Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 31 Mars 1998
Cassation
N° de pourvoi 97-82.257
Président M. Milleville, conseiller doyen faisant fonction.
Demandeur X et autre
Rapporteur Mme ....
Avocat général M de Gouttes.
Avocat M. ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sur les pourvois formés par E, F, parties civiles, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 3 avril 1997, qui, sur leur plainte avec constitution de partie civile contre X et Y du chef d'homicide involontaire et contre X des chefs de subornation de témoins, complicité de falsification d'attestation et usage d'attestation falsifiée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction disant n'y avoir lieu à informer.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 1°, du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 85, 86, 177, 179 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de refus d'informer du juge d'instruction de Draguignan ;
" aux motifs que saisi de l'intégralité des faits et des mêmes chefs, le juge d'instruction désigné dans la procédure initiale a pu, y compris sur incitations éventuelles de la partie civile, mettre en examen toutes personnes sur lesquelles pesaient les présomptions et renvoyer celles-ci devant les juridictions compétentes pour qu'il soit statué au fond ; les parties civiles ne peuvent dès lors, même en désignant nommément les personnes contre lesquelles elles souhaitent que soit dirigée l'information, obtenir la réouverture d'une information dans la mesure où, implicitement, par son ordonnance de renvoi, le juge précédemment saisi des mêmes faits avait dit n'y avoir de charges contre d'autres personnes que celles visées par cette décision ;
" alors, d'une part, que faute d'identité entre les personnes déjà poursuivies et celles susceptibles de l'être, l'autorité de la chose jugée qui s'attache à une précédente décision ne saurait faire obstacle à la mise en mouvement de l'action publique par une constitution de partie civile régulièrement formée ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que X, maire de Z, n'avait précédemment fait l'objet d'aucune condamnation ni d'aucune poursuite à raison des faits énoncés par les époux ... ; qu'en refusant cependant d'instruire sur la plainte dirigée contre lui, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que faute d'identité entre les faits pour lesquels une même personne avait antérieurement fait l'objet de poursuites, et ceux dénoncés par une nouvelle plainte avec constitution de partie civile, l'autorité de la chose jugée qui s'attache à une précédente décision ne saurait faire obstacle à la mise en mouvement de l'action publique par une constitution de partie civile régulièrement formée ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que Y, secrétaire général de la mairie de Z, avait précédemment fait l'objet de poursuites des chefs de falsification d'attestation et de certificat originairement sincère et d'usage, de subornation de témoin et de complicité de destruction de pièces ; que les faits qui lui sont reprochés par la nouvelle plainte avec constitution de partie civile sont des faits d'homicide involontaire nécessairement distincts de ceux qui avaient donné lieu aux précédentes poursuites ; qu'en refusant cependant d'instruire sur la plainte dirigée contre Y, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" et alors, enfin, que la décision par laquelle le juge d'instruction déclare qu'il n'y a lieu à suivre contre une personne dénommée doit résulter d'une ordonnance spécialement et expressément motivée sans pouvoir implicitement résulter d'une ordonnance de renvoi visant certaines autres personnes seulement ; qu'en décidant cependant qu'implicitement par son ordonnance de renvoi, le juge précédemment saisi des mêmes faits avait dit n'y avoir de charge contre d'autres personnes que celles visées par cette décision, la cour d'appel a, à nouveau, violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction n'a pas autorité de chose jugée à l'égard d'une personne qui n'a été ni mise en examen lors de l'information, ni nommément désignée dans une plainte avec constitution de partie civile ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite du décès accidentel du jeune A, une information a été ouverte, à l'issue de laquelle le juge d'instruction a renvoyé respectivement devant le tribunal pour enfants et devant le tribunal correctionnel B et C du chef d'homicide involontaire, Y du chef de falsification d'attestation ou de certificat, complicité de destruction d'un document public et subornation de témoins, et a prononcé un non-lieu à l'égard de D du chef de destruction de pièces ; que les personnes renvoyées devant la juridiction pénale ont été déclarées coupables et condamnées par décisions devenues définitives, prononcées le 18 octobre 1995 et le 7 novembre 1996 ;
Attendu que, le 13 août 1996, les époux ... ont déposé plainte avec constitution de partie civile, d'une part, contre X des chefs d'homicide involontaire, subornation de témoins, complicité de falsification d'une attestation et usage, et, d'autre part, contre Y du chef d'homicide involontaire ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de refus d'informer, la chambre d'accusation énonce que le juge d'instruction désigné dans la procédure initiale était saisi des mêmes faits et avait, dans son ordonnance de renvoi, implicitement dit n'y avoir lieu à suivre contre tous autres ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que X était resté étranger à la procédure antérieure et que Y n'avait pas été poursuivi pour homicide involontaire, les juges ont méconnu le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 3 avril 1997 et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nîmes.