TA Lyon, du 16-02-2024, n° 2206526
A64722NZ
Référence
Par une requête enregistrée le 26 août 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 23 février 2023, Mme B A demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 28 juin 2022 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse a rejeté sa demande tendant à ce que son compte d'heures soit remis à zéro au 1er janvier 2022 ;
2°) d'enjoindre au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse de régulariser sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision ne fait pas mention des voies et délais de recours, en méconnaissance des dispositions des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative🏛🏛 ;
- aucune disposition, notamment du décret du 4 janvier 2002🏛, n'oblige un agent à récupérer sur l'année suivante les heures non effectuées au titre d'une année.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 décembre 2022, le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, représenté par la Selarl Chanon Leleu associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en intervention enregistré le 1er mars 2023, le syndicat départemental CFDT Santé-Sociaux de l'Ain conclut aux mêmes fins que la requête, et à ce que le centre hospitalier lui verse une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie d'un intérêt à intervenir volontairement ;
- aucune disposition, notamment du décret du 4 janvier 2002, n'oblige un agent à récupérer sur l'année suivante les heures non prises au titre d'une année.
La clôture de l'instruction a été fixée au 1er décembre 2023, par une ordonnance en date du 6 novembre 2023.
Vu la décision attaquée et les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 relatif aux congés annuels des agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n°2002-9 du 4 janvier 2002🏛 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse,
- les conclusions de M. Habchi, rapporteur public,
- et les observations de Luzineau, pour le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse.
1. Mme A, aide-soignante au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, a été informée qu'elle était redevable, au titre de l'année 2021, de 13 heures et 16 minutes non travaillées, et invitée à rattraper les heures non effectuées sans être rémunérée au titre d'heures supplémentaires. Par courrier du 21 avril 2022, elle a demandé que son décompte d'heures soit remis à zéro au 1er janvier 2022. Elle demande au tribunal d'annuler la décision du 28 juin 2022 par laquelle a été opposé un refus à sa demande.
Sur l'intervention du syndicat départemental CFDT Santé-Sociaux de l'Ain :
2. Le syndicat départemental CFDT Santé-Sociaux de l'Ain a intérêt à l'annulation de la décision du 28 juin 2022 en litige. Ainsi, son intervention est recevable.
Sur la légalité de la décision du 28 juin 2022 :
3. Aux termes de l'article 1er du décret du 4 janvier 2002🏛 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La durée du travail est fixée à 35 heures par semaine dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986🏛 susvisée. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. () ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " L'organisation du travail doit respecter les garanties ci-après définies./ La durée hebdomadaire de travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder 48 heures au cours d'une période de 7 jours./ Les agents bénéficient d'un repos quotidien de 12 heures consécutives minimum et d'un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum./ () Le nombre de jours de repos est fixé à 4 jours pour 2 semaines, deux d'entre eux, au moins, devant être consécutifs, dont un dimanche. " Aux termes de l'article 8 du même décret, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'aménagement et la répartition des horaires de travail sont fixés par le chef d'établissement, après avis du comité technique d'établissement ou du comité technique et compte tenu de la nécessité d'assurer la continuité des soins ou de la prise en charge des usagers, les dimanches, les jours fériés et la nuit. " et aux termes de l'article 9 : " Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail définis par service ou par fonctions et arrêtés par le chef d'établissement ()./ Le cycle de travail est une période de référence dont la durée se répète à l'identique d'un cycle à l'autre et ne peut être inférieure à la semaine ni supérieure à douze semaines ; le nombre d'heures de travail effectué au cours des semaines composant le cycle peut être irrégulier./ Il ne peut être accompli par un agent plus de 44 heures par semaine./ Les heures supplémentaires et repos compensateurs sont décomptés sur la durée totale du cycle. Les repos compensateurs doivent être pris dans le cadre du cycle de travail ". L'article 9-1 de ce décret prévoit : " Par dérogation à l'article 9, le temps de travail peut être annualisé pour s'ajuster aux variations de l'activité tout au long de l'année civile./ Cette annualisation s'effectue dans le respect d'une durée hebdomadaire de travail en moyenne comprise entre 32 heures et 40 heures sur la période considérée./ Cette annualisation est décidée par le chef d'établissement, après accord conclu dans les conditions fixées aux articles 8 bis à 8 nonies de la loi du 13 juillet 1983🏛 susvisée. " L'article 10 de ce décret dispose que : " Les agents bénéficient d'heures ou de jours supplémentaires de repos au titre de la réduction du temps de travail qui doivent ramener leur durée de travail moyenne à 35 heures hebdomadaires. Ces jours et ces heures peuvent être pris, le cas échéant, en dehors du cycle de travail, dans la limite de 20 jours ouvrés par an ". Aux termes de l'article 13 de ce décret : " Dans chaque établissement, un tableau de service élaboré par le personnel d'encadrement et arrêté par le chef d'établissement précise les horaires de chaque agent pour chaque mois () ". L'article 14 du même décret dispose enfin que : " Tout agent soumis à un décompte horaire qui ne peut effectuer l'intégralité de son temps de travail quotidien en raison d'une absence autorisée ou justifiée est considéré avoir accompli le cinquième de ses obligations hebdomadaires de service prévues en moyenne sur la durée du cycle de travail. / L'agent en formation au titre du plan de formation et qui, de ce fait, ne peut être présent à son poste de travail accomplit un temps de travail effectif décompté pour la durée réellement effectuée ".
4. Il ressort des dispositions précitées, qu'en dehors des agents soumis à des horaires variables et sauf le cas où l'établissement a mis en œuvre un régime d'annualisation du temps de travail, comme le permettent désormais les dispositions du décret susvisé, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er décembre 2021, l'agent doit accomplir ses obligations de travail dans le cadre de cycles de travail, périodes de référence d'une à douze semaines au sein desquelles sont décomptées les heures supplémentaires et déterminés les repos compensateurs. Le chef d'établissement, qui arrête les horaires de travail s'imposant aux agents dans un tableau de service, ne peut, lorsqu'il fixe des horaires ne leur permettant pas de remplir leurs obligations horaires dans le cycle de travail, leur imposer de récupérer les heures ainsi perdues lors du cycle suivant, sauf circonstances exceptionnelles.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A, qui n'est pas soumise à horaires variables et travaille dans un établissement n'ayant pas mis en œuvre d'annualisation de temps de travail, n'a pas effectué 1 607 heures de travail au cours de l'année 2021. L'intéressée fait valoir qu'elle s'est conformée aux horaires qui lui ont été fixés, ce que ne conteste pas le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, qui précise que l'intéressée a travaillé moins que la durée légale de travail au cours des deux derniers mois de l'année en raison de contraintes d'organisation liées au respect de restrictions médicales. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, le centre hospitalier ne pouvait légalement procéder au report automatique de ces " heures négatives " au cours des cycles suivants, et en l'espèce sur l'année 2022, circonstance qui a nécessairement pour conséquence de contraindre la requérante, pour récupérer ces heures, à effectuer des heures supplémentaires non décomptées comme telles ou à renoncer à des jours de congés.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision du 28 juin 2022 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse a rejeté sa demande tendant à ce que son compte d'heures soit remis à zéro au 1er janvier 2022.
Sur l'injonction :
7. Le présent jugement implique nécessairement que le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse régularise la situation de Mme A, en supprimant son compte d'heures négatif au 1er janvier 2022 et en régularisant sa situation pour la suite, le cas échéant, sous forme de rémunération d'heures supplémentaires. Il y a lieu d'impartir au centre hospitalier un délai de quinze jours pour procéder à cette régularisation, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
8. Mme A, qui a présenté sa requête sans avocat, n'établit pas avoir exposé de frais à l'occasion de ce litige. Par suite, il y a lieu de rejeter la demande qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que présente sur leur fondement le centre hospitalier de Bourg-en-Bresse, partie perdante. Enfin, le syndicat départemental CFDT Santé-Sociaux de l'Ain n'étant pas partie à l'instance, mais seulement intervenant, ses conclusions sur le même fondement ne peuvent qu'être rejetées.
Article 1er : L'intervention du syndicat départemental CFDT Santé-Sociaux de l'Ain est admise.
Article 2 : La décision du 28 juin 2022 de la directrice du centre hospitalier de Bourg-en-Bresse rejetant la demande de Mme A tendant à ce que son compte d'heures soit remis à zéro au 1er janvier 2022 est annulée.
Article 3 : Il est fait injonction au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse de procéder à la régularisation du compte d'heures de Mme A dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.
Article 4 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus, de même que les conclusions présentées par le syndicat départemental CFDT Santé-Sociaux de l'Ain au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A, au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse et au syndicat départemental CFDT Santé-Sociaux de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 2 février 2024, à laquelle siégeaient :
M. Besse, président,
Mme Allais, première conseillère,
Mme de Lacoste Lareymondie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2024.
Le président-rapporteur,
T. Besse
L'assesseure la plus ancienne,
A. Allais
La greffière,
C. Réveillé
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Un greffier,
Article, R421-5, CJA Article, R421-1, CJA Article, 9-1, décret, 04-01-2002 Délai à compter de la notification du jugement Service hospitalier Syndicat départemental Intérêt à intervenir Congé annuel Dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière Intervention recevable Temps de travail Travail hebdomadaire Jour de repos Chef d'établissement Prise en charge Tableaux de service Poste de travail Circonstance exceptionnelle Durée légale Jour de congé Heures supplémentaires