Jurisprudence : CA Lyon, 15-02-2024, n° 23/02681


N° RG 23/02681 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O4KT


AFFAIRE BAUX RURAUX


COLLEGIALE


Décision du Tribunal d'instance de GAP

du13 Août 2019


RG : 51-17-000001


arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE du 6 Octobre 2020

RG : 19/3948

arrêt de la Cour de Cassation du 1er Mars 2023

Pourvoi n° F 21-Aa0.186


[J]


C/


A. SELON RE


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


BAUX RURAUX


ARRET DU 15 Février 2024


statuant sur renvoi après cassation



DEMANDEUR A LA SAISINE :


M.Aa[D] [J]

[Adresse 6]

[Localité 2]


Représenté par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

assisté de Me Frédéric VOLPATO de la SCP SCHREIBER FABBIAN VOLPATO, avocat au barreau des Hautes-Alpes


DEFENDERESSE A LA SAISINE :


LA SOCIETE SELON RE

[Adresse 3]

[Localité 4]


Représentée par Me Jérôme ORSI de la SELARL VERNE BORDET ORSI TETREAU, avocat au barreau de LYON, toque : 680

assisté de Me Claude GOEDERT, avocat au barreau de LILLE


* * * * * *


Date de clôture de l'instruction : 2 Janvier 2024


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Janvier 2024


Date de mise à disposition : 15 Février 2024



Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Joëlle DOAT, présidente

- Evelyne ALLAIS, conseillère

- Stéphanie ROBIN, conseillère


assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière


A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * *


FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES


Par acte du 20 août 2012, M. [D] [Aa], propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 8] à [Localité 5], a consenti à la société Wattsol une promesse de bail emphytéotique portant exclusivement sur la toiture de cet immeuble pour y installer et exploiter une centrale photovoltaïque, sous réserve de la réalisation de diverses conditions suspensives, dans un délai de douze mois à compter de la signature de l'acte, soit le 20 août 2013 au plus tard.


Le 6 avril 2013, la société Wattsol a transféré à la société Selon Re en cours de constitution, représentée par M. [U], le projet d'installation d'équipements photovoltaïques incluant la promesse de bail emphytéotique.


La centrale photovoltaïque été mise en service au cours du mois de novembre 2013.


Se plaignant de l'existence de désordres, M. [Aa] s'est opposé à la régularisation par acte authentique du bail emphytéotique et a mis en demeure la société Selon Re de quitter les lieux. De son côté, la société a mis en demeure M. [Aa] de lui payer l'indemnité de dédit stipulée à l'acte et de rembourser les frais engagés pour la réalisation de l'opération.


Par requête du 5 janvier 2017, M. [Aa] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Gap pour s'entendre constater la caducité de la promesse de bail emphytéotique depuis le 28 janvier 2013 et prononcer l'expulsion de la société Selon Re.


Par jugement en date du 13 août 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux a :


- dit que le litige n'est pas soumis au règles du code de la consommation


- débouté M. [Aa] de ses demandes de caducité de la promesse de bail, de résolution de la promesse et de paiement de dommages et intérêts


- débouté la société Selon Re de ses demandes de remboursement des travaux effectués, d'exécution forcée de la promesse de bail emphytéotique et de paiement de dommages et intérêts


- enjoint les parties à saisir sans délai Maître [S] [C], notaire à [Localité 9] aux fins de signer un bail emphytéotique dans un délai maximum de six mois à compter de la signification de la décision


- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛


- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.


Sur l'appel interjeté par M. [Aa], la cour d'appel de Grenoble, par arrêt en date du 6 octobre 2020, a :


- confirmé le jugement en ce qu'il a écarté l'application des dispositions du code de la consommation, débouté M. [Aa] de ses demandes en constatation de la caducité et en prononcé de la résolution de la promesse de bail emphytéotique, en paiement de dommages et intérêts et en libération et remise en état des lieux loués sous astreinte, débouté la société Selon Re de sa demande en paiement d'une indemnité de dédit et en remboursement des frais engagés pour l'exécution des travaux et dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour procédure abusive


- infirmé le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau :


* rejeté la demande d'annulation de la promesse de bail emphytéotique


* ordonné l'exécution forcée de la promesse de bail emphytéotique et désigné les notaires des parties pour procéder en concours à la rédaction de l'acte notarié


* enjoint sous astreinte les deux parties à approuver le bail emphytéotique authentique dans le délai de trente jours à compter de la première convocation qui leur sera adressée par les notaires


* dit que le bail devra être conclu aux clauses et conditions du projet d'acte établi par Maître [A] [Z] le 21 févier 2015 et devra expressément prévoir des clauses appropriées lesquelles sont énoncées à la suite du dispositif


- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties et confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté toutes les demandes formées de ce chef


- condamné M. [Aa] aux dépens de première instance et d'appel.


M. [Aa] a formé un pourvoi contre cet arrêt.



Par arrêt en date du 1er mars 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 6 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Lyon.


La Cour de cassation a répondu au premier moyen tiré de ce que l'arrêt avait à tort écarté l'application à la promesse des dispositions du code de la consommation, au visa de l'article L132-1 du code de la consommation🏛 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016🏛, que :


- pour écarter l'application des dispositions du code de la consommation, l'arrêt retient que le contrat de bail de l'immeuble ne constitue pas un contrat de consommation, même s'il est acquis que M. [Aa] n'a pas pouruivi un but professionnel


- en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un déséquilibre significatif qu'une clause du contrat aurait pour objet ou pour effet de créer au détriment de M. [Aa], non-professionnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


La Cour de cassation a répondu au second moyen, au visa de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis, que :


- pour rejeter la demande de caducité de la promesse de bail emphytéotique, l'arrêt retient qu'il résulte des statuts de la société que l'acte de transfert de la propriété du projet d'installation d'équipements photovoltaïques incluant la promesse de bail emphytéotique a été expressément repris par la personne morale, dont la présidence a été confiée à la signataire de la promesse


- en statuant ainsi, alors que la société était représentée par

M. [U] lors de la signature de l'acte de transfert et que ni ses statuts ni son annexe ne font mention de cet acte, la cour d'appel a violé le principe susvisé.


Par déclaration en date du 29 mars 2023, M. [Aa] a saisi la cour d'appel de Lyon.


L'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai, par ordonnance en date du 7 avril 2023.


M. [Aa] demande à la cour :


- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions


statuant à nouveau,


à titre principal,


- de dire qu'il n'y a pas eu transmission de la promesse de bail emphytéotique à la société Selon Re, de sorte que celle-ci ne peut en retirer aucun bénéfice ou avantage quelconque


- de dire que la société Selon Re est dépourvue de tout droit sur le bâtiment agricole lui appartenant


à titre subsidiaire,


- de juger abusive et de réputer non écrite la clause présente à l'article 3 de la promesse ('les conditions suspensives sont stipulées dans l'intérêt exclusif de l'investisseur; en conséquence, en cas de défaillance dans ces conditions ou de l'une d'entre elles, il aura seul qualité pour s'en prévaloir et s'il le désire, se trouver délié de tout engagement')


- de juger abusive et de réputer non écrite la clause présente à l'article 6 de la promesse ('si le propriétaire prend l'initiative de ne pas poursuivre la conclusion du bail emphytéotique dans les conditions ci-dessus, il devra rembourser en sus à l'investisseur l'ensemble des frais que ce dernier aura engagés pour la réalisation de l'opération. Il en sera de même concernant l'investisseur, notamment dans le cas où il se dédirait durant les travaux de démontage de la couverture. Dans ce cas, l'investisseur s'engagerait à remettre une couverture de type bac acier sur ledit bâtiment')


- de prononcer la caducité de la promesse de bail emphytéotique du 20 août 2012


- de dire que la société Selon Re ne saurait se prévaloir des dispositions de la promesse de bail du 20 août 2012


- de constater que la société Selon Re a engagé sa responsabilité délictuelle à son égard


à titre plus subsidiaire,


- de dire que la société Selon Re a manqué à ses obligations contractuelles


- de prononcer la résiliation de la promesse de bail aux torts exclusifs de la société Selon Re


- de dire que les demandes indemnitaires de la société Selon Re ne sont pas justifiées et sont de plus prescrites et donc irrecevables


en tout état de cause,


- de condamner la société Selon Re et tous occupants de son fait à quitter les lieux concernés par la promesse de bail


- de condamner la société Selon Re à remettre les lieux en l'état avec constatation du bon achèvement de la remise en état par huissier de justice sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir


- de condamner la société Selon Re à lui verser la somme de 44 220 euros à titre de dommages et intérêts


- de débouter la société Selon Re de toutes ses demandes


- de condamner la société Selon Re à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.


M.[Aa] soutient que :


- la promesse de bail emphytéotique n'a pas été transférée à la société Selon Re, pour les motifs suivants :


* c'est à tort que la société Selon Re se fonde sur un protocole d'engagement réciproque de transfert de propriété d'un projet photovoltaïque, de ses démarches de raccordement ERDF et de son contrat d'achat EDF AOA Solaire en date du 6 avril 2013, puisqu'à cette date, cette société était en cours de création et non immatriculée au registre du commerce et des sociétés et que le protocole n'est pas signé par tous les membres fondateurs de la société en formation


* les actes conclus avec une société en formation sont frappés d'une nullité absolue, ce qui fait obstacle au transfert de la promesse de bail emphytéotique, de sorte qu'aucune substitution au profit de la société Selon Re n'a pu valablement opérer


* aucune des trois conditions permettant la reprise par la société Selon Re des engagements souscrits par les personnes qui ont agi en son nom lorsqu'elle était en formation n'est remplie, si bien que l'acte est inopposable aux tiers


* la société Selon Re n'étant pas bénéficiaire de la promesse de bail, elle est irrecevable à en solliciter l'exécution et est dénuée de tout droit d'occupation


- subsidiairement, la promesse de bail est caduque faute de réalisation des conditions suspensives


* la condition de la délivrance par un bureau de contrôle agréé validant la faisabilité d'une couverture photovoltaïque sur le bâtiment n'a pas été respectée


* les conditions suspensives prévues au contrat sont toutes stipulées dans l'intérêt exclusif de l'investisseur


et il est en droit de se prévaloir de la défaillance de cette condition


- les demandes en paiement faites par la société Selon Re ne sont pas fondées


- la société Selon Re, non partie au contrat signé entre la société Wattsol et lui-même, a engagé sa responsabilité délictuelle à son égard :


* en prenant possession des lieux par voie de fait


* en réalisant des travaux non conformes et non prévus au contrat


* en ne respectant pas les règles de l'art et les mesures de sécurité.


La société Selon Re demande à la cour :


- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Aa] de ses demandes de caducité, de résolution pour faute du preneur et de dommages et intérêts


- d'infirmer le jugement pour le surplus


à titre principal,


- de condamner M. [Aa] à lui payer une indemnité de dédit de 3 000 euros et la somme de 161 798 euros hors taxes au titre des frais engagés, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 juillet 2015 avec capitalisation pour ceux des intérêts échus depuis plus d'un an par application de l'article 1343-2 du code civil🏛


- de dire qu'elle sera titulaire d'un droit de rétention sur les constructions litgieuses jusqu'au complet paiement de l'indemnité de 161 798 euros hors taxes


à titre subsidiaire,


- d'ordonner l'exécution forcée de la promesse de bail emphytéotique aux clauses et conditions de celle-ci


- de dire que le bailleur ne pourra solliciter l'insertion au bail de certaines clauses qu'elle énumère


- de condamner M. [Aa] à lui payer la somme de 10 000 euros hors taxes en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.


Elle fait valoir que sa substitution à la société Wattsol dans les liens de la promesse de bail emphytéotique est valable, car, dès le 9 avril 2013, la société Wattsol a informé M. [Aa] que les [U] allaient se substituer à elle, puis la société Wattsol a confirmé cette substitution après son immatriculation et, postérieurement à ladite immatriculation, elle-même s'est manifestée en tant qu'investisseur substitué dans les liens de la promesse, puisque, dans ses statuts constitutifs, son président a été habilité à signer le bail emphytéotique aux conditions visées dans la promesse, que, dans l'état annexé aux statuts, il est mentionné la commande de l'installation photovoltaïque auprès de Wattsol et de l'ensemble des prestations associées, qu'elle s'est intégralement substituée à Wattsol en ce qui concerne le contrat de rachat avec EDF et qu'elle a été l'unique interlocuteur contractuel du notaire de M. [Aa] chargé de la rédaction du bail emphytéotique.


Elle ajoute que cette substitution prévue dans la promesse n'a fait l'objet d'aucune opposition du bailleur pendant deux ans, entre avril 2013 et mai 2015.


Elle soutient ensuite que :


- le dispositif du déséquilibre significatif et des clauses abusives issu du code de la consommation est inapplicable aux faits de la cause


- la condition suspensive a été stipulée dans l'intérêt exclusif de l'investisseur et le bailleur ne peut s'en prévaloir


- subsidiairement, la demande de remise en l'état initial sous astreinte est prescrite


- elle n'a pas commis de faute dans l'exécution de la convention.


Au soutien de son appel incident, elle affirme que :


- la cause de dédit est valable et que le refus du bailleur de signer tout bail emphytéotique doit s'analyser en l'exercice de sa faculté de dédit, peu important la cause alléguée du refus de signer le bail final


- sa demande en remboursement n'est pas prescrite.


L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 Janvier 2024



SUR CE :


L'article L210-6 du code de commerce🏛 énonce que :


Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.


La transformation régulière d'une société n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation.


Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.


L'article 6 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978🏛 relatif à l'application de la loi n°78-9 du 4 janvier 1978🏛 modifiant le titre IX du livre III du code civil prévoit que :


L'état des actes accomplis pour le compte de la société en formation avec l'indication, pour chacun d'eux, de l'engagement qui en résulterait pour la société est présenté aux associés avant la signature des statuts.


Cet état est annexé aux statuts dont la signature emportera reprise des engagements par la société lorsque celle-ci aura été immatriculée.


En outre, les associés peuvent, dans les statuts ou par acte séparé, donner mandat à l'un ou plusieurs d'entre eux, ou au gérant non associé qui a été désigné, de rendre des engagements pour le compte de la société. Sous réserve qu'ils soient déterminés et que les modalités en soient précisées par le mandat, l'immatriculation de la société emportera reprise de ces engagements par ladite société.


La reprise des engagements souscrits pour le compte de la société en formation ne peut résulter, après l'immatriculation de la société, que d'une décision prise, sauf clause contraire des statuts, à la majorité des associés.


En vertu de ces dispositions, la reprise par une société des engagements souscrits par les personnes qui ont agi en son nom lorsqu'elle était en formation, ne peut résulter que de la signature des statuts lorsque l'état prévu au même article aura été préalablement annexé à ces statuts, ou d'un mandat donné avant l'immatriculation de la société et déterminant dans leur nature, ainsi que dans leurs modalités les engagements à prendre, ou, après l'immatriculation, d'une décision prise à la majorité des associés.


La promesse de bail emphytéotique signée entre la société Wattsol et M. [D] [Aa], le 20 août 2012, stipule qu'il est expressément convenu que l'investisseur se réserve le droit de se substituer toute personne morale de son choix pour la réalisation de la présente, tout en restant garant et représentant solidaire de l'exécution des présentes.


La date de réalisation des conditions suspensives est fixée au 20 août 2013.


Il est convenu que la convention de bail emphytéotique devra être réalisée dans le délai des trente jours suivant la réalisation de la dernière des conditions suspensives stipulées à l'acte (proposition technique financière) et au plus tard le 60ème jour après réception de ladite proposition technique financière par la signature de l'acte authentique.


La société Wattsol a fait l'objet d'une fusion absorption par la société Wattsolaire le 27 décembre 2012 et en conséquence, elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés, le 28 janvier 2013, puis la société Wattsolaire a pris la dénomination de société Wattsol.


Un protocole d'engagement réciproque de transfert de propriété d'un projet photovoltaïque, de ses démarches de raccordement ERDF et de son contrat d'achat EDF AOA SOLAIRE a été conclu le 6 avril 2013 entre la société Wattsol et la société Selon Re en cours de création.


Aux termes du protocole, la société Wattsol a pris acte de la volonté d'engagement pris par M. et Mme [Ab] de réserver le projet [Aa], sous l'égide de la future société Selon Re sous réserve de sa création et qu'elle en obtienne l'accord de financement et il a été dit 'qu'en contrepartie, la société Selon Re acceptera ce transfert de propriété en se substituant pleinement à la société Wattsol et à ses engagements (cf promesse de bail WattsAal/[J] annexée).


Ce protocole a été signé par M. [U] représentant la société Selon Re en cours de création.


En vertu des statuts signés le 26 juin 2013, enregistrés le 1er juillet 2013, M. [T] [U], Mme [H] [U] son épouse, Mme [Ac] [U] et Mme [F] [U] sont les futurs associés de la société Selon Re et Mme [H] [U] est nommée présidente de la société.


La société Selon Re a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lille Métropole le 22 juillet 2013.


Les statuts de la société Selon Re contiennent les dispositions suivantes à l'article 32 :


(...) Il a été accompli dès avant la signature des présents statuts, pour le compte de la société en formation , les actes énoncés dans un état annexé aux présents statuts indiquant pour chacun d'eux l'engagement qui en résulterait pour la société.


Cet état dressé par Mme [H] [U] soussignée en date du 13 juin 2013 a été déposé le jour même au lieu du futur siège social, soit trois jours au moins avant la signature des présents statuts, à la disposition des futurs associés qui ont pu en prendre connaissance, ainsi qu'ils le reconnaissent. Cet état demeurera annexé aux présentes (annexe 1).


Le protocole du 6 avril 2013 n'est toutefois pas mentionné aux statuts et il n'a pas été annexé à ceux-ci.


En effet, l'annexe 1 relative à l'état des actes accomplis pour le compte de la société en formation mentionne uniquement la signature d'un bon de commande auprès de la société Wattsol portant pose et fourniture d'un générateur d'électricité photovoltaïque d'une puissance totale de 99 000 Wc.


Aux termes des statuts, seule Mme [U], présidente de la société, est habilitée à prendre pour le compte de la société certains engagements, alors qu'elle n'a pas signé l'acte de transfert de la promesse de bail emphytéotique.


En outre, le mandat qui lui est donné a pour objet la signature de l'acte authentique de bail et non le transfert du bénéfice de la promesse de bail, promesse à laquelle il n'est pas fait référence à l'article 32 des statuts 'reprise des engagements souscrits pour le compte de la société en formation'.


Enfin, le courriel envoyé le 9 avril 2013 par l'ancien président de la société Wattsol (M. [L]) absorbée par la société Wattsolaire (devenue Wattsol) au représentant de cette dernière, avec copie à M. [Aa] : 'peux-tu, je te prie, démarrer le processus de bail emphytéotique entre Ab. [U] et M. [Aa], le notaire de M. [Aa] et le notaire accompagnant la société Wattsol dans ses projets PV ' M. [Aa], j'ai vu avec l'entrerprise le démarrage de la dépose des fibro, la pose des tôles bacacier ainsi que la construction du local technique (etc...)', non seulement ne permet pas de déterminer que M. [Aa] était informé de ce que 'les [U] allaient se substituer à Wattsol', mais encore est inopérant en ce qui concerne la question de la validité de la reprise de la promesse de bail emphytéotique par la société Selon Re aux lieu et place de la société Wattsol.


De même est inopérant le fait, d'une part que la substitution de la société Selon Re dans le bénéfice de la promesse n'aurait fait l'objet d'aucune opposition du bailleur entre avril 2013 et le 21 mai 2015, date à laquelle l'avocat de M. [Aa] a écrit à la société Selon Re que la société Wattsol ne pouvait lui transmettre la promesse de bail emphytéotique, car cette société n'existait pas encore au jour de la radiation de la société Wattsol, que cette radiation avait entraîné la caducité de la promesse de bail et l'anéantissement de cet avant-contrat au 28 janvier 2013 et que la société Selon Re ne pouvait pas prétendre s'être valablement substituée à la société Wattsol, d'autre part que des échanges ont eu lieu postérieurement à l'immatriculation de la société Selon Re entre elle et le notaire de M. [Aa] chargé de la rédaction du bail emphytéotique.


En effet, M. [Aa], tiers à la convention entre la société Wattsol et les personnes ayant agi pour le compte de la société Selon Re en formation, n'était pas en mesure de savoir si les conditions nécessaires à la validité de la reprise de la promesse de bail par ladite société étaient réunies ou non.


En conséquence, la société Selon Re n'ayant pas régulièrement repris après son immatriculation la promesse de bail emphytéotique consentie à la société Wattsol, celle-ci est devenue caduque et M. [Aa] n'est pas tenu de l'exécuter.


Il convient d'infirmer le jugement qui a dit que la promesse de bail emphytéotique était valable et qu'elle emportait l'obligation (pour M. [Aa] et la société Selon Re) de signer l'acte authentique.


La caducité de la promesse de bail et 'l'expulsion' de la société Selon Re ayant été sollicitées dès la requête du 5 janvier 2017 saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux, la demande tendant à voir condamner la société Selon Re à 'quitter les lieux' et à remettre ceux-ci en l'état n'est pas prescrite.


Il y a lieu de condamner la société Selon Re, en conséquence de la caducité de la promesse de bail prononcée par le présent arrêt, à démonter et reprendre les panneaux photovoltaïques installés sur la toiture de l'immeuble situé [Adresse 8], [Localité 5] cadastré section ZI [Cadastre 1]B, ainsi qu'à remettre la toiture, y compris les conduits de cheminée, et le bâtiment (intérieur et extérieur) en l'état antérieur à l'installation de la centrale photovoltaïque, à ses frais.


Ces condamnations doivent être assorties d'une astreinte de 100 euros par jour de retard qui commencera à courir trois mois après la signification du présent arrêt, pendant un délai de quatre mois.


Il appartiendra aux parties de s'assurer du parfait achèvement de la remise en l'état par tout moyen qui leur appartiendra.


M. [Aa] affirme que la société Selon Re a commis une faute qui lui a causé un préjudice.


Il ne démontre pas que la 'prise de possession des lieux' serait constitutive d'une 'voie de fait', au regard des doléances exprimées par son avocat dans sa lettre du 2 juillet 2015, lesquelles visent la non-conformité de l'installation réalisée par rapport à celle qui était prévue à la promesse de bail du 20 août 2012 et non pas le fait que l'installation a été mise en place sans son accord.


Il verse aux débats un procès-verbal de constat dressé le 27 mai 2016 par Maître [I], huissier de justice à [Localité 7], dont il ressort que :


- un local technique a été réalisé en parpaings avec toiture en 'tôle bac' à l'intérieur du bâtiment agricole


- une ouverture munie d'une porte métallique donnant sur l'extérieur du bâtiment a été réalisée


- dans la grange côté sud, de très nombreuses plaques de fibrociment ondulé sont stockées ainsi que différentes pièces de toiture de cette composition


- la partie haute des conduits de cheminée maçonnés est cassée


- la toiture est traversée par de multiples vis


- 396 panneaux photovoltaïques sont disposés en 18 rangées de 22 panneaux chacune sur le bâtiment côté sud.

Ce constat démontre qu'une centrale photovoltaïque a été installée et qu'un local technique a été construit à l'intérieur du bâtiment, mais il ne permet pas de rapporter la preuve de l'existence de désordres, malfaçons ou non conformités par rapport aux clauses de la promesse de bail qui seraient imputables à faute à la société Selon Re, d'autant plus que, dans ses conclusions, Aa. [J] expose que c'est la société Wattsol qui a exécuté les travaux litigieux.


En l'absence de faute prouvée à l'encontre de la société Selon Re, la demande de dommages et intérêts doit être rejetée.


Les demandes reconventionnelles doivent également être rejetées, puisque, la promesse de bail étant devenue caduque, la clause de dédit est inapplicable et la société Selon Re est condamnée à désinstaller et à reprendre son matériel.


La société Selon Re, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers comprenant ceux de l'arrêt cassé, ainsi qu'à payer à M. [Aa] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS


Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :


INFIRME le jugement


STATUANT à nouveau,


CONSTATE que la promesse de bail emphytéotique du 20 août 2012 n'a pas été régulièrement reprise par la société Selon Re et qu'elle est devenue caduque


REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande de M. [Aa] aux fins de remise en état sous astreinte


CONDAMNE la société Selon Re à démonter et à reprendre les panneaux photovoltaïques installés sur la toiture de l'immeuble situé [Adresse 8], [Localité 5] cadastré section ZI [Cadastre 1]B, ainsi qu'à remettre la toiture (y compris les conduits de cheminée) et le bâtiment (intérieur et extérieur) en l'état antérieur à l'installation de la centrale photovoltaïque, le tout à ses frais, sous astreinte de 100 euros par jour de retard qui commencera à courir trois mois après la signification du présent arrêt, pendant un délai de quatre mois


REJETTE la demande de dommages et intérêts formée par Aa. [J]


REJETTE les demandes reconventionnelles formées par la société Selon Re


CONDAMNE la société Selon Re aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers comprenant ceux de l'arrêt cassé


CONDAMNE la société Selon Re à payer à M. [Aa] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du cde de procédure civile.


LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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