;
" sur les villas de Coreno et de Meylan
" que le prévenu qui est propriétaire d'une maison à Corenoy a fait aménager en 1987, 1988 une piscine couverte qui a coûté environ 2,8 MF ; qu'il lui est reproché d'avoir fait supporter une partie de ce financement par le groupe RMO (environ 1 MF) ; qu'il avait acheté une villa à Meylan pour une somme de 1 650 000 F, que cet achat été financé pour partie au moyen d'un prêt sur 10 ans contracté par lui, qu'il s'est avéré que la moitié du remboursement mensuel de l'emprunt (10 000 F) était supportée par RMO TT et que les sociétés RMO TT et RMO SA ont payé une partie des travaux exécutés dans cette villa ; qu'il ressort des pièces de la procédure que ce n'est qu'à la fin de l'année 1992 que les anomalies concernant le financement des travaux sont apparues ; que ce n'est que le 30 novembre 1992 (instructions du parquet à la PJ sur ces faits) que la prescription a commencé à courir, que la prescription ne peut donc être acquise ; que le prévenu soutient que ces dépenses ont été supportées sur ses fonds personnels, par prélèvement sur ses comptes courants dans les sociétés RMO SA et RMO TT en faisant valoir que son compte courant dans RMO TT qui s'élevait à 3 070 254 F au 31 décembre 1990, n'était plus que de 1 123 522 F un an plus tard, mais que cette diminution notable ne peut apporter la preuve de ce que les dépenses relatives à la piscine et à la villa de Meylan ont été supportées par le compte courant, qu'en effet elles sont très antérieures au 31 décembre 1990 ; que de surcroît le chef comptable du groupe RMO a déclaré avoir vu passer en comptabilité certaines dépenses personnelles du prévenu notamment l'aménagement de la piscine, dont le coût a, selon lui, été supporté par moitié par le groupe RMO ce qu'a reconnu le prévenu devant le magistrat instructeur ; qu'il résulte tant de l'information que des débats que Marc ... a utilisé de façon abusive les fonds des sociétés RMO SA et RMO TT en entretenant une confusion des patrimoines et ce, à des fins personnelles et dans son seul intérêt ;
Sur l'abus de biens sociaux RMO TT compte relais Martin ...
" que les enquêteurs ont remarqué l'existence d'un compte relais à la Banque Martin ... sur lequel RMO TT avait crédité 20 millions de francs d'avance en 1989, 1990 ;
" que le directeur régional des agences des Bouches-du-Rhône, Jean-Claude ..., expliquait que le prévenu avait incité l'ensemble de ses directeurs régionaux à gagner des parts de marché sur la concurrence par tous les moyens, cadeaux compris, et que le compte couvert à la Banque Martin ... sur lequel il avait procuration, était utilisé exclusivement pour le financement des cadeaux offerts à la clientèle ;
" que Marc ..., dès qu'il a eu connaissance par son comptable des détournements faits par M. ... à son profit, a refusé d'engager des poursuites contre ce salarié indélicat, qu'il a préféré s'associer à celui-ci en créant une société Interim 13 et que le groupe RMO a vendu ses actions à Jean-Claude ... en novembre 1991 ;
" que les prélèvements effectués par Jean-Claude ... ne pouvaient servir les intérêts de RMO TT qui commençait à cette période à subir des pertes conséquentes, ni ceux des agences des Bouches-du-Rhône dont la balance comptable révélait un manquant de 3,3 millions de francs, que l'attitude adoptée par le prévenu en s'associant en toute connaissance de cause avec Jean-Claude ..., ne peut avoir d'autre justification qu'une "générosité" envers un bon collaborateur qui servirait ses intérêts personnels dans la mesure où il était à titre personnel, détenteur d'actions de la société Interim 13 ;
" alors que, d'une part, en ce qui concerne le délit d'abus de biens sociaux que le demandeur aurait commis en abandonnant le compte courant créditeur de la société RMO TT au sein dela société RMO Monaco, les juges du fond, qui ont dû reconnaître implicitement que ce compte courant n'avait pas été abandonné contrairement à ce qui était prétendu dans l'acte de la poursuite, ont violé l'article 437 de la loi du 24 juillet 1966 ainsi que l'article 388 du Code de procédure pénale en prétendant que le non-apurement de ce compte équivalait a son abandon ;
" alors que, d'autre part, en ce qui concerne les dépenses personnelles relatives aux travaux effectués sur les villas de Corenc et Meylan et payées en partie par les sociétés RMO TT et RMO SA, les juges du fond, qui ont dû reconnaître que le compte courant créditeur du prévenu avait diminué de près de 2 millions de francs en un an, ont violé le principe de la présomption d'innocence, renversé la charge de la preuve qui incombait aux parties poursuivantes et se sont mis en contradiction avec leurs propres constatations, en rejetant le moyen de défense du demandeur tiré du remboursement de ces dépenses au moyen du débit de son compte courant, sous prétexte que les travaux ayant été effectués entre une et deux années avant que le compte courant ait été débité, rien ne permettait d'admettre que les dépenses personnelles avaient été ainsi acquittées par le prévenu ;
" et qu'enfin le délit d'abus de biens sociaux supposant que la preuve soit rapportée que l'auteur a accompli des actes contraires aux intérêts de la société, les juges du fond devant lesquels il était soutenu que l'ouverture d'un compte relais à la Banque Martin ... était destinée à permettre à M. ..., employé du groupe RMO, de régler les acomptes dus aux travailleurs temporaires des sociétés en cause et de payer des cadeaux aux clients, se sont mis en contradiction avec leurs propres constatations selon lesquelles le groupe RMO avait dégagé des bénéfices confortables en 1989 et avait enregistré un bilan équilibré en 1990 en invoquant à tort les pertes conséquentes de RMO TT pour en déduire que les prélèvements opérés en 1989 et 1990 sur ce compte relais étaient contraires aux intérêts de la société " ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Marc ... et pris de la violation des articles L 124-8 du Code du travail, 121-3 du Code pénal, 62 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 593 du Code de Procédure Pénale, renversement de la charge de la preuve, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marc ... coupable d'exercice d'une activité d'entrepreneur de travail temporaire sans garantie financière du 30 juin au 30 juillet 1992 ;
" aux motifs que le pool bancaire formé autour de la Banque San ... a refusé de renouveler la garantie financière à son échéance du 30 juin 1992, ce qui entraînait l'obligation pour le prévenu de déposer le bilan à cette date, que toutefois Marc ... décidait en toute connaissance de cause de poursuivre l'activité de ses entreprises de manière totalement illégale espèrant toujours trouver des capitaux ; "qu'il n'est nullement établi que cette poursuite d'activité ait eu l'approbation du procureur de la République comme semble le croire Marc ..., qu'il est certain qu'à la date du 3 juillet 1992 le Parquet n'avait pas connaissance du refus de renouvellement de la garantie, puisqu'il était demandé à la PJ de vérifier l'existence de la garantie financière obligatoire pour ce type d'activité ;
" alors qu'aux termes de l'article 121-3 du Code pénal, tout crime ou délit suppose que l'auteur ait eu l'intention de le commettre ; qu'en l'espèce où le prévenu invoquait pour établir son absence d'intention délictueuse, l'existence des nombreuses réunions qui s'étaient déroulées devant le tribunal de commerce dès la fin du mois de juin 1992 pour examiner les conséquences de la suppression de la garantie financière des banques en faisant valoir qu'aucun des magistrats présents n'avait attiré son attention sur l'obligation où il était de cesser immédiatement son activité, le procureur de la République, informé dès le 3 juillet 1992, de l'absence de garantie financière, l'ayant laissé poursuivre son activité jusqu'au 30 juillet, les juges du fond ont violé le texte précité en entrant néanmoins en voie de condamnation sous prétexte que le prévenu ne rapportait pas la preuve que le procureur de la République ait approuvé la poursuite de son activité, un tel motif qui repose sur un renversement de la charge de la preuve, ne répondant pas au surplus aux conclusions du prévenu " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Marc ... et pris de la violation des articles 1741 et 1745 du Code général des impôts, L 227 du Livre des Procédures Fiscales, 121-3 du Code pénal, 1134 du Code civil, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. ... coupable de soustraction frauduleuse au paiement de la TVA au cours des années 1991 et 1992 et l'a condamné solidairement avec la société RMO TT au paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes ;
" aux motifs que la vérification de comptabilité permettait de constater que pour la période du 1er janvier 1991 au 31 juillet 1992, il y avait rétention de TVA soit par minoration des déclarations (janvier 1991 à mai 1992), soit par absence de déclaration (juin et juillet 1992), que les droits éludés s'élevaient pour 1991 à 4 262 368 francs et pour 1992 à 38 223 890 francs ; que Mme ... engagée en qualité de comptable en avril 1991 déclarait que dès son embauche, le prévenu lui avait demandé de minorer les déclarations mensuelles de 4 MF afin de préserver la trésorerie de la société qui éprouvait alors de graves difficultés financières ; que Danièle ..., responsable de la trésorerie confirmait ces déclarations ; que Marc ..., s'il reconnaît avoir demandé à ses salariés de minorer les déclarations de TVA ainsi que celles aux organismes sociaux pour préserver la trésorerie de l'entreprise, conteste l'intention de frauder le fisc, que pour lui il ne s'agissait que d'un décalage dans le temps ; qu'il conteste avoir fixé le chiffre de la minoration ; que de surcroît, suivant une jurisprudence constante et ancienne, le délit de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt est caractérisé dès lors que les sommes qui devaient être déclarées dans les délais prescrits ont été dissimulées et que la circonstance que les dissimulations n'auraient été commises que pour permettre aux auteurs ou complices de différer le paiement de la TVA en fonction de leurs possibilités de trésorerie, loin d'exclure toute intention frauduleuse, établit au contraire l'existence de cette intention ; que le prévenu qui avait la possibilité légale, après avoir déposé dans les délais les déclarations mensuelles de TVA, de faire constater par l'administration des Impôts que son entreprise était dans l'impossibilité de payer et sollicitait des délais, a préféré le système des minorations délibérées ;
" qu'en ce qui concerne l'absence de déclaration de TVA de juin 1995 (1992) qui devait être déposée le 25 juillet 1992 au plus tard, l'infraction est constituée ;
" que le prévenu demande que soit écartée l'application de la solidarité en faisant valoir que le tribunal de grande instance puis la Cour, ont débouté l'administration fiscale de sa demande de condamnation solidaire aux motifs que le défaut de mesure de recouvrement et de plus l'octroi de délais de paiement ont contribué au non-recouvrement de la TVA ;
" que cette procédure était fondée sur l'article L 267 du Livre des procédures fiscales alors que l'action présente est fondée sur l'article 1741 et suivants du Code général des impôts ;
" qu'aux termes de la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, l'action diligentée sur le fondement des articles L 266 et L 267 du Livre des procédures fiscales n'a ni la même cause, ni le même objet, ni le même demandeur que cette mise en action devant la juridiction pénale sur le fondement de l'article 1745 du Code général des impôts ;
" qu'en l'espèce il est établi que le prévenu a donné instruction de minorer systématiquement les déclarations de TVA ; qu'il est donc directement responsable de l'établissement de ces déclarations minorées ;
" que dans ces conditions c'est à bon droit que le tribunal correctionnel a prononcé la solidarité ;
" alors que, d'une part, dans ses conclusions d'appel le prévenu contestait expressément avoir demandé à ses employées de minorer les déclarations de TVA et expliquait au contraire qu'il leur avait seulement demandé de minorer les chèques de paiement mais qu'elles s'étaient méprises sur l'interprétation de ses ordres et avaient cru s'y conformer en minorant les déclarations elles-mêmes ; qu'en prétendant dans ces conditions que le demandeur reconnaissait avoir demandé à ses subordonnées de minorer les déclarations de TVA, la Cour a donc dénaturé les conclusions du demandeur qu'elle a ainsi laissées sans réponse ;
" alors que, d'autre part, si la demande de solidarité formée par l'administration fiscale en application de l'article 1745 du Code général des impôts, repose sur un fondement légal différent de celui de l'action intentée par le comptable du Trésor en vertu de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales, il n'en reste pas moins que, eu égard aux raisons ayant en l'espèce entraîné le rejet de cette action, la Cour, qui n'était nullement tenue de prononcer la condamnation solidaire prévue par l'article 1745 du Code Général des Impôts qui aboutit aux mêmes conséquences qu'une condamnation prononcée en vertu de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales, a violé ce dernier texte en raisonnant comme si la culpabilité du prévenu devait nécessairement entraîner sa condamnation solidaire " ;
Attendu, d'une part, que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de fraude fiscale dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
Attendu, d'autre part, que, pour écarter les conclusions du prévenu faisant valoir qu'il ne pouvait être tenu solidairement avec la société RMO, dont il était le dirigeant, des impôts fraudés et des pénalités afférentes, au motif que l'Administration avait été déboutée de la demande dont elle avait saisi le président du tribunal de grande instance sur le fondement de l'article L 267 du Livre des procédures fiscales, les juges énoncent que la demande présentée devant la juridiction répressive en application de l'article 1745 du Code général des impôts a une cause différente de la précédente ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors, en outre, que le prononcé de la solidarité relève d'une faculté dont les juges ne doivent aucun compte, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour la Fédération des Services CFDT et l'Union départementale des syndicats CFDT de l'Isère, pris de la violation des articles L 411-11 du Code du travail, 131-26 et 131-35 du Code pénal, 437, 460, 463 et 464 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966, 192, 196, 197, 198, 200 et 201 de la loi n° 85-8 du 25 janvier 1985, 2, 85 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la Fédération des services CFDT et de l'Union départementale des syndicats CFDT de l'Isère du chef des délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute ;
" aux motifs que, suivant la jurisprudence de la Cour suprême, les infractions d'abus de biens sociaux et de banqueroute ne portent pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession, de sorte que l'action civile des syndicats est irrecevable ;
" alors que les délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute retenus, en cette espèce, sont de nature à porter atteinte aux conditions de rémunération et à l'emploi des salariés de la profession représentée par les organisations syndicales considérées, portant ainsi atteinte à l'intérêt collectif de la profession ; que, par suite, la cour d'appel a méconnu les dispositions applicables ;
" alors, en outre, qu'en statuant seulement au regard de la jurisprudence de la Cour suprême, sans répondre aux conclusions des organisations syndicales intéressées faisant valoir que les détournements établis, graves, étendus et portant sur des sommes considérables, avaient conduit à la ruine et à la liquidation judiciaire des sociétés en cause, de sorte que les infractions commises avaient eu des conséquences gravissimes sur le plan économique comme sur le plan moral, tant pour les salariés permanents que pour les intérimaires ; que faute d'avoir répondu à ces conclusions des organisations syndicales, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables la constitution de partie civile de la Fédération des services CFDT et de l'Union départementale des syndicats CFDT de l'Isère du chef d'abus de biens sociaux et de banqueroute, la cour d'appel énonce que ces syndicats n'établissent l'existence d'aucun préjudice même indirect porté à l'intérêt collectif de la profession, distinct de l'intérêt général et du préjudice individuel subi par les salariés ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.