Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 17 Février 1998
Cassation.
N° de pourvoi 96-12.763
Président M. Lemontey .
Demandeur Epoux Bignon
Défendeur société Ucina
Rapporteur Mme ....
Avocat général M. Roehrich.
Avocats la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Le Bret et Laugier.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Donne acte à la société CDR Créances Groupe consortium de réalisation de sa reprise d'instance ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche
Vu l'article 1415 du Code civil ;
Attendu selon ce texte que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ;
Attendu que pour l'acquisition de parts d'une société dite Newport, M. ..., alors conseil juridique, et Mme ..., commerçante, ont constitué une société dénommée Minage 23 ; que la cession des parts, consentie au prix de 1 800 000 francs, a été payée par cette société par un apport personnel de 100 000 francs et au moyen d'un prêt de 1 700 000 francs consenti par la société Arcofinance ; que M. ... a donné son cautionnement solidaire à concurrence de 1 742 330 francs ; que la société Minage 23 ayant cessé ses remboursements, la société Arcofinance s'est retournée contre la caution pour avoir paiement de la somme de 1 838 353,95 francs ; qu'elle a demandé et obtenu du président du tribunal de commerce l'autorisation de prendre une inscription d'hypothèque provisoire sur un immeuble appartenant aux époux ... que ceux-ci ont sollicité la rétractation de l'ordonnance rendue le 31 mars 1993 en faisant valoir que cette inscription a été faite en fraude des droits de la femme, dont l'intervention à l'acte de cautionnement n'a pas été demandée, et qui de ce fait n'a pas donné son accord exprès conformément à l'article 1415 du Code civil ;
Attendu que pour débouter les époux ... de leur demande de rétractation, l'arrêt attaqué énonce que M. ..., en se faisant passer pour célibataire majeur, avait dissimulé sa situation maritale dans le but de faire échapper le patrimoine commun aux éventuelles poursuites des créanciers, et que de ce fait le consentement exprès de l'épouse n'avait pu être exigé et recueilli par la société Arcofinance ; qu'il retient que Mme ... avait une parfaite connaissance des opérations effectuées par son mari pour l'acquisition du restaurant exploité par la société Minage 23, qu'elle avait participé à la constitution de cette société, et qu'elle avait admis expressément devant le premier juge que cette société n'avait été constituée que pour satisfaire à la demande de la société Arcofinance en vue de l'octroi du prêt ; qu'il en déduit que Mme ... avait consenti sans ambiguïté à l'engagement contracté par son mari à l'égard de la société prêteuse ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.