CE 9/10 ch.-r., 19-02-2024, n° 471114, mentionné aux tables du recueil Lebon
A31742NU
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2024:471114.20240219
Référence
19-03-05 Les bâtiments « destinés à héberger les animaux », au sens et pour l’application du 3° de l’article L. 331-7 du code de l’urbanisme, s’entendent de ceux hébergeant les animaux de l’exploitation agricole, ainsi que, le cas échéant, ceux pris en pension à titre d’activité complémentaire.
M. A B a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les titres de perception de taxe d'aménagement et de redevance d'archéologie préventive émis à son encontre le 4 décembre 2018, au titre d'un bâtiment hébergeant des chevaux, rue Bellevue à Francilly-Selency. Par un jugement n° 1902482 du
8 juin 2021, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 21DA01696 du 25 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Douai⚖️ a transmis au Conseil d'Etat les conclusions de la requête d'appel formée par
M. B contre ce jugement, relatives à la taxe d'aménagement, et rejeté le surplus des conclusions.
I.- Sous le numéro 471114, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et 9 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 juin 2021 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il statue sur la taxe d'aménagement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
II.- Sous le numéro 472477, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mars et 27 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt du 25 janvier 2023 de la cour administrative d'appel de Douai ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. B ;
1. Les pourvois de M. B présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B a obtenu le 25 octobre 2014 l'autorisation de construire, sur un terrain situé rue Bellevue à Francilly-Selency, une écurie d'une surface de plancher de 156 m² pour loger en boxs individuels les chevaux qu'il prend en pension. Consécutivement, ont été émis à son encontre, le 4 décembre 2018, deux titres de perception en vue du recouvrement de la somme globale de 5 553 euros au titre de la taxe d'aménagement ainsi qu'un titre de perception en vue du recouvrement de la somme de 444 euros au titre de la redevance d'archéologie préventive. Par un jugement du 8 juin 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de payer résultant de ces titres. M. B se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation des titres de perception relatifs à la taxe d'aménagement, et contre l'arrêt du 25 janvier 2023 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce même jugement en tant qu'il a statué sur le titre de perception relatif à la redevance d'archéologie préventive.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 331-6 du code de l'urbanisme🏛 dans sa rédaction applicable au litige : " Les opérations d'aménagement et les opérations de construction, de reconstruction et d'agrandissement des bâtiments, installations ou aménagements de toute nature soumises à un régime d'autorisation en vertu du présent code donnent lieu au paiement d'une taxe d'aménagement, sous réserve des dispositions des articles
L. 331-7 à L. 331-9. () Le fait générateur de la taxe est, selon les cas, la date de délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager () ". Aux termes de l'article L. 331-7 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Sont exonérés de la part communale ou intercommunale de la taxe : () 3° Dans les exploitations et coopératives agricoles, les surfaces de plancher des serres de production, celles des locaux destinés à abriter les récoltes, à héberger les animaux, à ranger et à entretenir le matériel agricole, celles des locaux de production et de stockage des produits à usage agricole, celles des locaux de transformation et de conditionnement des produits provenant de l'exploitation et, dans les centres équestres de loisir, les surfaces des bâtiments affectées aux activités équestres () ". Aux termes de son article L. 331-8 de ce code🏛 dans sa rédaction applicable au litige : " Sont exonérés des parts départementale et régionale les constructions et aménagements mentionnés aux 1° à 3° et 7° à 9° de l'article L. 331-7 () ". D'autre part, aux termes de l'article L. 524-2 du code du patrimoine🏛 : " Il est institué une redevance d'archéologie préventive due par les personnes, y compris membres d'une indivision, projetant d'exécuter des travaux affectant le sous-sol et qui : a) Sont soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l'urbanisme ; () ". Aux termes de l'article L. 524-3 du même code🏛 : " Sont exonérés de la redevance d'archéologie préventive : 1° Lorsqu'elle est perçue sur les travaux mentionnés au a de l'article L. 524-2, les constructions et aménagements mentionnés aux 1° à 3° et 7° à 9° de l'article L. 331-7 du code de l'urbanisme🏛 ; () ".
4. Les bâtiments destinés " à héberger les animaux ", au sens et pour l'application du 3° de l'article L. 331-7 du code de l'urbanisme, s'entendent de ceux hébergeant les animaux de l'exploitation agricole, ainsi que, le cas échéant, ceux pris en pension à titre d'activité complémentaire.
5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en jugeant que l'écurie en litige destinée à accueillir des chevaux pris en pension par le requérant ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de l'exonération de la taxe d'aménagement prévue au 3° de l'article L. 331-7 du code de l'urbanisme au motif que ce bâtiment n'était ni affecté au fonctionnement d'un centre équestre de loisir, ni à une activité d'élevage ou à une activité impliquant la réalisation d'opérations s'insérant dans le cycle biologique de développement des animaux mais avait pour objet d'offrir une prestation de service, sans rechercher si l'activité de prise en pension de chevaux était exercée à titre complémentaire de l'activité agricole, le tribunal administratif d'Amiens a commis une erreur de droit.
6. En second lieu, il résulte également de ce qui a été dit au point 4 qu'en jugeant que l'écurie en litige destinée à accueillir des chevaux pris en pension par le requérant ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de l'exonération de la taxe d'aménagement prévue au 3° de l'article L. 331-7 du code de l'urbanisme, et par là même de l'exonération de la redevance d'archéologie préventive prévue à l'article L. 524-2 du code du patrimoine, au motif que l'activité de prise en pension de chevaux ne pouvait s'analyser comme celle d'un centre équestre de loisir ni comme la réalisation d'une opération s'insérant dans le cycle biologique du développement animal, sans rechercher si cette activité était exercée à titre complémentaire de l'activité agricole, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B est fondé à demander l'annulation du jugement du 8 juin 2021 en tant qu'il a statué sur les titres de perception relatifs à la taxe d'aménagement, et l'article 2 de l'arrêt du 25 janvier 2023 rejetant son appel contre ce même jugement en tant qu'il a statué sur le titre de perception relatif à la redevance d'archéologie préventive.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative🏛.
9. Il résulte de l'instruction que M. B, maraîcher qui exerce également à titre complémentaire une activité de prise en pension de chevaux, a obtenu l'autorisation de construire sur son exploitation agricole un bâtiment destiné à l'hébergement de ces chevaux. Comme il a été dit au point 4, l'écurie en cause doit être regardée comme " hébergeant les animaux " au sens et pour l'application des dispositions du 3° de l'article
L. 331-7 du code de l'urbanisme dès lors que l'activité de prise en pension des chevaux qu'elle est destinée à accueillir est exercée en complément de l'activité agricole. Par suite, cette écurie bénéficie de l'exonération de la taxe d'aménagement, ainsi que, par voie de conséquence, de l'exonération de la redevance d'archéologie préventive en application de l'article L. 524-3 du code du patrimoine.
10. Il résulte de ce qui précède que les titres de perception en litige émis le 4 décembre 2018 relatifs à la taxe d'aménagement doivent être annulés et que M. B est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 8 juin 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception relatif à la redevance d'archéologie préventive.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros à verser à M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'ensemble de la procédure.
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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative de Douai du 25 janvier 2023 et le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 8 juin 2021 sont annulés.
Article 2 : Les titres de perception émis à l'encontre de M. B le
4 décembre 2018 relatifs à la taxe d'aménagement et à la redevance d'archéologie préventive sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à M. B la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A B et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 février 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,
Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Nicolas Polge,
M. Vincent Daumas, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 19 février 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :