ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Assemblée Plénière
06 Novembre 1998
Pourvoi N° 97-41.931
URSSAF des Alpes-Maritimes
contre
M. ... et autres.
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, (Montpellier, 3 mars 1997), que, par lettre du 26 février 1988, l'URSSAF des Alpes-Maritimes a informé son salarié, M. ..., de sa mise à la retraite à compter du 4 juin 1988, l'intéressé ayant atteint l'âge de 60 ans et pouvant bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein ;
Attendu que l'URSSAF fait grief à cet arrêt d'avoir décidé que cette mesure constituait un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir, en conséquence, condamnée à indemniser ce salarié, alors, premièrement, que l'article 58 de la convention collective de travail du personnel des organismes de sécurité sociale qui prévoit que l'âge limite d'activité des agents est fixé à 65 ans, le contrat de travail prenant automatiquement fin au soixante-cinquième anniversaire de l'agent, est entaché d'une nullité d'ordre public absolue en application des dispositions de l'article L 122-14-12, alinéa 2, du Code du travail ; qu'en énonçant que seules les dispositions de cet article prévoyant la rupture automatique du contrat de travail étaient atteintes par la nullité, celles fixant l'âge limite à 65 ans demeurant valides et interdisant toute mise à la retraite avant cet âge, la cour d'appel aurait violé l'article L 122-14-12, alinéa 2, et l'article 58 précités ; alors, deuxièmement, qu'en vertu des dispositions de l'article L 122-14-13 du Code du travail, tout employeur a le droit de mettre à la retraite un salarié à l'âge de 60 ans s'il peut bénéficier, à cet âge, d'une pension de vieillesse à taux plein ; qu'en énonçant que la retraite à 60 ans constituait un droit pour le salarié mais non une obligation et en décidant que la rupture du contrat de travail de M. ... constituait un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, nonobstant le fait qu'il pût bénéficier à cet âge d'une pension de vieillesse à taux plein, la cour d'appel aurait violé les articles L 122-14-4 et L 122-14-13 du Code du travail ; et alors, troisièmement, que l'alinéa 1er de l'article 58 de ladite convention collective disposant que l'âge limite d'activité du personnel des organismes de sécurité sociale n'interdit pas de mettre un agent à la retraite dès 60 ans s'il peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein ; qu'en énonçant que cette clause fixait un âge minimum de départ à la retraite, interdisant à l'URSSAF de mettre un agent à la retraite dès 60 ans, la cour d'appel aurait violé, en le dénaturant, l'alinéa 1er de l'article 58 précité ;
Mais attendu que les dispositions de l'article L 122-14-12, alinéa 2, du Code du travail n'ont été édictées que dans un souci de protection du salarié ; que, dès lors, l'employeur est irrecevable à s'en prévaloir ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux de l'arrêt, celui-ci se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi MOYEN ANNEXE Moyen produit par la SCP Rouvière et Boutet, avocat aux Conseils pour l'URSSAF des Alpes-Maritimes. MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la mise à la retraite de M. ... à l'âge de 60 ans constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné l'URSSAF des Alpes-Maritimes à lui verser les sommes de 60 842,73 francs à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement et de 52 766 francs à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, AUX MOTIFS QUE le fait de prévoir que l'âge limite d'activité du personnel des organismes de sécurité sociale était fixé à 65 ans n'était pas en soi contraire aux dispositions de l'article L 122-14-12, alinéa 2, du Code du travail prohibant les clauses couperet ; que l'alinéa 2 de l'article 58 de la convention collective prévoyant que le contrat de travail prenait fin de plein droit au soixante-cinquième anniversaire de l'agent était nul ; qu'il convenait de décider si cette nullité atteignait par effet d'indivisibilité la première clause relative à l'âge de la retraite ;
que l'URSSAF soutenait que l'alinéa 1er n'aurait été rédigé qu'en fonction de l'alinéa 2 de ce texte pour faire de 65 ans un âge de couperet ; qu'une telle interprétation était gratuite ; que l'URSSAF invoquait l'arrêt de cassation ayant retenu que la nullité entachant la clause prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail à un âge déterminé était une nullité d'ordre public absolue ; mais que le caractère d'ordre public de la nullité frappant les clauses couperet était sans portée sur l'étendue des dispositions qu'elle atteignait ; que si l'alinéa 2 de l'article 58 n'avait de sens qu'en l'état de l'alinéa 1er de ce texte, il n'en constituait nullement la conséquence nécessaire ; que les dispositions de l'alinéa 1er fixant à 65 ans l'âge limite d'activité des agents étaient valides ; que de manière surabondante, l'application faite par l'URSSAF des articles L 122-14-12, alinéa 2, et L 122-14-13 du Code du travail était contraire à l'esprit de ces textes tel qu'il résultait des débats parlementaires ; que le ministre des Affaires sociales et de l'Emploi, lors du débat au Sénat le 25 juin 1987, après avoir affirmé que la retraite à 60 ans constituait un droit mais non une obligation, avait indiqué que la mise à la retraite à l'initiative de l'employeur était subordonnée à la condition que l'âge prévu par la convention collective, en cas de clause souple, devait avoir été atteint ; que le rapport de la Commission des affaires culturelles, sociales et familiales à l'Assemblée nationale définissait les clauses souples comme celles se limitant à la mention d'un âge normal de départ à la retraite et permettant à l'employeur de rompre unilatéralement le contrat de travail sans l'accord du salarié ; que sous couvert d'une application de l'article L 122-14-12, alinéa 2, du Code du travail aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 58 de la convention collective de travail du personnel des organismes de sécurité sociale, qui constituaient une clause souple, l'URSSAF se réservait la possibilité d'imposer à ses agents une mise à la retraite dès l'âge de 60 ans, transformant le droit à la retraite à cet âge en une obligation et instituant un régime plus sévère que celui prévu par la clause dont elle invoquait la nullité ; que le cas de M. ..., contraint de partir à la retraite cinq ans plus tôt que ne le prévoyait la convention collective démontrait que l'application par l'URSSAF de l'article L 122-14-12, alinéa 2, du Code du travail était contraire à la finalité de ce texte ; que les conditions de mise à la retraite prévues par l'article L 122-14-13, alinéa 3, du Code du travail n'étant pas remplies, la rupture du contrat de travail notifiée le 26 février 1988 constituait un licenciement ; que celui-ci étant uniquement motivé par l'âge de l'intéressé, il était sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS D'UNE PART QUE l'article 58 de la convention collective de travail du personnel des organismes de sécurité sociale qui prévoit que l'âge limite d'activité des agents est fixé à 65 ans, le contrat de travail prenant automatiquement fin au soixante-cinquième anniversaire de l'agent est entaché d'une nullité d'ordre public absolue en application des dispositions de l'article L 122-14-12, alinéa 2, du Code du travail ; qu'en énonçant que seules les dispositions de cet article prévoyant la rupture automatique du contrat de travail étaient atteintes par la nullité, celles fixant l'âge limite d'activité à 65 ans demeurant valides et interdisant toute mise à la retraite avant cet âge, la cour d'appel a violé l'article L 122-14-12, alinéa 2, du Code du travail et l'article 58 de la convention collective de travail du personnel des organismes de sécurité sociale ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en vertu des dispositions de l'article L 122-14-13 du Code du travail, tout employeur a le droit de mettre à la retraite un salarié à l'âge de 60 ans s'il peut bénéficier, à cet âge, d'une pension de vieillesse au taux plein ;
qu'en énonçant que la retraite à 60 ans constituait un droit pour le salarié mais non une obligation et en décidant dès lors que la rupture du contrat de travail de M. ... par sa mise à la retraite à 60 ans constituait un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse nonobstant le fait qu'il pût bénéficier à cet âge d'une pension de vieillesse au taux plein, la cour d'appel a violé les articles L 122-14-4 et L 122-14-13 du Code du travail ;
ALORS ENFIN QU'en toute hypothèse, l'alinéa 1er de l'article 58 de la convention collective de travail du personnel des organismes de sécurité sociale disposant que l'âge limite d'activité est fixé à 65 ans n'interdit nullement aux organismes de sécurité sociale de mettre un agent à la retraite dès 60 ans s'il peut bénéficier d'une pension de vieillesse au taux plein ; qu'en énonçant que cette clause était une clause souple fixant un âge minimum de départ à la retraite, interdisant à l'URSSAF des Alpes-Maritimes de mettre un agent à la retraite dès 60 ans, la cour d'appel a violé, en le dénaturant, l'article 58, alinéa 1er, de la convention collective de travail du personnel des organismes de sécurité sociale.