ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
05 Octobre 1999
Pourvoi N° 97-42.057
M. ...
contre
Mme ....
Sur le moyen unique Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 13 mars 1997), que Mme ... a été engagée le 12 avril 1989 par M et Mme ..., pharmaciens à Juvignac, en qualité de cadre commercial ; qu'elle a été licenciée le 25 octobre 1993 pour motif économique ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné les époux ... au versement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, de première part, que l'article 1er du contrat de travail conclu le 12 avril 1989 par Mme ... stipulait que l'intéressée " entre au service exclusif de M et Mme ... pour la pharmacie et les activités qui seront développées ultérieurement ", et que l'article 3 précisait qu'elle serait notamment chargée, selon les directives qui lui seraient données par les époux ..., de la gestion et du renforcement des structures de l'officine pharmaceutique exploitée par M. ..., ainsi que " de l'aide à la création et au développement d'une boutique de prêt-à-porter homme sur Montpellier avec mise en place, commandes, publicité, fonctionnement général " ; qu'il s'ensuit, qu'en retenant que la définition du poste occupé par la salariée " vise essentiellement des tâches à exécuter dans une officine " et " qu'aucun raisonnement juridique ne peut être fait en la présente espèce à partir d'une entité économique qui aurait regroupé un magasin de prêt-à-porter et une officine pharmaceutique ", alors qu'il résultait du contrat de travail en cause que Mme ... avait été engagée pour exercer conjointement son activité au sein de ces deux établissements, ce qui avait d'ailleurs été effectivement le cas, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit contrat de travail, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; alors, de deuxième part, que la réalité des difficultés économiques invoquées par l'employeur à l'appui d'un licenciement doit être appréciée en fonction de l'activité de l'ensemble des établissements qu'il exploite ; qu'en l'espèce, le contrat de travail conclu le 12 avril 1989 par Mme ... stipulait que l'intéressée serait chargée, selon les directives qui lui seraient données par M et Mme ..., de la gestion et du renforcement des structures de l'officine pharmaceutique dont M. ... était titulaire, ainsi que de l'aménagement et du fonctionnement d'une boutique de prêt-à-porter que les époux ... envisageaient d'ouvrir et qu'ils ont exploitée sous la forme d'une SARL constituée avec leurs trois enfants ; que, dès lors, en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les écritures d'appel de M. ..., s'il ne convenait pas de se placer dans ce cadre pour apprécier la légitimité du licenciement prononcé à l'encontre de Mme ..., et en se bornant au contraire à affirmer péremptoirement que l'officine pharmaceutique et la boutique de prêt-à-porter ne pouvaient constituer une entité économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 121-1, L 122-4 et L 321-1 du Code du travail ; alors, de troisième part, que de graves difficultés de trésorerie constituent des difficultés économiques au sens de l'article L 321-1 du Code du travail ;
qu'il s'ensuit qu'en retenant, pour déclarer abusif le licenciement pour motif économique de Mme ..., qu'il ressortait d'un rapport établi par le centre de gestion des pharmaciens d'officine que le chiffre d'affaires de la pharmacie exploitée par M. ... avait été en augmentation en 1993, tout en constatant que l'établissement avait enregistré à la fin de cette même année un résultat négatif en raison des prélèvements opérés par l'intéressé, lesquels n'avaient d'autre objet que permettre le remboursement des avances en compte courant précédemment consenties par la Caisse de Crédit mutuel des professions de santé Languedoc-Roussillon dans le but de combler l'important déficit généré par la boutique de prêt-à-porter exploitée par les époux ... et ne pouvaient donc revêtir un caractère frauduleux, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient au regard du texte susvisé qu'elle a ainsi violé ; alors de quatrième part, que le juge peut apprécier la réalité du motif du licenciement en portant ses investigations sur des faits survenus postérieurement à celui-ci lorsqu'ils sont la conséquence des difficultés économiques invoquées et qu'ils les confirment ; que, dès lors, en considérant que le fait que, postérieurement au congédiement de Mme ..., un chèque de 315 417,23 francs émis par M. ... avait été rejeté pour défaut de provision, ne pouvait justifier cette mesure, alors que cette circonstance était de nature à établir la véracité des difficultés économiques invoquées par l'employeur, et donc à légitimer le licenciement litigieux, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L 321-1 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que par une interprétation nécessaire des termes du contrat exclusive de dénaturation, la cour d'appel qui a constaté que Mme ... avait été engagée par des pharmaciens, qu'elle était soumise aux dispositions de la convention collective de la pharmacie et que l'essentiel de ses tâches relevait directement ou indirectement de l'activité pharmaceutique de ses employeurs, a estimé que l'activité de prêt-à-porter visée au contrat de travail présentait un caractère annexe ;
Attendu ensuite, qu'appréciant les difficultés économiques invoquées par l'employeur, la cour d'appel qui s'est exactement placée à la date de la notification du licenciement a pris en considération la situation financière de la pharmacie ; qu'ayant relevé que le chiffre d'affaires de celle-ci était en progression, et que les résultats négatifs étaient dus aux prélèvements personnels de M. ..., supérieurs au chiffre d'affaires, elle a pu décider que le licenciement de Mme ... n'était pas dû à des difficultés économiques réelles, mais au fait personnel de son employeur et qu'il n'était donc pas justifié par une cause économique ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.