CIV. 1
COUR DE CASSATION CF
QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
Audience publique du 9 octobre 2013
RENVOI
M. CHARRUAULT, président
Arrêt no 1226 F-D
Affaire no E 13-40.053
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Vu l'ordonnance rendue le 11 juillet 2013 par la vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité, reçue le 12 juillet 2013, dans l'instance mettant en cause
D'une part,
Mme Jalila Z, divorcéé Sqalli, domiciliée Bir Kacem, Villa Meriem X, Rabat (Maroc),
D'autre part,
le procureur de la République, domicilié Paris,
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 octobre 2013, où étaient présents M. Charruault, président, M. Matet, conseiller rapporteur, Mme Bignon, conseiller doyen, M. Bernard de la Gatinais, premier avocat général, Mme Nguyen, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Matet, conseiller, l'avis de M. Bernard de la Gatinais, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que le ministère public a engagé une action négatoire de nationalité à l'encontre de Mme Z, née le ..... à Marrakech (Maroc), titulaire d'un certificat de nationalité délivré en application de l'article 17 du code de la nationalité, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, comme étant née d'un père, français par décret de naturalisation du 31 juillet 1928, en faisant valoir que celle-ci a perdu la nationalité française en application de l'article 87 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 du fait de l'acquisition volontaire, par elle-même, de la nationalité marocaine le 1er juillet 1959, suivant déclaration souscrite en vertu d'un dahir du 6 septembre 1958, à la suite de son mariage avec un ressortissant marocain ; que Mme Z a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité ;
Attendu que la question transmise par ordonnance du 11 juillet 2013 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris est ainsi rédigée
" L'article 87 de l'ordonnance no 45-2441 du 19 octobre 1945 et l'article 9 de l'ordonnance no 45-2441 du 19 octobre 1945 issu de la loi no 54-395 du 9 avril 1954, en ce qu'ils instituent une distinction, fondée sur le sexe, de perte de la nationalité française, méconnaissent-ils le principe d'égalité prévu à l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 27 août 1789 et le principe issu du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 garantissant à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ? "
Attendu que les dispositions légales contestées, qui sont applicables au litige, n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Et attendu que la question posée présente un caractère sérieux en ce que, par application combinée de ces dispositions, la perte automatique de la nationalité française attachée à l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère par une Française, pourrait être regardée comme portant atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi, dès lors que, dans la même situation, un Français ne perd la nationalité française que s'il en demande l'autorisation au gouvernement français ;
D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil
constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de
constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille treize.