Jurisprudence : Cass. soc., 10-11-1998, n° 98-40.493, Rejet.

Cass. soc., 10-11-1998, n° 98-40.493, Rejet.

A4917AG9

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
10 Novembre 1998
Pourvoi N° 98-40.493
Mme De L'...
contre
société Radiospares.
Attendu que Mme De L'..., engagée le 5 décembre 1994, en qualité de gestionnaire de comptes par la société Radiospares, a été licenciée, le 3 juin 1996, en application de l'article 48 de la Convention collective nationale des commerces de gros applicable, au motif d'absence pour maladie de plus de trois mois perturbant gravement l'activité de l'entreprise ; qu'elle a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale pour voir déclarer nul son licenciement et ordonner sa réintégration sous astreinte ;
Sur le premier moyen (sans intérêt) ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis
Attendu que la salariée fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le deuxième moyen, que l'employeur a utilisé les possibilités que lui procure l'article L 124-3 du Code du travail de procéder au remplacement de Mme De L'... absente pour maladie par l'embauche de M. ... par contrats de mise à disposition du 11 mars 1996 au 7 juin 1996 ; que le poste de la salariée ne présentait pas un caractère pointu dans la profession occupée, l'employeur en fait la démonstration en procédant à l'embauche d'une personne par contrat intérimaire ; que la notion de désorganisation doit être réelle et faire l'objet d'une démonstration de l'impossibilité pour l'employeur de procéder au remplacement définitif ; que, dans le cas présent, la société Radiospares fait la démonstration non pas d'une désorganisation, mais que la société était en capacité de procéder au remplacement temporaire ; que la Cour de Cassation indique que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse chaque fois que les arrêts pour maladie permettent de faire procéder au remplacement du salarié par des contrats à durée déterminée ou du personnel intérimaire ; qu'en l'espèce, Mme De L'... a été remplacée pendant sa maladie par M. ..., salarié sous contrat intérimaire ; que celui-ci donnait satisfaction puisqu'il a été embauché au lieu et place de la salariée ; que l'employeur pouvait parfaitement reconduire ce contrat intérimaire ;
qu'il ne ressort d'ailleurs pas du dossier que M. ... entendait quitter la société Radiospares à défaut d'embauche définitive et immédiate ; qu'en conséquence, l'absence de Mme De ...'hamaide au regard des dispositions prises pour la remplacer provisoirement n'entraînait aucune perturbation et ne rendait pas nécessaire son remplacement définitif ; que la véritable raison du licenciement se trouve être la maladie prolongée de la salariée à laquelle il est fait référence entre autres dans la lettre de licenciement
" absence maladie de plus de trois mois " ; que la nécessité du remplacement est du ressort de la médecine du Travail ; que l'employeur s'est abstenu de faire constater une quelconque inaptitude par la médecine du Travail ; que la seule décision d'embauche par l'employeur d'un remplaçant est l'un des principaux cas de recours au travail précaire, on voit mal ce qui faisait obstacle au maintien d'une telle situation ; qu'en omettant de prendre en compte dans sa décision toutes les possibilités que la législation renforcée par la jurisprudence offre aux employeurs pour remplacer, s'ils en sont contraints, un salarié absent pour raison de maladie afin d'éviter un licenciement, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, selon le troisième moyen, d'une part, que l'article L 122-45 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992, applicable à la date du licenciement, qui a remanié ce même article modifié par la loi n° 90-602 du 12 juillet 1990, édicte la prohibition du licenciement pour cause d'état de santé et a pour objet la préservation d'un droit fondamental de la personne, que ce texte revêt le caractère d'ordre public absolu, la loi frappant de nullité le licenciement intervenu en violation de ses dispositions ;
que chacun sait, en effet, qu'il est aussi malaisé d'établir que le licenciement a eu la discrimination pour motif et qu'il est facile de masquer une mesure illicite en décision utile au bon fonctionnement de l'entreprise ; que Mme De L'... soutient que cette mesure, motivée par " son absence pour maladie depuis le 19 février 1996 désorientant la marche du service ", est intervenue en violation des dispositions protectrices de l'article L 122-45 du Code du travail, applicable en l'espèce, son absence étant consécutive à son état de santé ; que, dès lors, l'employeur ne pouvait la licencier sans avoir au préalable fait constater son inaptitude par le médecin du Travail ; que la mesure prise par l'employeur en méconnaissance des dispositions protectrices de l'article L 122-45 précité est une violation flagrante de la loi ; qu'un tel trouble résulte de la violation d'une règle impérative et de l'atteinte manifeste à un droit fondamental protégé ; que le motif du licenciement est fixé par celui évoqué dans la lettre de licenciement ; que cela ressort de l'application de l'article L 122-14-2 du Code du travail et de la jurisprudence constante qui en découle ; que le motif de rupture est " absence pour maladie de plus de trois mois " ; que, dans ces conditions, la rupture est liée à l'état de santé ; que l'article L 122-45 du Code du travail comporte des dispositions générales, suffisamment claires pour qu'elles ne puissent en être ni réduites ni interprétées restrictivement ; qu'à l'évidence les dispositions de ce texte seraient sans intérêt si elles ne couvraient pas les conséquences de la maladie ; que cela ressort de la simple lecture du texte qui en parlant de l'état de santé en couvre également les conséquences ; que, quelle qu'en soit la raison, l'inaptitude de la salariée n'a pas été constatée par le médecin du Travail ; que, hors ce dispositif, point de rupture du contrat de travail ; que l'article L 122-45 du Code du travail contient une prohibition expresse des licenciements liés à l'état de santé, dès lors ce n'est plus un licenciement abusif dont il s'agit, mais d'un licenciement nul ; que l'employeur a certes fait plaider qu'en ce qui concerne l'inaptitude au travail, les débats parlementaires ont permis de révéler que l'esprit du législateur était de ne pas remettre en cause le régime actuel des absences pour maladie tel qu'il résulte de la jurisprudence bien établie de la Cour de Cassation et que l'esprit du projet de loi était que les dispositions adoptées étaient en harmonie avec les principes de la jurisprudence de la Cour de Cassation selon lesquels la maladie n'est pas en soi une cause de rupture du contrat de travail, l'absence du salarié ayant seulement pour effet de suspendre l'exécution dudit contrat et que c'est seulement dans le cas où l'absence prolongée ou les absences répétées d'un salarié conduisent à une désorganisation de l'entreprise que le licenciement du salarié peut être justifié par une cause réelle et sérieuse que l'inaptitude de la salariée n'ayant pas été constatée par le médecin du Travail, seul l'employeur évoque une inaptitude (absence maladie) mais il n'a pas voulu évoquer une inaptitude médicale ; que l'employeur ne peut pas dire que cet absentéisme pour maladie est particulièrement perturbateur pour l'entreprise, puisque la salariée avait été remplacée ;
que la circulaire du 17 mars 1993 ne peut ajouter à la loi des conditions que celle-ci ne comporte pas et l'article L 122-45 du Code du travail n'autorise pas, expressément ou implicitement, l'employeur à se dispenser de la procédure de la visite médicale par le médecin du Travail, avant le licenciement pour absence maladie ;
que cette procédure protectrice est d'ordre public et, conformément aux principes jurisprudentiels, il est interdit à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la résiliation du contrat de travail ;
que l'employeur tente de limiter la portée de ce texte par des références à l'esprit du législateur français de l'époque afin de maintenir la jurisprudence précitée de la Cour de Cassation ; qu'une telle interprétation fait l'impasse tant sur la rédaction même de l'article L 122-45 du Code du travail qui est dénué de toute ambiguïté que sur les sources véritables de ce texte ; qu'en matière de discrimination, l'employeur a pris en compte la santé de la salariée pour se déterminer dans sa décision et sans mise en uvre de la procédure médicale de déclaration d'inaptitude ; qu'il tombe sous le coup de la prohibition des licenciements en raison de l'état de santé de la salariée, au sens de l'article L 122-45 du Code du travail ; qu'un tel licenciement est discriminatoire ; alors, d'autre part, que l'article 6 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail prévoit que l'absence temporaire du travail en raison d'une maladie ou d'un accident ne devra pas constituer une raison valable de licenciement que cet article 6 éclaire l'interprétation de l'article L 122-45 du Code du travail ; qu'en effet, il apparaît bien que la réforme légale de 1992 avait aussi pour objectif d'harmoniser le droit interne au droit international ;
que la rédaction de l'article 6 souligne clairement et sans ambiguïté qu'il s'agit de protéger le salarié contre une mesure de licenciement liée à ses absences pour raison de santé ; qu'ainsi et en dépit des déclarations contradictoires dont les débats parlementaires se font l'écho, il est évident que l'article L 122-45 du Code du travail est un texte protecteur du salarié dans sa santé et un texte qui prévient une discrimination ;
Mais attendu que, si l'article L 122-45 du Code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du Travail dans le cadre du titre IV du livre Il de ce même Code, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié ;
Et attendu que la cour d'appel, saisie d'une demande afin de faire cesser le trouble manifestement illicite dont se prévalait la salariée au motif de la nullité de son licenciement, n'était pas tenue à se livrer à des recherches inopérantes ; qu'ayant relevé que le licenciement avait été prononcé à l'expiration de la période conventionnelle de garantie d'emploi prévue à l'article 48 de la Convention collective nationale des commerces de gros, applicable, en raison de la perturbation engendrée dans l'entreprise par l'absence prolongée de la salariée, elle a exactement décidé que le licenciement n'avait pas été prononcé en violation de l'article L 122-45 du Code du travail et que la salariée ne pouvait se prévaloir utilement de l'article 6 de la Convention internationale du travail ; que la cour d'appel a pu en conséquence écarter l'existence d'un trouble manifestement illicite ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.

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