Jurisprudence : Cass. civ. 2, 19-05-1998, n° 96-12.944, Rejet.



CIV. 2
COUR DE CASSATION
Audience publique du 19 mai 1998
Rejet
M. ZAKINE, président
Pourvois n° C 96-12.944 JONCTION
E 96-13.268
Arrêt n° 724 P+B
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
I - Sur le pourvoi n° 96-12.944 formé par la société Banque Occidentale, dont le siège est Paris, aux droits de laquelle vient la société CDR Créances,
en cassation d'un arrêt rendu le 12 décembre 1995 par la cour d'appel de Paris (1re Chambre, Section A), au profit de
1°) M. Bernard ..., 2°) Mme Dominique ..., épouse ...,
demeurant Marseille,
3°) M. Yannick ..., ès qualités de représentant des créanciers et mandataire-liquidateur de M. et Mme ..., de la SNC Groupe Bernard Tapie, de la société Alain Colas Tahiti, de la SNC Financière immobilière Bernard Tapie (FIBT) et de la société Bernard Tapie Gestion, domicilié Paris,
4°) M. Jean-Claude ..., ès qualité de représentant des créanciers de la société Bernard Tapie Finance et de représentant des créanciers et de mandataire-liquidateur de M. et Mme ..., de la SNC Financière immobilière Bernard Tapie (FIBT), et de la société Bernard Tapie Gestion, domicilié Paris,
5°) la Société financière et immobilière Bernard Tapie, dont le siège est Paris, représentée par ses mandataires-liquidateurs, MM. ... ... et ... ..., ci-dessus désignés et domiciliés,
6°) du Trésorier principal du 6e arrondissement de Paris, 1ère division, domicilié Paris,
7°) du Crédit lyonnais, dont le siège est Paris,
défendeurs à la cassation ;
II - Sur le pourvoi n° 96-13.268 formé par le trésorier principal du 6e arrondissement de Paris, domicilié Paris,
en cassation d'un même arrêt, au profit de
1°) M. Yannick ..., ès qualités, 2°) M. Jean-Claude ..., ès qualités,
3°) M. Bernard ..., 4°) Mme Dominique ..., épouse ...,
5°) la Société de Banque Occidentale, 6°) la Société financière et immobilière Bernard ..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse au pourvoi n° C 96-12.944 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi n° E 96-13.268 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;
Moyen produit sur le pourvoi n° 96-12.944 par la SCP Le Bret et Laugier, avocat aux Conseils pour la société de Banque Occidentale (SDBO).

LA COUR, en l'audience publique du 8 avril 1998, où étaient présents M. Zakine, président, M. Buffet, conseiller rapporteur, M. ..., Mme ..., M. ..., Mme ..., conseillers, M. Tatu, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Buffet, conseiller, les observations de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat du trésorier principal du 6e arrondissement de Paris, de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la société Banque Occidentale, de Me Blanc, avocat de M. ..., ès qualités, et de M. ..., ès qualités, les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint les pourvois n° C 96-12.944 et E 96-13.268 ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 12 décembre 1995) et les productions, que des saisies conservatoires ont été pratiquées par la Société de Banque Occidentale (la SDBO), après avoir été autorisées par des juges de l'exécution, sur des meubles appartenant à M. ... et à Mme ... son épouse, pour sûreté notamment de sommes restant dues à la SDBO, en vertu d'actes notariés de prêt, par la société Financière et immobilière Bernard Tapie (la FIBT), société en nom collectif ayant pour associés les époux ... ; que la SDBO a fait signifier à M. et à Mme ..., en vertu de ces actes notariés, la conversion des saisies conservatoires en saisie-vente pour paiement d'une certaine somme ; qu'après qu'il avait été procédé à la vérification des biens saisis, les époux ... et la FIBT ont saisi le juge de l'exécution en demandant l'annulation des opérations de saisie ; que les mêmes meubles ont été également l'objet, de la part du trésorier principal du 6ème arrondissement de Paris (le trésorier principal), et pour le recouvrement d'impôts dus par les époux ..., d'une saisie conservatoire convertie en une saisie-vente ayant donné lieu à des procès-verbaux de vérification ; que devant le juge de l'exécution sont intervenus le trésorier principal, ainsi que les mandataires liquidateurs aux liquidations judiciaires, intervenues en cours de procédure, des époux ... et de la FIBT, qui se sont prévalus de la suspension des poursuites ; que le juge de l'exécution a déclaré nulle la conversion en saisie-vente des saisies conservatoires pratiquées à la requête de la SDBO, ordonné la mainlevée de ces saisies, ainsi que la mainlevée de la saisie-vente diligentée à la requête du trésorier principal, et ordonné la restitution aux mandataires-liquidateurs, par la SDBO, des meubles de M. et de Mme ... ; que la SDBO et le trésorier principal ont interjeté appel de ce jugement ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° C 96-12.944

Attendu que la société CDR Créances, venant aux droits de la SDBO, fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulle la conversion en saisie-vente des saisies conservatoires pratiquées à la requête de la SDBO sur les meubles de M. et Mme ..., et ordonné la mainlevée de ces saisies conservatoires, alors, selon le moyen, que d'une part le titre exécutoire dûment établi à l'encontre d'une société en nom collectif vaut également à l'encontre de l'associé en nom d'une société commerciale de ce type, tenu indéfiniment et solidairement des dettes sociales de ladite société sous la seule exigence d'une vaine mise en demeure de la société par acte extrajudiciaire ; que la cour d'appel, en subordonnant la transformation de la saisie conservatoire pratiquée à l'encontre de l'associé en une saisie-vente à l'obtention d'un titre distinct, n'ayant d'autre objet que de constater judiciairement la carence de la société, qui est pourtant légalement constituée par le seul effet de la mise en demeure, a violé ensemble les articles 10, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966 et 3, 70 et 76 de la loi du 9 juillet 1991 ; alors que, d'autre part, la solidarité établie par la loi à l'égard de l'associé d'une société en nom collectif, si elle a trait à un engagement subsidiaire, produit tous les effets de la solidarité passive, de sorte que le titre exécutoire dressé contre la société, fût-il constitué par un acte notarié, est opposable audit associé de plein droit et le créancier est fondé à en poursuivre l'exécution contre celui-ci sans recourir à l'exigence d'une décision judiciaire à l'égard de l'associé ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, en retenant que la banque ne détenait aucun titre à l'égard des époux ..., a aussi violé les articles 10, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966, 3, 70 et 76 de la loi du 9 juillet 1991, 1200 et suivants du Code civil ;

Mais attendu que toute exécution forcée implique que le créancier soit muni d'un titre exécutoire à l'égard de la personne même qui doit exécuter, et que le titre délivré à l'encontre d'une société n'emporte pas le droit de saisir les biens des associés, fussent-ils tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales, à défaut de titre exécutoire pris contre eux ;
Que l'arrêt, après avoir constaté que les actes authentiques sur le fondement desquels la conversion en saisie-vente avait été opérée par la SDBO ne visaient pas les époux ..., retient à bon droit que le juge de l'exécution n'a méconnu ni l'article 10 de la loi du 24 juillet 1966 ni les effets secondaires de la solidarité, en décidant que la SDBO ne pouvait poursuivre la vente des meubles, saisis à titre conservatoire, sans avoir préalablement obtenu un titre exécutoire à l'encontre de M. et de Mme ... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° E 96-13.268
Attendu que le trésorier principal fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la mainlevée des saisies conservatoires et de la saisie-vente diligentées à sa requête, alors que, selon le moyen, le jugement de liquidation n'est pas de nature à arrêter ou interdire le déroulement d'une procédure de saisie-vente dès lors qu'est déjà intervenu le procès-verbal de vérification, lequel, en interdisant toute opposition de la part d'autres créanciers, entraîne le dessaisissement du débiteur et confère nécessairement au créancier saisissant un droit acquis sur le produit de la vente des meubles en cause ; qu'en estimant cependant que la saisie-vente en cours n'avait pas atteint son effet, le créancier ne pouvant se prévaloir d'aucun droit acquis, nonobstant le procès-verbal de vérification, la cour d'appel a violé l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, l'article 54 de la loi du 9 juillet 1991 et les articles 117 et suivants du décret du 31 juillet 1992 ;
Mais attendu que la procédure de saisie-vente ne s'achève que par la vente des biens saisis qui fait sortir ces biens du patrimoine du débiteur, les dispositions de l'article 54 de la loi du 9 juillet 1991 n'ayant pour objet que de déterminer les créanciers admis à concourir sur le prix de la vente ; que dès lors l'arrêt retient exactement que la règle d'ordre public de l'arrêt des poursuites individuelles s'applique tant que cette procédure d'exécution n'a pas, par la vente, produit ses effets ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Banque Occidentale aux dépens du pourvoi n° C 96-12.944 ;
Laisse les dépens à la charge de l'Etat du pourvoi n° E 96-13.268 ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de MM. ..., ..., ès qualités, et du trésorier principal du 6e arrondissement de Paris.
Ainsi fait et jugé par le Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mail mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a déclaré nulle la conversion en saisie-vente des saisies conservatoires pratiquées à la requête de la SOCIÉTÉ DE BANQUE OCCIDENTALE sur les meubles de M. et Mme ..., en réalité caduques lesdites saisies, et a ordonné la mainlevée de ces saisies conservatoires ;
- AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QU'il résulte de la combinaison des articles 70 et 76 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, que la saisie conservatoire devient caduque lorsque le créancier n'a pas engagé ou poursuivi une procédure visant à obtenir un titre exécutoire s'il n'en possède pas, et que la vente des biens mobiliers saisis conservatoirement est subordonnée à la possession ou à l'obtention de ce titre exécutoire ; que la SDBO estime que la détention d'un titre à l'égard de la société en nom collectif FIBT valait à l'égard des associés en nom solidairement tenus au paiement des dettes sociales et qu'elle rendait inutile l'obtention d'un titre exécutoire à leur encontre ; que si, aux termes de l'article 10 de la loi du 24 juillet 1966, les associés répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales, ils ne peuvent, cependant, en vertu du même texte, être personnellement poursuivis, que si la société a été vainement mise en demeure par acte extrajudiciaire ; qu'il en découle que l'engagement de l'associé en nom est un engagement subsidiaire et qu'il ne peut être totalement assimilé à celui d'un codébiteur solidaire ; qu'il ne peut y avoir représentation entre la société et les associés en nom collectif comme entre des codébiteurs solidaires ; que le titre qui engage la société ne peut valoir aussi sans autres formalités à l'encontre des associés ; que le premier juge n'a méconnu ni les dispositions ci-dessus rappelées de la loi sur les sociétés commerciales, ni les effets secondaires de la solidarité, en estimant, conformément aux dispositions ci-dessus de la loi portant réforme des procédures civiles d'exécution, que la SDBO ne pouvait poursuivre la vente des meubles saisis à titre conservatoire sans avoir préalablement obtenu un titre à l'encontre de M. et Mme ... ; que, faute pour la SDBO d'avoir, comme l'exigent les articles 70 et 76 de la loi du 9 juillet 1991et 215 du décret du 31 juillet 1992, agi à l'effet d'obtenir un titre exécutoire à l'encontre des époux ..., dans le mois qui a suivi l'exécution des saisies conservatoires, celles-ci sont devenues caduques ;
- ALORS, D'UNE PART, QUE le titre exécutoire dument établi à l'encontre d'une société en nom collectif vaut également à l'encontre de l'associé au nom d'une société commerciale de ce type, tenu indéfiniment et solidairement des dettes sociales de ladite société sous la seule exigence d'une vaine mise en demeure de la société par acte extrajudiciaire ; que la Cour d'Appel, en subordonnant la transformation de la saisie conservatoire pratiquée à l'encontre de l'associé en une saisie-vente à l'obtention d'un titre distinct, n'ayant d'autre objet que de constater judiciairement la carence de la société, qui est pourtant légalement constituée par le seul effet de la mise en demeure, a violé ensemble les articles 10 alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1996et 3, 70 et 76 de la loi du 9 juillet 1991 ;
- ALORS, D'AUTRE PART, QUE la solidarité établie par la loi à l'égard de l'associé d'une société en nom collectif, si elle a trait à un engagement subsidiaire produit tous les effets de la solidarité passive de sorte que le titre exécutoire dressé contre la société, fût-il constitué par un acte notarié, est opposable audit associé de plein droit et le créancier est fondé à en poursuivre l'exécution contre celui-ci sans recourir à l'exigence d'une décision judiciaire à l'égard de l'associé ; que dès lors, l'arrêt attaqué, en retenant que la Banque ne détenait aucun titre à l'égard des époux ..., a aussi violé les articles 10 alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966, 3, 70 et 76 de la loi du 9 juillet 1991, 1200 et suivants du Code Civil.
Moyen produit sur le pourvoi n° 96-13.268 par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour le Trésorier principal du 6ème arrondissement de Paris ;
MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la mainlevée des saisies conservatoires et de la saisie-vente diligentée à la requête du Trésorier Principal du 6ème arrondissement ;
AUX MOTIFS QUE "le TRESORIER PRINCIPAL appelant soutient enfin qu'en l'absence de contestation de sa saisie conservatoire, dans les formes et délais prévus par les articles 52 de la loi du 9 juillet 1991et 117 et suivants du décret du 31 juillet 1992, il demeure libre du choix de la date de la vente des meubles saisis, sans perdre le bénéfice de l'affectation prioritaire du prix au paiement de sa créance ; mais considérant que la règle d'ordre public de l'arrêt des poursuites individuelles, édictée par l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, s'applique aux voies d'exécution en cours tant que celles-ci n'ont pas atteint leur effet ; que tel est le cas en l'espèce, bien qu'aucune contestation n'ait été élevée dans les formes et délais des textes ci-dessus rappelés, dès lors que les débiteurs demeurent propriétaires des meubles saisis, tant que la vente n'a pas été effectuée" ;
ALORS QUE le jugement de liquidation n'est pas de nature à arrêter ou interdire le déroulement d'une procédure de saisie-vente, dès lors qu'est déjà intervenu le procès-verbal de vérification, lequel, en interdisant toute opposition de la part d'autres créanciers, entraîne le dessaisissement du débiteur et confère nécessairement au créancier saisissant un droit acquis sur le produit de la vente des meubles en cause ;
Qu'en estimant cependant que la saisie-vente en cours n'avait pas atteint son effet, le créancier ne pouvant se prévaloir d'aucun droit acquis, nonobstant le procès-verbal de vérification, la Cour d'appel a violé l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, l'article 54 de la loi du 9 juillet 1991et les articles 117 et suivants du décret du 31 juillet 1992.

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