ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
28 Mai 1998
Pourvoi N° 96-17.333
Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne
contre
M. Agostino Jorge ... et autres
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne, dont le siège est Créteil Cedex, en cassation d'un arrêt rendu le 16 avril 1996 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre sociale, section A), au profit
1°/ de M. Agostino Jorge ..., demeurant 113, rue V Recourat, 941 70 Le Perreux-sur-Marne,
2°/ de M. ... (SCP Brouard et Daude), pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SERP, demeurant 34, rue
3°/ de la société SERP, société à responsabilité limitée, dont le EN PRÉSENCE
du directeur régional des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France, domicilié Paris , M. Jorge ... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 mars 1998, où étaient présents M. Gélineau-Larrivet, président, M. Thavaud, conseiller rapporteur, MM ..., ..., ..., Mme ..., M. ..., conseillers, MM ..., ..., Mme ..., conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Thavaud, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la CPAM du Val-de-Marne, de Me ..., avocat de la SCP Brouard et Daude, ès qualités, de la SCP Nicola et de Lanouvelle, avocat de M. Jorge ..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Met hors de cause la société civile professionnelle Brouard-Daude, liquidateur judiciaire de la société SERP ;
Attendu qu' après avoir décidé que l'accident du travail dont M. ..., salarié de la société SERP, avait été victime le 13 juillet 1988, était dû à la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel (Versailles, 16 avril 1996) a alloué à l'intéressé des indemnités pour préjudice d'agrément et perte de chance de promotion professionnelle ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Attendu que la caisse primaire d'assurance maladie fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen, d'une part, que l'indemnité allouée au titre du préjudice d'agrément tend à réparer un préjudice objectif distinct de celui résultant de l'incapacité constatée, celui subi par la victime lorsqu'elle ne peut plus, en raison des suites de l'accident, se livrer aux activités d'agrément qui étaient les siennes auparavant; qu'en retenant, pour allouer à l'assuré une telle indemnité, le fait qu'il ressentait les conséquences de son accident dans divers gestes de la vie quotidienne, la cour d'appel a violé l'article L 452-3 du Code de la sécurité sociale; alors, d'autre part, que l'indemnité allouée au titre du préjudice d'agrément tend à réparer le préjudice subi par la victime lorsqu'elle ne peut plus se livrer aux activités d'agrément qui étaient les siennes auparavant; qu'en l'espèce, l'expert a constaté que l'intéressé ne se prévalait d'aucune activité d'agrément particulière, hors des promenades à vélo avec sa fille, activité pour laquelle il n'existait aucune contre-indication; qu'en allouant néanmoins une telle indemnité à l'assuré au motif qu'il ne pouvait pratiquer une activité de loisir longtemps sans ressentir des fourmillements, la cour d'appel, qui n'a pas précisé à quelles activités de loisirs l'accident avait apporté une entrave, a privé sa décision de base légale au regard du même texte ;
Mais attendu que les juges du fond ont retenu que, du fait de l'accident, M. ... ne pouvait plus se livrer longtemps à des activités de loisir sans ressentir des troubles; qu'ayant ainsi fait ressortir que, privé des agréments d'une vie normale, il avait subi un préjudice distinct de celui résultant de l'incapacité constatée, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen du même pourvoi
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour confirmer la décision des premiers juges allouant à M. ... des dommages-intérêts pour perte de chance, l'arrêt attaqué énonce que l'intéressé n'établit pas l'existence d'une perte de chance de promotion professionnelle ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est contredite, méconnaissant les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a accordé à M. ... une indemnité pour perte de chance de promotion professionnelle, l'arrêt rendu le 16 avril 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
demandes de la CPAM du Val-de-Marne et de M. Jorge ... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.