COUR DE CASSATION
Première chambre civile
Audience publique du 12 Janvier 1999
Pourvoi n° 96-18.775
Compagnie générale de garantie
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Les Mutuelles du Mans et autres.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Attendu que par un acte de décembre 1980, passé en l'étude de M Z, notaire associé, MM ..., ... et ... ..., ont emprunté à différents prêteurs la somme de 800 000 francs remboursable le 2 décembre 1983 au plus tard ; que divers immeubles ont été affectés à la garantie du remboursement de ce prêt, certains d'entre eux faisant déjà l'objet d'inscriptions hypothécaires ou de privilèges ; qu'en outre, la Compagnie française de caution, Cofincau, aujourd'hui dénommée Compagnie générale de garantie nouvelle (CGG), est intervenue à l'acte en se portant caution solidaire des emprunteurs ; que cette caution, ayant suppléé la défaillance de ceux-ci, a été subrogée dans les droits des prêteurs par un acte de janvier 1983 ; qu'elle a engagé alors une procédure de saisie immobilière dont elle a chargé M Y, avocat ; que les débiteurs ayant été en redressement judiciaire, les immeubles affectés en garantie n'ont été vendus que plusieurs années après et, malgré l'existence d'un solde créditeur à l'issue de la procédure d'ordre, la Cofincau, qui ne fut pas appelée à cette procédure parce que les hypothèques dont elle bénéficiait n'avaient pas été renouvelées en temps opportun, ne fut pas payée, le solde ayant été remis au représentant des créanciers ; qu'estimant que la perte de sa créance et des intérêts y afférents procédait des manquements de la société civile professionnelle de notaires X et de ceux de l'avocat poursuivant aux droits de qui viennent ses héritiers, les consorts ... faute pour eux d'avoir attiré son attention sur la nécessité de renouveler l'inscription hypothécaire, la CGG les a assignés en réparation, ainsi que les Mutuelles du Mans, assureur de la SCP ; que l'arrêt attaqué a débouté cette société de ses demandes ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Vu l'article 1985 du Code civil ;
Attendu que, pour écarter toute obligation de la SCP de notaires de veiller au renouvellement de l'inscription hypothécaire, l'arrêt énonce que l'acte de prêt stipulait que le prêteur devait informer le notaire du défaut de paiement deux mois au moins avant la péremption de l'hypothèque en sollicitant le renouvellement de celle-ci, faute de quoi il s'exposait à perdre le bénéfice de l'inscription par suite de péremption, et que le fait que le notaire eût été informé de la défaillance du débiteur n'était pas suffisant pour retenir sa responsabiilité en l'absence de demande de renouvellement ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, comme il lui était demandé, s'il ne ressortait pas des missions confiées au notaire de recevoir les intérêts trimestriellement et le remboursement du capital prêté ainsi que de la détention par lui de la copie exécutoire la preuve de l'existence d'un mandat obligeant cet officier public à assurer l'efficacité de la garantie hypothécaire et donc à procéder au renouvellement de l'inscription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
Et, sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que pour écarter toute responsabilité de l'avocat Y, l'arrêt affirme l'absence d'une quelconque obligation de conseil dont il aurait été tenu face à un professionnel avisé et averti ;
Attendu, cependant, que les compétences professionnelles d'un client ne peuvent, à elles seules, dispenser l'avocat choisi par celui-ci de toute obligation de conseil ; qu'en se déterminant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le premier moyen, la deuxième branche du deuxième moyen et les première, deuxième et quatrième branches du troisième moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.