Jurisprudence : CA Chambéry, 15-02-2024, n° 22/01559

CA Chambéry, 15-02-2024, n° 22/01559

A10242PM

Référence

CA Chambéry, 15-02-2024, n° 22/01559. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/105112797-ca-chambery-15022024-n-2201559
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Abstract

► À peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE


ARRÊT DU 15 FEVRIER 2024


N° RG 22/01559 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HCNM


[B] [Aa]

C/ S.N.C. ECO DEUX HOTELS Prise en la personne de son représentant légal


Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 28 Juillet 2022, RG F20/00232



Appelante


Mme [Aa] [O]

née le … … … à [Localité 5], demeurant [… …] - [Localité 3]

Représentée par Me Noemie FRANCOIS, avocat au barreau de CHAMBERY

Représentée par Me Cyrielle MARQUILLY MORVAN, avocat au barreau de VALENCE


Intimée


S.N.C. ECO DEUX HOTELS Prise en la personne de son représentant légal, demeurant [… …] … [… …]

Représentée par Me Delphine RICARD de l'AARPI VATIER, avocat au barreau de PARIS



Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 14 décembre 2023 par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente de la Chambre Sociale, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Cyril GUYAT, conseiller, assisté de Monsieur Bertrand ASSAILLY, greffier, à l'appel des causes, dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré.

Et lors du délibéré par :

Madame Valéry CHARBONNIER, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,


********



Exposé du litige':


Mme [Aa] a été embauchée à compter du 13 mai 2003 au sein de la SNC Eco deux hôtels en contrat à durée indéterminée en qualité de directrice, statut cadre avec une reprise d'ancienneté au 26 avril 2000. Elle exerçait au sein de l'établissement sous l'enseigne Hôtel Première classe de [Localité 4] et disposait d'un logement de fonction.


Le 18 juin 2009, Mme [Aa] a fait l'objet d'un accident de travail à la suite d'une agression sur son lieu de travail au sein de l'hôtel.


Le 25 septembre 2013, Mme [Aa] a été victime d'une nouvelle agression par un client qui a fait l'objet d'une reconnaissance par la Caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation professionnelle. Elle a fait l'objet d'un arrêt maladie jusqu'au 11 juillet 2016, date à laquelle le médecin du travail a prononcé la consolidation de son état de santé.


A compter de cette date, Mme [Aa] a été placée en ALD (Affection de longue durée) en raison de son état psychologique à la suite de cet accident.


Mme [Aa] a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail du 12 juillet 2016 au 14 octobre 2018.


Par jugement du 28 juin 2017, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lyon a retenu un taux d'incapacité permanente de 20 % suite à son accident du 25 septembre 2013.


Après avoir été déclarée apte par le Médecin du travail, Mme [Aa] a repris le travail le 15 octobre 2018.


Mme [Aa] a fait l'objet d'un arrêt maladie du 14 janvier 2019 au 14 février 2019, puis du 17 février 2019 au 18 août 2019 d'un congé maternité.


Mme [Aa] a été placée en arrêt de travail du 17 août 2019 au 14 février 2020 et a ensuite été déclarée inapte par le Médecin du travail, le 18 février 2020 avec la mention selon laquelle son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.



Par courrier du 24 février 2020, la SNC ECO DEUX HOTELS a informé Mme [Aa] de l'impossibilité de la reclasser et l'a convoquée à un entretien préalable à licenciement en date du 6 mars 2020 auquel Mme [Aa] ne s'est pas présentée.


Mme [Aa] a été licenciée pour inaptitude d'origine professionnelle par courrier en date du 12 mars 2020.


Mme [Aa] a saisi le conseil des prud'hommes de Chambéry en date du'29 décembre 2020 pour contester la licéité de son licenciement, demander sa requalification en licenciement nul comme fondé sur un harcèlement moral et à titre subsidiaire en licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.


Par jugement du'28 juillet 2022, le conseil des prud'hommes de Chambéry a':


- Dit et jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [Aa] repose sur une cause réelle et sérieuse, d'origine professionnelle,

- Débouté Mme [Aa] de l'intégralité de ses demandes,

- Débouté la SNC ECO DEUX HOTELS de l'intégralité de ses demandes,

- Débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛

- Dit que le dépens de l'instance sont partagés par moitié entre les parties.



La décision a été notifiée aux parties et Mme [Aa] en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le23 août 2022 et la SNC ECO DEUX HOTELS appel incident par voie de conclusions.


Par conclusions récapitulatives du'21novembre 2023, Mme [Aa] demande à la cour d'appel de':


- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry rendu le 28 juillet 2022, en ce qu'il a :

*Dit et jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [Aa] Repose sur une cause réelle et sérieuse, d'origine professionnelle

- Débouté Mme [Aa] de l'intégralité de ses demandes

- Débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure

Civile

- Dit que les dépens d'instance seront partagés par moitié entre les parties

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry rendu le 28 juillet 2022, en ce qu'il a :

- Débouté la SNC ECO DEUX HOTELS de l'intégralité de ses demandes


Statuant à nouveau,


- Fixer le salaire de référence de Mme [Aa] à 3.019,83 euros.

I-Sur la requalification du licenciement de Mme [Aa] en licenciement nul ou, a tout le moins, sans cause réelle et sérieuse,


- Juger à titre principal que le licenciement notifié le 12 mars 2020 par la société SNC ECO DEUX HOTELS est nul

- Juger à titre subsidiaire que le licenciement notifié le 12 mars 2020 par la société SNC ECO DEUX HOTELS est sans cause réelle et sérieuse

- En toute hypothèse :

- Condamner la société SNC ECO DEUX HOTELS à verser à Mme [Aa] les sommes suivantes :

- A titre principal 69.600,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul du fait de l'inapplicabilité de l'article L.1235-3 du Code du travail🏛 en cas de harcèlement moral ;

- A titre subsidiaire, 43.500,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour

licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L1235-3 du Code

du travail. (3.019,83 euros (salaire de référence) X 15 mois de salaire)


En tout état de cause,


- Condamner la société SNC ECO DEUX HOTELS à lui verser la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du comportement fautif de l'employeur à l'origine de la détérioration de l'état de santé et de son inaptitude physique


II- Sur le rappel de salaire au titre de l'absence non maintenue pour maladie professionnelle


- Condamner la SNC ECO DEUX HOTELS à lui verser la somme de 2.709,76 euros et 270,97 euros au titre des congés payés afférents à titre de rappel de salaire

- Ordonner que l'ensemble des condamnations susvisées produise intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes

- Ordonner la capitalisation des intérêts (anatocisme) en vertu des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil🏛


III- Sur le harcèlement moral


- Juger que la société SNC ECO DEUX HOTELS a commis des faits de harcèlement moral ou, à tout le moins, un manquement à son obligation de sécurité à son encontre

- En conséquence,

- Condamner la société SNC ECO DEUX HOTELS à lui verser 10.000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou, à tout moins, un manquement à son obligation de sécurité;


IV- Sur les demandes reconventionnelles formulées par la SNC ECO DEUX HOTELS


- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry rendu le 28 juillet 2022, en ce qu'il a Débouté la SNC ECO DEUX HOTELS de l'intégralité de ses demandes

- En conséquence,

- Juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [Aa] a une origine professionnelle,

- Débouter la SNC ECO DEUX HOTELS de ses demandes reconventionnelles de

condamner Mme [Aa] à lui payer un prétendu trop perçu

- Débouter la SNC ECO DEUX HOTELS de sa demande au titre de l'article 700 code de procedure civile


V-Sur la demande au titre ces congés payés afférents':


- Juger que Mme [Aa] est bien fondée à solliciter un rappel de salares au titre de congés payés afférents acquis

- Juger que la SNC ECO DEUX HOTELS n'a pas pris les mesures nécessaires pour lui permettre d'exercer effectivement son droit à congé payé

- Condamner la SNC ECO DEUX HOTELS à lui verser un rappel de salaire sur les congés payés afférents de 10'408,65 €


Statuant à nouveau et en tout état de cause


- Débouter la société SNC ECO DEUX HOTELS de l'intégralité de ses demandes, fins


En tout état de cause':


- Débouter la SNC ECO DEUX HOTELS de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires

- Condamner la société SNC ECO DEUX HOTELS au paiement de la somme 2.500,00

euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les

frais engagés à hauteur d'appel ;

- Condamner la société SNC ECO DEUX HOTELS aux dépens de première instance et

d'appel


Par conclusions en réponse du 21 novembre 2023, la SNC ECO DEUX HOTELS demande à la cour d'appel de':


In limine litis':


- Déclarer irrecevable la demande nouvelle de rappel de congés payés formulée par la Mme [Aa] pour la première fois en cause d'appel,


- La débouter de sa demande,


Sur le fond':


- Recevoir la SNC ECO DEUX HOTELS en ses conclusions et les déclarer bien fondées,

- Juger Mme [Aa] mal fondée tant en droit qu'en fait en l'intégralité de ses demandes,

- En conséquence,

- Confirmer le jugement rendu le 28 juillet 2022 par le Conseil de prud'hommes de Chambéry en ce qu'il a :


* Jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [Aa] repose sur une cause réelle et sérieuse,

* Débouté Mme [Aa] de l'intégralité de ses demandes.


A titre subsidiaire,


- Limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaire, soit 9.059,48 €.

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :


- Jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [Aa] avait une origine professionnelle,

- Débouté la SNC ECO DEUX HOTELS de ses demandes reconventionnelles.


- Statuant à nouveau,

- Juger que le licenciement pour inaptitude de Madame [Aa] a une origine non professionnelle,

- En conséquence,

- Condamner Mme [Aa] à verser à la société les sommes de :

' 10.284 € bruts à titre de trop-perçu sur l'indemnité de préavis, non due dans le cadre du licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle

' 15.984,04 € buts à titre de trop perçu sur l'indemnité de licenciement.


-En toute hypothèse,

- Débouter Mme [Aa] de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner Mme [Aa] à verser à la société la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- Condamner Mme [Aa] aux entiers dépens.


L'ordonnance de clôture a été rendue le'22 novembre 2023.


Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.



SUR QUOI':


Sur la recevabilité de la demande de rappel de congés payés en cause d'appel:


Moyens des parties :


La SNC ECO DEUX HOTELS soutient que la demande de rappel de congés payés acquis pendant les arrêts maladie est nouvelle en cause d'appel et doit être déclarée irrecevable.


Mme [Aa] conclut à la recevabilité de cette demande en cause d'appel.

Elle conclut que comme la jurisprudence de la cour de cassation (Cass. Soc. 13 septembre 2023 - 22.17.340) a été modifiée en cours de procédure, elle est bien fondée à formuler une demande de rappel de salaire sur les congés payés acquis pendant les divers arrêts maladie, congés payés dont elle aurait pu bénéficier.


Sur ce,


Les articles 564 et 566 du code de procédure civile🏛🏛 disposent qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.


Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.


En outre, en vertu des dispositions de l'article 563 du code de procédure civile🏛, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.


S'il n'est pas contesté que qu'aux termes de son arrêt cité du 13 septembre 2023, soit en cours de la présente procédure d'appel,2023,la cour de casation a fait droit à une demande de rappel de congés payés acquis pendant des périodes d'arrêts maladie, il est constant que cette demande dans la présente procédure est nouvelle pour Mme [Aa] en cause d'appel et qu'elle aurait pu formuler cette demande dès la première instance indiquant elle-même dans ses conclusions que si la cour de cassation rejetait cette demande avant cette date et le rejet de cette prétention par la cour de cassation était contraire au droit de l' UE.


Il convient par conséquent de juger que la demande à ce titre est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.


Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement :


Moyens des parties :


Mme [Aa] soutient qu'elle a été victime de harcèlement moral qui a contribué à aggraver son état de santé, que son licenciement pour inaptitude est nul et sollicite des dommages et intérêts à ce titre.


Elle expose qu'à sa reprise de poste en septembre 2018, elle a été victime de pression dans l'unique but de chercher à la faire partir' et expose'ainsi que':


- Son employeur lui a supprimé l'intégralité de ses fonctions en la mettant à l'écart, supprimé des moyens de travailler (clés et codes accès) et avait procédé à son remplacement à son poste de directrice dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée sans clause de mobilité en la personne de Madame [C]

A logement de fonction avait été vidé de ses affaires qui ne lui ont pas été restituées

- L'employeur l'a laissée intentionnellement sans ressource en lui adressant mois d'octobre 2018, un bulletin de salaire nul et, au mois de novembre et de décembre 2018, un bulletin de salaire incomplet


Ces manquements ayant contribué à aggraver son état de santé.


La SNC Eco deux hôtels conteste les faits de harcèlement moral allégués et expose que Mme [Aa] disposait de l'ensemble du matériel et des accès nécessaires à l'exercice de ses fonctions (clés et codes d'accès) et son logement de fonction se situait au même endroit.


La SNC Eco deux hôtels soutient par ailleurs que la salariée n'a pas été mise à l'écart, qu'elle a pris soin de maintenir Mme [C] en fonction pour permettre à Mme [Aa] d'être formée et de reprendre ses fonctions dans des conditions sereines et que Mme [C] a exercé ses fonctions uniquement en soutien. Mme [Aa] a eu accès à la boîte mail structurelle de l'établissement comme sa collègue. Cette période d'adaptation qui se voulait temporaire a finalement été logiquement prolongée lorsque la salariée a officiellement annoncé, un mois après sa reprise, son départ prochain en congé maternité. Mme [C] était parfaitement consciente que sa clause de mobilité serait mise en œuvre pour être affectée à un autre établissement dès lors que Mme [Aa] reprendrait définitivement son poste.

L'employeur allègue également que Mme [Aa] ne démontre pas que son logement de fonction lui ait été rendu dans un état insalubre et fait valoir qu'elle était dans l'obligation, conformément à son contrat de travail, de libérer ce logement à compter du 25 mars 2014 et ne l'a pas fait malgré la demande qui lui a été faite à trois reprises. Ses effets sont restés dans l'appartement et l'employeur lui a proposé de l'indemniser pour la disparition de ses effets personnels non retrouvés.


Sur ce,


Aux termes des articles L.1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail🏛🏛, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.


Suivants les dispositions de l'article L 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.


Le harcèlement moral n'est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l'ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d'un salarié défaillant dans la mise en œuvre de ses fonctions.


Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.


En application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail🏛, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.


Le licenciement pour inaptitude est nul lorsque l'inaptitude trouve sa cause directe et certaine dans des actes de harcèlement moral commis par l'employeur.


En l'espèce, s'agissant de la matérialité des faits allégués par la salariée':


Il est constant qu'à la reprise du travail le 15 octobre 2018, Mme [K] [C] qui l'avait remplacée durant ses arrêts de travail occupait toujours les fonctions de directrice de Mme [Aa] dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Ce fait est établi.


Mme [Aa] verse aux débats':

- son courrier intitulé «'mes conditions de travail'» adressé à l'employeur en date du 6 décembre 2018, aux termes duquel elle dénonce ses conditions de reprise de travail depuis le 15 octobre 2018, à savoir l'embauche de Mme [C] en qualité de directrice en contrat à durée indéterminée, le harcèlement moral subi et sa mise au placard, l'absence de délivrance des clés de l'hôtel, des codes de sécurité incendie, du coffre et d'accès à l'ordinateur contrairement à Mme [C], son retrait du processus d'information et de décision et la suppression totale de ses responsabilités, Mme [C] rédigeant seule les plannings, gérant le personnel, effectuant seule les remises en banque...la disparition de ses effets personnels de son logement de fonction retrouvé sale et dégradé malgré la rénovation réalisée par ses soins, et l'absence de versement de l'intégralité de son salaire.

- l'attestation de Mme [M], réceptionniste de l'hôtel qui que le 27 décembre 2018, M. [Ab] est venu sur l'hôtel pour une réunion et au cours de celle-ci a indiqué à Mme [Aa] qui commençait à prendre la parole au sujet du travail et des conditions, «'a monté le ton en lui disant qu'elle était spectatrice'». Mme [Aa] lui a rétorqué qu'elle n'avait pas les clefs de l'établissement ni les codes d'accès et que ses conditions de travail ne lui permettaient pas de faire son travail correctement «'de plus en étant deux directrices cela est compliqué'» Elle lui a aussi parlé de son logement insalubre sans son mobilier et il a lui a répondu que «'c'était privé'».

-l'attestation de M. [F], réceptionniste qui confirme que lors de la visite de M. [Ab], responsable des opérations, une discussion s'est engagée entre Mme [Aa] et lui sur différents points. Concernant son rôle de directrice, il lui a reproché d'être spectatrice et elle a fait remarquer qu'elle ne pouvait exercer pleinement son rôle car elle n'était pas en possession des clés de l'établissement, de tus les codes informatiques et de l'alarme alors que la 2° directrice avait tous les éléments en main, ce qui ne facilitait pas le travail en équipe. Un autre point a fait monter le ton, l'insalubrité du logement de fonction occupé par MmAa [O] , M. [Ab] a répondu que c'était un domaine privé et qu'il n'avait rien à voir et qu'elle devait porter plainte.


S'il ressort des éléments suvisés qu'à la suite du reproche de M. [Ab] de n'être que «'spectatrice'», Mme [Aa] s'est plainte de ne pas disposer des codes d'accès et des clés à l'instar de la deuxième directrice de l'établissement et de l'insalubrité de son logement de fonction, ces faits ne sont pas matériellement établis par la salariée.


S'agissant du logement de fonction, si Mme [Aa] n'établit pas son état d'insalubrité allégué, il n'est pas contesté que les meubles qui le garnissaient n'étaient plus présents en décembre 2018. Ce fait est établi.


S'agissant du versement partiel de la rémunération, il est établi et non contesté que sur le salaire du mois d'octobre 2018, un trop perçu de 807 € est déduit ainsi qu'une somme de 130',44 € au titre d'un avis à tiers détenteur, sur le salaire du mois de novembre 2018, un trop perçu de 11,37 € outre un avis à tiers détenteur de 1'055,40 €, sur le salaire du mois de décembre 2018, un avis à tiers détenteur de 92,16 € et un autre de 1'443,70 € et l'employeur justifiant l'origine légale des prélèvements mais reconnait ne pas avoir respecté la quotité disponible saisissable conformément aux dispositions de l'article R. 3252-5 du code du travail🏛 qui s'imposaient à lui. Ces faits sont établis.


Il résulte de l'examen des faits établis susvisés pris dans leur ensemble, des éléments précis, concordants et répétés permettant de présumer que Mme [Aa] a subi des agissements répétés de la part de son employeur pouvant caractériser un harcèlement moral.


Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les faits ainsi établis sont étrangers à tout harcèlement moral.


L'employeur conclut que Mme [C] qui occupait le poste de Mme [Aa] était présente de manière uniquement'«'temporaire'» pour permettre à Mme [Aa] «'d'être formée après 5 ans d'absence et reprendre dans des conditions sereines'» et que le contrat à durée indéterminée de Mme [C] contenait une clause de mobilité qui serait mise en œuvre pour être affectée dans un autre établissement dès que Mme [Aa] reprendrait définitivement son poste.


Au soutien de ces explications, la SNC Eco deux hôtels verse l'attestation de Mme [C] qui affirme que suite au retour de Mme [Aa] sur son poste de directrice, «'elle était consciente que même en ayant un contrat à durée indéterminée, elle allait devoir accepter un nouveau poste dans le groupe comme son contrat de travail stipule une clause de mobilité'». Le caractère possiblement temporaire des fonctions de Mme [C] est ainsi justifié.


En outre, la présence de Mme [C] en qualité de directrice de l'hôtel pendant trois mois en même temps que Mme [Aa] après une absence de plusieurs années, se justifie par un «'tuilage'» aux fins d'actualisation des fonctions de la salariée dans un établissement ayant par ailleurs changé de groupe.


S'agissant des meubles du logement de fonction, il résulte du procès-verbal de constat d'huissier du 20 janvier 2015 réalisé à la demande de l'employeur (constat état des lieux) qui avait sollicité en vain Mme [Aa] de libérer les lieux à trois reprises comme il lui appartenait, qu'ils figuraient toujours dans le logement à cette date (table en verre, desserte, table basse, canapé...). Mme [Aa] ne démontre pas que l'employeur serait responsable de la disparition de ses meubles par la suite et celui-ci justifie qu'il a proposé de la dédommager dans son courrier du 8 mars 2019.


Enfin si l'employeur reconnait ne pas avoir, par erreur, respecté la quotité disponible saisissable en application des dispositions de l'article R. 3252-5 du code du travail qui s'imposaient à lui, les retenues légales pratiquées par l'employeur sur les rémunérations de Mme [Aa] sont justifiées dans leur principe, et il n'est pas démontré que ces prélèvements auraient été intentionnellement surévalués dans le but de nuire à Mme [Aa] .


Il convient par conséquent de débouter Mme [Aa] de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la nullité de son licenciement sur ce fondement par voie de confirmation du jugement déféré.


Sur le respect de l'obligation légale de sécurité et le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement':


Moyens des parties :


Mme [Aa] soutient que l'employeur a violé son obligation de sécurité et que son licenciement pour inaptitude en découlant est sans cause réelle et sérieuse.


Elle expose qu'elle était affectée comme directrice au sein de l' enseigne hôtel première classe Chambéry dès son embauche le 26 avril 2000 et donc en contact avec la clientèle particulière composée de prostituées ainsi que de leurs clients, qu'elle a été victime d'un très violent accident du travail puisqu'elle a été agressée par un client de l'hôtel le 18 juin 2009 et qu'aucun élément permettant de protéger sa santé et sécurité n'était mise en place.


Après une longue convalescence, elle a repris ses fonctions mais aucune mesure de prévention n'avait été mise en place par l'employeur pour protéger les salariés d'une éventuelle nouvelle agression (mise à jour du document unique d'évaluation des risques professionnels tels que prévu à l'article R. 4121-1 du code du travail🏛, mesures de sécurité) et elle a été victime d'un deuxième accident du travail pour les mêmes faits le 25 septembre 2013. Elle fait valoir qu'outre des séquelles physiques, elle a développé des séquelles psychologiques extrêmement importantes (stress post-traumatique consécutif à son accident nécessitant une hospitalisation de plusieurs mois). Le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lyon a retenu un taux d'incapacité permanente de 20 % par jugement du 28 juin 2017.


Après sa reprise de travail plusieurs années après son accident le 15 octobre 2018, rien n'avait été mis en place par l'employeur pour protéger sa santé et sa sécurité (aucun protocole d'urgence, pas d'alarme de secours, pas de formation des salariés') et elle a été contrainte de travailler dans les mêmes circonstances que celle de son accident travail, son état de santé se dégradant de nouveau. Elle a été placée de nouveau en arrêt travail puis licenciée pour inaptitude d'origine professionnel, son inaptitude et son licenciement étant en lien direct avec les manquements de l'employeur et l'accident du travail qui en est résulté.


Mme [Aa] soutient par ailleurs en réplique qu'elle ne sollicite pas la réparation du préjudice résultant d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat mais la requalification de son licenciement pour inaptitude puisque cette inaptitude est consécutive au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Cette demande de requalification du licenciement pour inaptitude devant être appréciée sous l'angle de la rupture du contrat de travail, n'étant pas une action en exécution du contrat de travail. Dans ce cas les juges doivent examiner l'ensemble des faits invoqués par le salarié quel que soient leur ancienneté et peu importe que les faits fautifs soient antérieurs de plus de deux ans à la saisine du juge.


La SNC Eco deux hôtels soutient à titre liminaire que le manquement à l'obligation de sécurité se prescrit par deux ans et que la salariée ne peut donc invoquer des faits antérieurs au 29 décembre 2018, c'est-à-dire plus de deux ans avant la saisine du le conseil des prud'hommes.

Ses seules demandes au titre du manquement à l'obligation de santé et de sécurité ne peuvent porter que sur la période du 29 décembre 2018 et du 14 janvier 2019, date à laquelle son contrat de travail a été suspendu pour maladie en lien avec la grossesse. Or, pendant cette période, la salariée ne fait état d'aucun fait qui justifierait ses demandes.


La SNC ECO DEUX HOTELS fait ensuite valoir qu'aucune agression ne s'est produite depuis la reprise de l'hôtel en 2014 et qu'un DUER a été mis en place dans l'établissement. Les salariés exerçant au sein de l'hôtel ayant pris leur poste pendant l'absence de Mme [Aa] n'ont jamais eu la moindre difficulté relative à leur sécurité ou un sentiment d'insécurité. Mme [Aa] n'a pas été exposée à risque particulier d'agression à compter de son retour au sein de l'hôtel le 15 octobre 2018. Si elle tente de faire croire qu'elle était victime d'une rechute de son accident du travail le 19 février 2020, elle ne communique pas pour autant la décision de la CPAM de détails sur ce point.

L'employeur affirme que l'arrêt de travail de Mme [Aa] en lien avec son accident du travail a cessé le 11 juillet 2016, et qu'elle a ensuite été arrêtée pour maladie d'origine non-professionnelle donc sans lien avec cet accident du travail.

Le médecin du travail n'a émis aucune réserve particulière quant au poste occupé et a constaté son inaptitude. La journée IJSS du 19 février 2020 n'est pas d'une rechute'et le seul sentiment d'insécurité de la salariée ne peut être considéré comme un manquement de l'employeur.


Sur ce,


Sur la prescription de la demande':


Il ressort des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail🏛, que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles'L. 1132-1,'L. 1152-1'et'L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles'L. 1233-67,'L. 1234-20,'L. 1235-7,'L. 1237-14'et'L. 1237-19-8, ni à l'application du dernier alinéa de l'article'L. 1134-5.


Il convient de rappeler qu'il est de principe que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée.


S'agissant de la demande de Mme [Aa] de dommages et intérêts en raison du non-respect de l'obligation légale de sécurité incombant à l'employeur, cette action portant sur l'exécution du contrat de travail, se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Mme [Aa] ayant eu connaissance du manquement qu'elle reproche à son employeur plus de deux années avant la saisine du conseil des prud'hommes, son action est par conséquent prescrite.


S'agissant en revanche de la demande de Mme [Aa] de juger que son licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse, son inaptitude étant la conséquence des manquements de l'employeur à son obligation légale de sécurité et des dommages et intérêts à ce titre, il y a lieu d'appliquer une durée de prescription d'un an à compter de la notification de la rupture du contrat de travail, la juridiction prud'homale devant ensuite examiner l'ensemble des manquements invoqués au soutien de la contestation de la rupture quelle que soit leur ancienneté. Mme [Aa] ayant agi dans le délai d'une année après son licenciement pour inaptitude, sa demande à ce titre n'est pas prescrite ni les manquements invoqués au soutien de cette demande qui doivent donc être examinés.


Sur le respect de l'obligation légale de sécurité':


L'article L.'4121-1 du code du travail prévoit que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2017, ces mesures comprennent':

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article'L. 4161-1';

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.


L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.


L'article L.'4121-2 du même code décline les principes généraux de prévention sur la base desquels l'employeur met en œuvre ces mesures. Enfin, il est de jurisprudence constante que respecte son obligation légale de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail🏛🏛.


Il appartient au salarié de démontrer le préjudice qu'il invoque, dont les juges du fond apprécient souverainement l'existence et l'étendue.


Le licenciement pour inaptitude du salarié à la suite du manquement par l'employeur à son obligation légale de sécurité est dépourvu de cause réelle et sérieuse.


Il n'est pas contesté que Mme [Aa] a été victime d'un premier accident de travail le18 juin 2009, à la suite d'une agression sur son lieu de travail au sein de l'hôtel dont elle était la directrice.


Le 25 septembre 2013, Mme [Aa] a été victime d'une nouvelle agression par un client de l'hôtel qui a fait l'objet d'une reconnaissance par la Caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation professionnelle. Elle a fait l'objet d'un arrêt maladie jusqu'au 11 juillet 2016, date à laquelle le médecin conseil a prononcé la consolidation de son état de santé.


La suspension de son contrat de travail a été prolongée du 12 juillet 2016 au 14 octobre 2018.


Le 16 mars 2017, le Dr [I], psychiatre décrivait un état dépressif sévère avec anhédonie et repli sur elle, troubles du sommeil, angoisse invalidante, peur de sortir de chez elle, humeurs tristes, sentiment d'insécurité et abandon.


Le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lyon a retenu dans sa décision du 28 juin 2017, un taux d'incapacité permanente de 20 % à la suite de son accident de 2013 et elle bénéfice d'une prise en charge en ALD.


Mme [Aa] a été déclarée apte à reprendre son activité professionnelle par le médecin du travail le 15 octobre 2018, une nouvelle visite étant prévue deux mois après et elle a repris son travail le jour même.


Si la SNC Eco deux hôtels soutient qu'aucune autre agression ne s'est produite depuis le dernier accident de Mme [Aa] en 2013, non seulement elle ne le démontre pas, mais l'objet de la mise en place de mesures de prévention est justement de prévenir un risque potentiel même peu fréquent, celui-ci n'étant pas purement hypothétique puisque Mme [Aa] en a été victime à deux reprises au cours de la relation professionnelle dans le même établissement.


La seule attestation de Mme [C] et de deux réceptionnistes qui déclarent, pour la première n'avoir jamais subi d'agression, et pour les trois, ne s'être jamais sentis en insécurité, ne suffit pas à démontrer qu'aucun risque n'existait, s'agissant de la gestion de clientèle jour et nuit dans un hôtel ayant déjà eu à subir ce genre de faits.


En outre, si la SNC Eco deux hôtels justifie la mise en place d'un DUER par Mme [C] en mai 2018, sur lequel figure le «'risque clientèle'» soit «'agression physique et/ou verbale-conflits'» avec une évaluation des risques au niveau «'faible/moyen'», les actions de prévention étant «'se conformer aux menaces et ne pas répondre verbalement ni physiquement, prévenir les secours en se protégeant physiquement, former le personnel sur la gestion des conflits'», non seulement le DUER produit aux débats a été établi plusieurs années après les deux agressions subies dans le même établissement par Mme [Aa], mais l'employeur ne justifie pas de la mise en œuvre des actions de formation du personnel recommandées pour faire face au risque identifié après mai 2018.


L'employeur ne justifie pas avoir en place après le premier accident du travail de Mme [Aa] en 2009, des mesures de prévention, celle-ci ayant été de nouveau agressée par un client de l'hôtel en 2013.


Il en résulte que la SNC Eco deux hôtels ne justifie avoir pris les mesures de prévention pour satisfaire à son obligation légale de sécurité de moyens susvisée.


Toutefois Mme [Aa] ne justifie pas que ce manquement ait eu pour conséquence l'aggravation de son état psychologique lors de sa reprise du travail en octobre 2018 et serait à l'origine de son inaptitude.


En effet, le seul sentiment d'insécurité développé par Mme [Aa] à la suite de l'agression subie en 2013, n'est justifié par aucun élément objectif et concret depuis la reprise de son travail en octobre 2018 et ne doit pas être confondu avec une situation professionnelle objectivement insécurisante.

Il résulte ainsi des éléments versés aux débats que la salariée a d'une part été jugée apte à reprendre son activité professionnelle par le médecin du travail et d'autre part que ce sentiment d'insécurité, même s'il est la conséquence de son accident du travail de 2013, préexistait à la reprise du travail d'octobre 2018, même hors du cadre professionnel, le Dr [I], psychiatre, évoquant dès mars 2017, «'la peur de sortir de chez elle, son sentiment d'insécurité et la peur de l'abandon'».


De plus ni le courrier détaillé intitulé «'mes conditions de travail' » adressé à l'employeur en date du 6 décembre 2018, Mme [Aa], ni celui de son conseil en date du 21 décembre 2018, ne font état d'un sentiment d'insécurité et de l'absence des conditions suffisantes de sécurité dans l'établissement.


Par conséquent il convient de débouter Mme [Aa] de sa demande tendant à juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité faute de justifier de l'aggravation de son état de santé et du lien prétendu avec son inaptitude.


Il convient également de rejeter la demande d'indemnisation complémentaire pour préjudice distinct faute par Mme [Aa] faute de justifier l'existence de celui-ci.


Sur la demande de rappel de salaire';


Moyens des parties :


Mme [Aa] soutient que l'employeur a déduit sur les bulletins de salaires des mois de février et mars 2020 des sommes au titre de «'l'absence non maintenue maladie professionnelle'» alors qu'elles sont consécutives à son accident du travail, et qu'il aurait dû maintenir son salaire.


La SNC ECO DEUX HOTELS fait valoir que que l'arrêt de maladie du 2 septembre 2019 au 12 mars 2020, date de départ de l'entreprise n'est pas d'origine professionnel et fait suite à son congé maternité et que l'organisme de prévoyance n'a pu procéder au versement des sommes dues à la salariée dans la mesure où elle n'a transmis ses relevés d'indemnités journalières après le 5 février 2020, l'employeur s'étant conformé à ses obligations.


Sur ce,


Mme [Aa] justifie par la production de l'attestation de paiement de la Caisse primaire d'assurance maladie avoir perçues des indemnités journalières pour la période du 5 février 2020 au 14 février 2020. Il convient donc de condamner la SNC Eco deux hôtels à lui verser la somme de 2709,76 € outre 270,97 € de congés payés afférents.


Sur les demandes reconventionnelles de la SNC ECO DEUX HOTELS':


Moyens des parties :


La SNC ECO DEUX HOTELS demande le remboursement par Mme [Aa] des sommes suivantes versées à tort lors du solde de tout compte':

-10.284 euros à titre d'indemnité de préavis, prétendument « non due dans le cadre du

licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle

-15.984,04 à titre de « trop perçu sur l'indemnité de licenciement »


L'employeur soutient que s'agissant d'une inaptitude d'origine non professionnelle, aucun préavis n'était dû et l'indemnité de licenciement doit être calculée selon les règles légales. Le lien entre l'accident du travail du 25 septembre 2013 et l'avis d'inaptitude du 18 février 2020 n'est pas établi et l'employeur n'avait pas connaissance d'une hypothétique origine professionnelle de son inaptitude au moment où celle-ci a été prononcée.


Mme [Aa] conteste et fait valoir que son inaptitude a pour origine son accident du travail et que dans le cadre d'un licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis et qu'elle est en droit d'obtenir le doublement de l'indemnité de licenciement puisqu'il n'est pas contestable que son inaptitude a pour origine un accident du travail dont l'employeur était parfaitement informé. L'employeur en était informé. Formalité Indemnité pour inaptitude professionnelle temporaire rempli.


Sur ce,


L'article L. 1226-14 du code du travail🏛 dispose que, la rupture du contrat de travail dans les cas d'inaptitude d'origine professionnelle avec impossibilité de reclassement ouvre droit pour le salarié à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 du même code🏛.


Il est de jurisprudence constante que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle lors du licenciement.


En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats et notamment des courriers de son médecin traitant au médecin du travail dont celui du en date du 28 janvier 2020, que les stigmates psychologiques de Mme [Aa] résultant de son accident de travail de 2013 sont toujours prégnants et ne lui permettent pas de reprendre ses fonctions au sein de la SNC Eco deux hôtels.


Le 18 février 2020 le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude Mme [Aa] à son poste de travail de gérante/ directeur d'hôtel précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l'emploi et a rempli le même jour une demande d'indemnité temporaire d'activité Accident du travail/ maladie professionnelle en visant l'accident du travail du 25 septembre 2013. Le médecin du travail certifiant sur le même formulaire avoir établi un avis d'inaptitude susceptible d'être en lien avec cet accident du travail.


En outre, l'employeur a précisé dans la lettre de licenciement de Mme [Aa] en date du 12 mars 2020, que «'en tant que victime d'accident du travail, Mme [Aa] percevrait une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité de préavis ainsi qu'une indemnité de licenciement dite spéciale'» démontrant ainsi qu'il avait connaissance au moins partiellement de l'origine professionnelle de l'inaptitude fondant le licenciement.


Il convient par conséquent par voie de confirmation du jugement déféré de débouter la SNC Eco deux hôtels de ses demandes reconventionnelles à ce titre.


Sur les demandes accessoires':


Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.


Il y a lieu de condamner la SNC Eco deux hôtels à payer la somme de 1'500 € à Mme [Aa] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et le condamner aux dépens d'appel.



PAR CES MOTIFS':


La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,


DIT irrecevable la demande de Mme [Aa] au titre des congés payés comme nouvelle en cause d'appel,


CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':


- Dit et jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [Aa] repose sur une cause réelle et sérieuse, d'origine professionnelle

- Débouté Mme [Aa] de l'intégralité de ses demandes exceptée la demande rappel de salaire au titre de l'absence non maintenue,

- Débouté la SNC ECO DEUX HOTELS de l'intégralité de ses demandes,

- Débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile


- Dit que le dépens de l'instance sont partagés par moitié entre les parties.


L'INFIRME pour le surplus,


STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,


DIT que la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation légale de sécurité est prescrite,


DIT que la demande aux fins de juger que le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse, en raison des manquements de l'employeur à son obligation légale de sécurité n'est pas prescrite,


CONDAMNE la SNC Eco deux hôtels à payer à Mme [Aa] la somme de 2709,76 € outre 270,97 € de congés payés afférents de rappel de salaire au titre de l'absence non maintenue,


Y ajoutant,


CONDAMNE la SNC Eco deux hôtels à payer la somme de 1 500 € à Mme [Aa] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.


CONDAMNE la SNC Eco deux hôtels aux dépens d'appel.


Ainsi prononcé publiquement le 15 Février 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le Greffier La Présidente

Article, 564, CPC Article, 566, CPC Article, 563, CPC Congé payé Arrêt maladie Rappel de salaire Irrecevabilité relevée d'office Nullité du licenciement Licenciement pour inaptitude Clause de mobilité Logement de fonction Bulletin de paie Harcèlement moral Période d'adaptation Départ en congé Altération des facultés mentales ou corporelles Santé mentale Mesure discriminatoire Promotion professionnelle Renouvellement d'un contrat Agissements constitutifs d'un harcèlement Supérieurs hiérarchiques Preuve Contribution Arrêt de travail Contrat à durée déterminée Suppression totale Salaire global État d'insalubrité Trop perçu Avis à tiers détenteur Huissier Respect par l'employeur Respect d'obligation Cause sérieuse Protection de la santé Protection des salariés Risque professionnel Mesure de sécurité Accident du travail Taux d'incapacité Lien direct Obligation de résultat Manquement à l'obligation de sécurité Requalification Travaux Saisine des juridictions Conseil des prud'hommes Suspension d'un contrat Cpam Inaptitude Réparation d'un préjudice Action en paiement Délai de prescription Durée déterminée Licenciement sans cause réelle et sérieuse Rupture du contrat de travail Actions de prévention Principe général Prévention Victime d'une agression Assurance maladie État dépressif Relations professionnelles Actions de formation Obligation de moyens État psychologique Situation professionnelle Indemnité complémentaire Maladie professionnelle Maintien de salaire Organisme de prévoyance Indemnités journalières Solde de tout compte Avis d'aptitude Origine professionnelle Indemnité de préavis Indemnité de licenciement Disposition favorable Lettre de licenciement Indemnité Frais répétibles

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