ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
06 Mai 1998
Pourvoi N° 95-45.464
Société Eternit industrie
contre
M. ... et autres.
Sur le moyen unique Attendu que la société Eternit industrie, connaissant des difficultés économiques, a procédé, en avril 1993, à des réductions d'effectifs au sein de son établissement d'Albi ; que le plan social élaboré à cette occasion prévoyait, notamment, la possibilité pour les salariés de transformer leur contrat de travail à temps plein en emploi à temps partiel en application d'une convention d'aide au passage à mi-temps ; qu'il était prévu que la transformation de deux contrats à temps plein en deux contrats à mi-temps entraînerait la réduction du nombre des licenciements d'une unité ; que, le 12 mai 1993, M. ... et cinq autres salariés ont demandé la transformation de leur contrat à temps plein en contrat à temps partiel afin de conserver leur emploi ; qu'il leur a été répondu que cette possibilité de passage à un travail à temps partiel était réservée aux salariés non licenciables ; qu'ils ont été licenciés par lettre du 26 mai 1993, bien que six autres salariés se soient portés volontaires pour travailler à temps partiel afin d'éviter le licenciement de leurs collègues ; que les six salariés licenciés, en invoquant l'inobservation par l'employeur des dispositions du plan social, ont saisi la juridiction prud'homale en demandant leur réintégration et subsidiairement des dommages-intérêts ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 24 novembre 1995) de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts aux six salariés licenciés, alors, selon le moyen, que, d'une part, en affirmant que les demandes de passage à mi-temps formulés conjointement par six salariés licenciables et six salariés non licenciables étaient conformes à l'article 13 du plan social, la cour d'appel a méconnu tout à la fois la portée de ce texte et des articles 1 et 2 de la convention d'aide au passage à mi-temps conclue entre la société Eternit et le ministère du Travail et violé les articles L 321-4-1, L 322-4-3 et R 322-7-1 du Code du travail et l'article 1134 du Code civil, dans la mesure où les demandes, en ce qu'elles émanent, pour certaines, des salariés licenciables et en ce que, pour les autres, elles désignent les salariés dont le licenciement devait être évité et fixent une durée du passage à mi-temps d'un an et non de deux ans, ne respectaient pas les conditions posées par le plan social et la convention de conversion ;
alors que, d'autre part, en reprochant à la société Eternit de ne pas avoir négocié avec les salariés licenciables et non licenciables et d'avoir opposé à leur démarche une double fin de non-recevoir, sans répondre aux motifs du jugement, dont la confirmation était sollicitée, selon lesquels il résulte du courrier de la société Eternit du 27 mai 1993 que les salariés non licenciables, qui avaient été convoqués pour signer un avenant à leur contrat de travail prévu par la convention signée avec le ministère et s'étaient abstenus de se rendre à cette convocation, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que l'employeur n'a pas fait état devant les juges du fond de la convention d'aide au passage à mi-temps conclue avec l'autorité administrative compétente et qu'il ne résulte pas des pièces de la procédure que cette convention ait été versée aux débats ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que les engagements pris par l'employeur de sauvegarder des emplois en application d'un plan social devaient être exécutés de bonne foi ;
qu'ayant constaté que l'employeur n'avait pas sérieusement donné suite à la proposition de salariés volontaires pour travailler à temps partiel qui aurait permis l'application de l'une des mesures prévus dans le plan social afin de limiter les licenciements, elle a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que l'employeur avait commis une faute causant aux salariés licenciés un préjudice résultant de la perte d'une chance de conserver leur emploi ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.