ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
07 Juillet 1999
Pourvoi N° 97-43.403
société Lautaret
contre
M. Robert ...
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Lautaret, dont le siège est en cassation d'un arrêt rendu le 22 mai 1997 par la cour d'appel de Paris (18e Chambre, Section E), au profit de M. Robert ..., demeurant Neuilly-en-Thelle, défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 mai 1999, où étaient présents M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Frouin, conseiller référendaire rapporteur, MM. ..., ..., conseillers, M. Richard de la Tour, conseiller référendaire, M de Caigny, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Frouin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Tiffreau, avocat de la société Lautaret, de Me ..., avocat de M. ..., les conclusions de M de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 1997) que M. ... a été engagé le 1er juillet 1989 par la société France protection service devenue société Lautaret ; qu'il a été licencié pour motif économique le 5 avril 1994 ; que la société lui a demandé le 14 juin 1994 de ne pas tenir compte de la lettre du 5 avril ; qu'après que M. ... a fait connaître le 27 juin son refus de l'annulation du licenciement, la société l'a licencié pour faute grave le 5 juillet 1994 pour absence injustifiée à compter du 1er juin ;
Attendu que la société Lautaret fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 1997) de l'avoir condamnée à payer à M. ... des indemnités et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, que la cour d appel a constaté que le contrat de travail du salarié expirait le 7 avril 1994 ; qu il résulte tant des constatations des premiers juges (p 4) que de la lettre de licenciement du 5 juillet 1994 fixant les limites du litige, qu avant l expiration de son contrat de travail le 7 juin 1994, soit le 1er juin précédent, M. ... savait qu il était affecté à compter de cette dernière date sur un nouveau chantier et que son licenciement notifié le 5 avril 1994 pour motif économique était devenu sans objet ; que le refus opposé par le salarié de se rendre sur ce nouveau chantier sans justification constituait donc une faute grave ; qu en décidant le contraire, la cour d appel a violé l'article L 122-6 du Code du travail ; alors que, en toute hypothèse, la cause économique du licenciement de M. ... notifié le 5 avril 1994 ayant disparu avant l expiration du contrat de travail le 7 juin suivant, l employeur n avait pas à obtenir l accord du salarié sur l annulation d un licenciement dépourvu d effet ; qu en décidant le contraire, la cour d appel a violé les articles 1131 du Code civil, L 122-6 et L 321-1 et suivants du Code du travail ; alors que les premiers juges avaient relevé (p4 3) que "la convention collective de la profession précise que l activité de l'agent s exercera de jour comme de nuit sur n importe quel poste en fonction des besoins du service" (article 7 de la convention collective) ; qu ainsi, M. ... ne pouvait refuser le nouveau chantier au motif prétendu de nouveaux horaires ; qu en reprochant à l employeur de "ne pas avoir permis à Robert ... de poursuivre son travail dans les conditions antérieures ", sans s expliquer sur les dispositions précitées de l article 7 de la convention collective, la cour d appel a privé son arrêt de base légale au regard de ce texte, des articles 1134 et L 122-6 du Code du travail ; alors que l existence d une cause réelle et sérieuse de licenciement, notamment fondée sur un motif économique, doit être appréciée à la date du licenciement ; qu en l espèce, il résulte des pièces du dossier, notamment de la lettre du 3 février 1994 de la société FPS à la DDTE et de la réunion du comité d entreprise en date du 1er mars 1994, que le licenciement pour motif économique de M. ..., notifié le 5 avril 1994, était fondé sur la fin des marchés publics venus à échéance au 31 mai 1994 sur le site SNCF gare Saint-Lazare, ce qui n° était d ailleurs pas contesté par le salarié ; qu en affirmant péremptoirement et sans le justifier "qu aucune cause économique effective" n aurait existé au moment de la notification du licenciement et ceci, aux motifs inopérants que la société Lautaret (FFS) avait conservé le marché de la gare Saint-Lazare, la cour d appel qui n'a pas examiné les pièces du dossier et recherché si la cause économique invoquée existait au moment de la notification du licenciement le 5 avril 1994, a privé son arrêt de base légale au regard des articles L 321-1 et suivants du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que l'employeur ne peut revenir sur le licenciement qu'il a prononcé qu'avec l'accord du salarié ;
Et attendu, qu'ayant relevé que le salarié avait refusé la rétractation par l'employeur du licenciement, la cour d'appel qui a constaté que le motif du licenciement économique du salarié énoncé dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige, était la perte d'un chantier et qu'en réalité la société avait conservé ce marché, a pu décider que le licenciement était dépourvu de cause économique ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lautaret aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.