Jurisprudence : Cass. com., 10-02-1998, n° 95-22.052, Rejet.

Cass. com., 10-02-1998, n° 95-22.052, Rejet.

A2489AC8

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale
10 Février 1998
Pourvoi N° 95-22.052
Société Sidergie
contre
M. ....
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 22 septembre 1995), que M. ..., fondateur et président du conseil d'administration de la société Embalec, s'est vu accorder, en témoignage des services rendus à la société, par une assemblée générale extraordinaire du 12 septembre 1970 et par le conseil d'administration, le 17 décembre 1974, une pension viagère à titre de complément de retraite, à compter de la date de son départ en retraite ; que cette pension lui a été payée du 1er janvier 1975 au 1er octobre 1987, une assemblée générale du 30 mars 1984 ayant décidé sa supression ; que M. ... a assigné en paiement la société Sidergie qui a fusionné par voie d'absorption avec la société Embalec le 30 juin 1987 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches
Attendu que la société Sidergie fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à M. ... la somme de 560 000 francs au titre des échéances de la pension de retraite, alors, selon le pourvoi, d'une part, que tout complément de retraite dû à un salarié ne peut être octroyé que si ce complément de retraite résulte d'une convention qui a été agréée par le ministre de tutelle et qui a fait l'objet d'une procédure d'extension ; qu'en l'espèce, le complément de retraite réclamé par M. ... ne résulte pas d'une convention établie à son profit, mais d'une décision de l'assemblée générale qui ne constitue pas un contrat engageant la société ; qu'aucune procédure d'agrément ou d'extension n'a été diligentée ; qu'en accordant néanmoins à M. ... le bénéfice d'un complément de retraite, la cour d'appel a violé l'article 18 de l'ordonnance du 4 octobre 1945, l'article L 731-1 du Code de la sécurité sociale, les articles L 133-1 et L 133-12 du Code du travail et les dispositions de la loi n° 72-1223 du 29 décembre 1972 et alors, d'autre part, que tout complément de retraite ne peut être accordé que si le salarié a cotisé pendant un certain nombre d'années ; qu'en accordant à M. ... le bénéfice d'un complément de retraite sans relever qu'il avait effectivement cotisé, ce qui n'était d'ailleurs pas allégué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 731-1 et L 242-1 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt, que la société Sidergie ait soutenu devant la cour d'appel les prétentions qu'elle fait valoir au soutien de son moyen ; d'où il suit que nouveau et mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches et le troisième moyen, pris en ses trois branches, les moyens étant réunis
Attendu que la société Sidergie fait le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'une société anonyme n'est tenue d'aucune obligation naturelle à l'égard de son ancien président-directeur général qui bénéficie du régime légal de retraite et qui se trouve dans la situation de tout salarié mis à la retraite ; qu'en considérant que la société Sidergie était tenue d'une obligation naturelle d'assistance à l'égard de M. ..., la cour d'appel a violé l'article 101 de la loi du 24 juillet 1966 ;
alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse, l'obligation naturelle se transforme en une obligation civile par la promesse d'exécution que contracte son débiteur ; qu'une décision d'une assemblée générale d'une société ne peut constituer un engagement de promesse, l'assemblée générale n'étant pas l'organe représentant la société et ne pouvant engager cette dernière ; qu'en considérant que l'obligation naturelle dont M. ... aurait été le bénéficiaire avait pu devenir une obligation contractuelle par la décision de l'assemblée générale du 12 décembre 1970, la cour d'appel a violé les articles 101 et 143 de la loi du 24 juillet 1966 ; alors, en outre, que le conseil d'administration n'est pas l'organe représentatif de la société pouvant engager cette dernière ; que l'autorisation qu'il donne pour conclure certains contrats ne vaut pas engagement de la société ; qu'en considérant que l'autorisation donnée par le conseil d'administration valait promesse de sa part à M. ..., la cour d'appel a violé les articles 101 et 143 de la loi du 24 juillet 1966 ; et alors, encore, qu'une décision de l'assemblée générale peut supprimer une décision antérieure prise par cette assemblée, dès lors que cette nouvelle décision n'entraîne pas un manquement de la société à ses obligations ; qu'en l'espèce, dès lors qu'aucun engagement n'avait été pris par elle au profit de M. ..., l'assemblée générale du 30 mars 1984 pouvait revenir sur sa décision du 12 décembre 1970 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 101 et 143 de la loi du 24 juillet 1966 ; alors, de plus, que pour être valable, le complément de retraite consenti à un ancien président doit être octroyé en vertu des services rendus à la société, être proportionné à ces services et ne pas constituer une charge pour la société ; que la charge que constitue ce complément de retraite s'apprécie in concreto au regard des bénéfices sociaux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que le complément de retraite réclamé par M. ... n'avait pas entravé le fonctionnement de la société en se bornant à énoncer que les actions de la société Embalec avaient été achetées par elle pour un montant de 4 millions de francs ; qu'en statuant ainsi, au regard du capital social, indice inopérant, et sans prendre en considération les bénéfices sociaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 101 de la loi du 24 juillet 1966 ; alors, au surplus, que les procédures antérieures visées par la cour d'appel, ne la mettaient nullement en cause, mais la société Embalec et M. ... d'une part, puis la société Embalec et les époux ... d'autre part ; que ces procédures antérieures étaient fondées sur une cause et un objet juridique distincts de ceux en cause dans la présente procédure ;
qu'en lui opposant néanmoins l'autorité de la chose jugée, lors de procédures antérieures, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ; et alors, enfin, que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en l'espèce, le fait qu'elle n'eût pas invoqué, lors de procédures antérieures le moyen relatif à la lourdeur de la charge constituée par le complément de retraite litigieux, ne pouvait valoir renonciation au droit d'invoquer ce moyen lors d'une autre procédure ; que le silence ne constitue pas, en effet, un acte de renonciation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 101 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu que le conseil d'administration d'une société anonyme est seul compétent pour fixer la rémunération du président, en vertu de l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966 ; qu'entre dans les prévisions de ce texte, et non dans celles de l'article 101 de la loi précitée, l'octroi d'un complément de retraite ayant pour contrepartie des services particuliers rendus à la société pendant l'exercice de ses fonctions par le président dès lors que l'avantage accordé est proportionné à ces services et ne constitue pas une charge excessive pour la société ;
Attendu que l'arrêt a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'obligation invoquée à son profit par M. ... était une obligation contractuelle résultant de la délibération du conseil d'administration de la société Embalec du 17 décembre 1974 et qu'il n'était pas du pouvoir d'une assemblée générale postérieure d'annuler cette décision régulièrement prise et que le montant de la rente ne constituait pas, en l'état des documents produits, un engagement excessif, eu égard à la durée des services rendus et au développement et à la prospérité de la société dont témoignait le prix auquel la société Sidergie avait acquis ses actions en 1984 ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, abstraction faite du motif surabondant critiqué par les deux dernières branches du troisième moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que les deuxième et troisième moyens doivent être rejetés en leurs diverses branches ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches et sur le cinquième moyen, les moyens étant réunis (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.

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