ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
16 Juillet 1998
Pourvoi N° 97-43.484
Société La Parisienne assurances
contre
M. ... et autre.
Attendu que M. ... a été engagé par la société La Parisienne assurances, le 1er décembre 1987, en qualité d'inspecteur ; qu'il a bénéficié de nombreux arrêts de travail pour maladie à compter de février 1993 ; qu'il a été licencié le 26 septembre 1995 au motif que son absence ininterrompue pour maladie, depuis le 5 août 1994, perturbait le bon fonctionnement de l'entreprise et imposait son remplacement définitif ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale, statuant en formation des référés, pour voir prononcer la nullité de son licenciement et ordonner sa réintégration sous astreinte ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Vu l'article L 122-45 du Code du travail, ensemble l'article L 122-14-3 du même Code et l'article 60 de la Convention collective nationale de l'inspection d'assurance du 27 juillet 1992 ;
Attendu que, pour constater la nullité du licenciement et ordonner la réintégration de M. ..., l'arrêt attaqué, après avoir constaté que la lettre de licenciement était motivée par la nécessité de remplacer définitivement le salarié dont les multiples absences perturbaient le bon fonctionnement de l'entreprise, énonce notamment que l'article L 122-45 du Code du travail constitue une disposition d'ordre public absolue d'application nouvelle qui impose une obligation à la charge de l'employeur consistant à solliciter l'avis du médecin du Travail ; qu'il est manifeste au regard des termes de la lettre de licenciement que la maladie est la cause première de cette mesure ; que la faculté de licenciement reconnue à l'employeur doit s'apprécier, non seulement au regard de l'éventuelle nécessité de remplacement du salarié malade, mais également en respectant une procédure préalable de contrôle de l'inaptitude par le médecin du Travail dans le cadre du titre IV du livre II du Code du travail ;
qu'en l'espèce, l'employeur, constatant la persistance de l'état de maladie à l'expiration de la période de protection octroyée par la Convention collective nationale de l'inspection d'assurance du 27 juillet 1992, en son article 60, devait, avant de prendre sa décision de licencier le salarié, demander l'avis du médecin du Travail conformément à l'article L 122-45 du Code du travail ; que, faute d'avoir procédé comme l'exige cet article, la société La Parisienne assurances a violé les dispositions de ce texte et commis un trouble manifestement illicite justifiant que le juge des référés prononce la nullité du licenciement et ordonne la réintégration du salarié ;
Attendu, cependant, que si l'article L 122-45 du Code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du Travail dans le cadre du titre IV du livre II de ce même Code, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement n'était pas motivée par l'état de santé du salarié mais par la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif en raison des perturbations que son absence prolongée apportait au bon fonctionnement de l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'une discrimination à raison de l'état de santé avait été commise et qui devait dès lors vérifier la réalité et le sérieux du motif invoqué par l'employeur, expressément envisagé comme motif de licenciement par l'article 60 de la convention collective, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les textes susvisés ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour débouter la société La Parisienne assurances de sa demande reconventionnelle en remboursement des indemnités de rupture versées au salarié, pour le cas où la réintégration de ce dernier serait ordonnée, l'arrêt, qui a ordonné cette réintégration, se borne à énoncer que la société est mal fondée en sa demande ;
Qu'en statuant ainsi, par un motif général, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.