ARRÊT N°2024/56
N° RG 22/02515 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O4AH
CB/AR
Décision déférée du 13 Juin 2022 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 20/01404)Aa
[Adresse 4]
[Y] [M]
C/
A. LES INTERIMAIRES PROFESSIONNELS ' LIP
infirmation
Grosse délivrée
le 09 02 2024
à Me Nathalie CLAIR
Me Marion SIMONETLRAR
ccc pole emploi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU NEUF FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
Madame [Aa] [M]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Nathalie CLAIR de la SCP ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A.S.U. LES INTERIMAIRES PROFESSIONNELS ' LIP
venant aux droits de la SARL LIP TERTIAIRE SOLUTION RH
prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège sis [Adresse 1]
Représentée par Me Marion SIMONET de la SELAS EPILOGUE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des
articles 786 et 907 du Code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 22 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BRISSET, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
F. CROISILLE CABROL, conseillère
E.BILLOT, vice-présidente placée
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [M] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée du 7 septembre 1998 par la société BB Alco Intérim Toulouse, aux droits de laquelle se trouve désormais la SAS Les intérimaires professionnels (ci-après LIP), en qualité d'assistante.
Dans le dernier état de la relation contractuelle elle occupait les fonctions de directrice d'agence, statut cadre.
La convention collective applicable est celle du personnel permanent des entreprises de travail temporaire.
La société LIP emploie au moins onze salariés.
À compter du 17 février 2020, Mme [M] a été placée en arrêt de travail.
Par requête du 15 octobre 2020, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse aux fins de résiliation de son contrat de travail et condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes.
Le 3 août 2021, le médecin du travail a déclaré Mme [M] inapte à son poste de travail, renseignant la rubrique l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
À la suite, Mme [M] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 août 2021 par lettre du 5 août 2021 puis licenciée selon lettre du 16 septembre 2021, après une première lettre du 1er septembre 2021 mal adressée.
Mme [M] a saisi à nouveau le conseil de prud'hommes de Toulouse en contestation de son licenciement.
Par jugement du 13 juin 2022, le conseil de prud'hommes a :
Ordonné la jonction des instances 20/01404 et 20/01564 et dit qu'elle porteront désormais le numéro unique 20/1404,
Jugé que le licenciement de Mme [Aa] [M] est fondé sur le motif d'inaptitude,
Condamné la SARL Lip tertiaire à payer à Mme [Aa] [M] :
- 879,79 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2017, outre 87,97 euros de congés payés afférents,
- 4 122,43 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2018, outre 412,24 euros de congés payés afférents,
- 4 965,54 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2019, outre 496,55 euros de congés payés afférents,
- 930,06 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2020, outre 93,01 euros de congés payés afférents,
- 1 500 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
Ordonné l'exécution provisoire de droit,
Débouté
Mme [Aa] [M] du surplus de ses demandes,
Débouté les parties du surplus.
Mme [M] a relevé appel de la décision le 5 juillet 2022, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement.
Dans ses dernières écritures en date du 12 octobre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [M] demande à la cour de :
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- Débouté Madame [Aa] [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement de la société à son obligation de sécurité ; - Débouté Madame [Aa] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture ;
- Jugé que le licenciement de Madame [Aa] [M] est fondé sur le motif d'inaptitude ;
- En conséquence :
- Débouté Madame [Aa] [M] de sa demande principale de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date du 16 septembre 2021 et aux torts exclusifs de l'employeur ;
- Débouté Madame [Aa] [M] de sa demande subsidiaire de juger que son licenciement notifié le 16 septembre 2021 est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l'inaptitude ayant pour origine le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, et en raison de la violation de l'obligation de reclassement ;
- Rejeté la demande de Madame [M] de condamner la société LIP Tertiaire solutions RH à lui régler les sommes suivantes :
- 64 596,10 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 205,86 euros à titre de reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 11 249,03 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 124,90 euros de congés payés afférents ;
Et statuant à nouveau :
Sur l'exécution du contrat de travail :
- Juger que la société LIP Tertiaire solutions RH a manqué à son obligation de sécurité ;
- En conséquence, condamner la société Les intérimaires professionnelsLIP venant aux droits de la société LIP Tertiaire solutions RH à payer à Madame [M] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité
- Condamner la société Les intérimaires professionnels LIP venant aux droits de la société LIP Tertiaire solutions RH à payer à Madame [M] la somme de 22 498,14 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
- Condamner la société Les intérimaires professionnels LIP venant aux droits de la Société LIP Tertiaire solutions RH à payer à Madame [M] la somme de 6 666,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés relative à la période de maladie.
Sur la rupture du contrat de travail :
A titre principal :
- Constater que la société LIP Tertiaire solutions RH a manqué à ses obligations contractuelles ;
- En conséquence, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [M] à la date du 16 septembre 2021 et aux torts exclusifs de l'employeur,
- En conséquence, condamner la société Les intérimaires professionnels LIP venant aux droits de la société LIP Tertiaire solutions RH à régler à Madame [M] les sommes suivantes :
- 64 596,10 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 205,86 euros à titre de reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 11 249,03 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 124,90 euros de congés payés afférents ;
A titre subsidiaire :
- Vu le manquement de la société LIP Tertiaire solutions RH a son obligation de sécurité est à l'origine de l'inaptitude de Madame [M] ;
- Vu la violation de l'obligation de reclassement ;
- Juger que le licenciement de Madame [M] notifié le 16 septembre 2021 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- En conséquence, condamner la société Les intérimaires professionnels LIP venant aux droits de la société LIP Tertiaire solutions RH à régler à Madame [M] les sommes suivantes :
- 64 596,10 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 205,86 euros à titre de reliquat d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 11 249,03 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 124,90 euros de congés payés afférents ;
En tout état de cause :
- Condamner la société Les intérimaires professionnels LIP venant aux droits de la société LIP Tertiaire solutions RH à régler à Madame [M] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture ;
Le confirmer pour le surplus ;
Et, y ajoutant :
- Condamner la société Les intérimaires professionnels LIP venant aux droits de la société LIP Tertiaire solutions RH à régler à Madame [M] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en disant qu'ils seront recouvrés par maître Nathalie Clair en application de l'
article 699 du code de procédure civile🏛 ;
- Ordonner la production des documents de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés conformément à la décision à venir, sous astreinte journalière de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 jours à compter du prononcé de la décision à intervenir ;
- Dire et juger que chacune des sommes allouées à la salariée produira des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes ;
- Faire application de l'anatocisme ;
- Condamner l'employeur au remboursement des émoluments et recouvrements résultant des dispositions de l'
article A 444-32 du code de commerce🏛, que la requérante serait amenée à régler dans l'hypothèse d'un recours à l'exécution forcée de la décision à intervenir.
Elle invoque un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ayant abouti à une dégradation de son état de santé ainsi que des heures supplémentaires non rémunérées dans les conditions d'un travail dissimulé. Elle considère que ces éléments justifient la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur et subsidiairement un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle estime que sa demande au titre des congés payés pendant le congé maladie est recevable et s'explique sur son quantum.
Dans ses dernières écritures en date du 10 octobre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la société LIP demande à la cour de :
Infirmer le jugement rendu le 21 juin 2022 par le conseil de prud'hommes de Toulouse en ce qu'il a :
Condamné la société LIP à verser à Madame [M] :
Rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2017 .................879,79 euros
Congés payés y afférents ..........................................................87,97 euros
Rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2018................4122,23 euros
Congés payés y afférents............................................................412,24 euros
Rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2019...............4 965,54 euros
Congés payés y afférents ...........................................................496,55 euros
Rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2020 ................930,06 euros
Congés payés y afférents..............................................................93,01 euros
Au titre de l'article 700 du code de procédure civile.................1 500,00 euros
Débouté la société LIP de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Statuant à nouveau,
Juger irrecevables les demandes nouvelles formulées au titre des congés payés et à tout le moins les déclarer mal fondées,
Débouter Madame [M] de l'intégralité de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
Condamner Madame [M] à verser à la société LIP la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Pour le surplus,
Confirmer le jugement rendu le 21 juin 2022 par le conseil de prud'hommes de Toulouse,
Condamner Madame [M] à verser à la société LIP la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Elle conteste tout manquement à son obligation de sécurité et soutient qu'il n'existe ni heures supplémentaires non rémunérées, ni travail dissimulé. Subsidiairement, elle s'explique sur les montants. Elle estime que la demande au titre des congés payés n'est pas recevable et subsidiairement n'est pas justifiée. Elle soutient que le licenciement était justifié.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 5 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1° Les demandes liées à l'exécution du contrat de travail,
Sur le manquement à l'obligation de sécurité,
Il résulte des dispositions des
articles L. 4121-1 et suivants du code du travail🏛 que l'employeur est tenu vis-à-vis de ses salariés d'une obligation de sécurité. Il s'agit d'une obligation de moyens renforcée.
En l'espèce, la salariée invoque une manquement à cette obligation et se prévaut, en synthèse, d'une dégradation de ses conditions de travail suite à de multiples changements dans la direction avec une insuffisance de moyens humains, une multiplication de ses tâches y compris pendant des arrêts de maladie et plus généralement une surcharge ayant entraîné la dégradation de son état de santé. Elle invoque également un manque de considération, la société ayant notamment mis en place son éviction alors que le contrat était en cours.
L'employeur conteste tout manquement à son obligation de sécurité alors que la salariée n'a formulé aucune doléance avant le mois de janvier 2020.
Des éléments produits, il résulte certes qu'un certain nombre d'assertions de la salariée ne sont pas étayées par des pièces. Mais il n'en demeure pas moins que lors de son entretien professionnel du 13 janvier 2020, la salariée faisait état de véritables problèmes. Elle indique ainsi que l'année passée avait été difficile moralement et physiquement....je souhaite ne plus revivre ces situations pour préserver ma santé et la continuité du développement de notre agence, j'ai été épuisée par les changements de direction, de management et de stratégie, départ de l'équipe.
Il s'agissait bien d'une alerte particulièrement circonstanciée. L'employeur fait certes valoir qu'il convient d'analyser globalement l'entretien et que la salariée y notait également des éléments positifs. Cela est exact mais ne saurait toutefois exonérer l'employeur de ses obligations alors que la salariée faisait expressément état de son épuisement. Cela est d'autant plus le cas qu'ainsi que le fait observer l'employeur le manager indiquait que les nouveaux objectifs passaient par une redéfinition des tâches. Mais celle-ci était particulièrement limitée puisqu'il était uniquement fait état de la nécessité pour la salariée de se centrer sur la prospection commerciale et le pilotage de l'agence.
Or la cour constate qu'alors que la salariée invoque la réduction des moyens en personnel qui lui étaient alloués, le compte rendu d'entretien confirme cette situation. En effet, l'employeur pour la contester se contente d'affirmer que la salariée ne s'est jamais retrouvée seule à l'agence. Mais il n'en demeure pas moins que lors de l'entretien son responsable mentionne le départ pendant l'année de son chargé d'affaires et de son contrat de professionnalisation et l'embauche uniquement d'une assistante, ce qui constitue bien une réduction des moyens humains à sa disposition.
Il est exact que le fait que deux entreprises utilisatrices aient pu contacter la salariée pendant son arrêt de travail ne saurait justifier que des mesures n'avaient pas été prises pour pallier à son absence. Cependant, il n'en demeure pas moins que l'employeur, soumis à une obligation de moyens renforcés au titre de l'obligation de sécurité, ne justifie d'aucune mesure concrète et utile face à ce qui constituait bien une alerte. Ceci pose d'autant plus difficulté que dès le 1er juillet 2020, l'employeur diffusait une offre d'emploi en contrat à durée indéterminée portant sur le poste de Mme [M] alors que son contrat de travail était en cours et seulement suspendu par la maladie. L'employeur soutient qu'il s'agirait simplement d'une erreur et qu'une offre en contrat à durée déterminée aurait été immédiatement publiée mais sans produire d'élément ou viser une pièce à ce titre.
La salariée justifie d'une dégradation de son état de santé corrélative à sa situation professionnelle alors que le médecin du travail a bien fait état le 27 juillet 2020 de ce qu'il qualifiait d'épuisement professionnel.
L'ensemble de ces éléments caractérise bien un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité alors que de manière certes périphérique mais cependant significative l'employeur demandait à la salariée de restituer les clés de l'agence et le badge du parking alors que le contrat était encore en cours, le fait qu'elle ait pu saisir la juridiction aux fins de résiliation étant insuffisant. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Au titre des conséquences, il convient de tenir compte des éléments produits quant à la dégradation de l'état de santé de la salariée étant observé que le médecin du travail a bien fait mention d'un épuisement professionnel en juillet 2020 et que le médecin expert désigné par la compagnie d'assurance constatait lui un véritable état dépressif de la salariée. Si la demande indemnitaire est certes excessive, il n'en demeure pas moins que le fait que la salariée ait pu participer à des activités associatives ou de politique locale ne saurait remettre en cause la réalité du préjudice. Il sera indemnisé par une somme de 5 000 euros.
Sur les heures supplémentaires,
Il résulte des dispositions de l'
article L. 3171-4 du code du travail🏛 qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Ainsi, si la charge de la preuve est partagée en cette matière, il appartient néanmoins au salarié de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L'employeur ne saurait renvoyer la salariée à la notion désormais obsolète d'éléments devant étayer la demande. La cour constate que la salariée produit des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre dans un débat contradictoire puisqu'elle verse aux débats un décompte, semaine par semaine basé sur un temps de travail effectif de 40 heures, décompte tenant compte par ailleurs des jours fériés et absences.
L'employeur n'apporte aucun élément pertinent venant remettre en cause un travail de 40 heures hebdomadaires, correspondant au demeurant aux heures d'ouverture de l'agence rappelées expressément dans son contrat de travail. Les incohérences que l'employeur croit relever dans le décompte présenté sont explicitées par l'appelante. Il convient donc de retenir les heures de travail telles qu'invoquées par la salariée.
En revanche, il existe une difficulté sur le quantum des heures à rémunérer tel qu'il est revendiqué par la salariée et tel qu'il a été admis par le conseil. En effet, le contrat de travail produit par Mme [M] fait expressément état de jours RTT venant compenser des heures supplémentaires. Ses bulletins de paie font ressortir un décompte des jours RTT et une prise effective de ces jours. Son argumentation y fait référence mais sans qu'elle intègre ces jours dans son décompte de réclamation.
Dès lors, par infirmation du jugement sur les rappels de salaire, il convient de retenir pour l'ensemble de la période la somme de 2 956,07 euros outre 295,60 euros au titre des congés payés afférents.
Sur le travail dissimulé,
Mme [M] sollicite l'indemnité de l'
article L. 8223-1 du code du travail🏛. Celle-ci suppose une dissimulation intentionnelle d'emploi salarié. Or, les heures supplémentaires telles que retenues par la cour ne peuvent à elles seules, au regard d'un volume qui demeurait limité et d'un décompte de jours RTT peut être imparfait mais existant, justifier d'une dissimulation intentionnelle. Il n'est pas davantage établi que l'employeur ait fait travailler la salariée pendant son arrêt de maladie, la sollicitation par deux clients ne pouvant justifier d'une action de l'employeur en ce sens. Il n'y a pas lieu à indemnité pour travail dissimulé. Cette demande sur laquelle le conseil n'a pas statué sera rejetée.
Sur les congés payés pendant la période de maladie,
Devant la cour, Mme [M] sollicite la somme de 6 666,70 euros au titre des congés payés dont elle n'a pu bénéficier pendant son arrêt de maladie.
À titre principal, l'employeur oppose une fin de non-recevoir en rappelant que la demande n'a été présentée, ni dans la requête initiale, ni dans les premières conclusions d'appel.
Il est exact qu'il n'existe plus de principe d'unicité d'instance en droit social de sorte que devant les premiers juges les demandes additionnelles doivent, par application des l'
article 70 du code de procédure civile🏛, présenter un lien suffisant avec les demandes initiales et que devant la cour les demandes nouvelles sont en principe irrecevables par application de l'
article 564 du code de procédure civile🏛 alors en outre que toutes les prétentions doivent être présentées dès les premières écritures par application de l'
article 910-4 du code de procédure civile🏛.
Toutefois, il existe des exceptions à ces principes. En premier lieu la cour constate que le débat a toujours porté sur les modalités d'exécution du contrat et la dégradation corrélative de l'état de santé de la salariée de sorte que la demande présentait un lien suffisant avec les demandes initiales. Quant à la fin de non-recevoir découlant de la procédure d'appel, il doit être constaté que les prétentions peuvent être ajoutées dès lors qu'elles découlent de la survenance ou de la révélation d'un fait. Ce fait peut être juridique. Or, il convient de tenir compte de la modification du régime applicable découlant de la non conformité des dispositions de l'
article L.3141-3 du code du travail🏛 au droit de l'Union européenne et plus particulièrement de l'arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2023. La demande est ainsi recevable.
Si l'employeur conclut également à son mal fondé, il ne développe aucun moyen de fond pour contester la demande de la salariée laquelle est présentée conformément à la règle du 10ème. Dès lors, la demande d'une indemnité de 6 666,70 euros est bien fondée et l'intimée sera condamnée au paiement de cette somme.
Sur la rupture du contrat de travail,
Celle-ci est désormais acquise au regard du licenciement prononcé selon lettre du 16 septembre 2021. Il convient d'en fixer le régime et en premier lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire du contrat dont la juridiction était originellement saisie.
Ce mode de rupture suppose la démonstration de manquements graves de l'employeur à ses obligations ne permettant pas la poursuite du contrat de travail. La charge de la preuve repose sur le salarié.
En l'espèce, la cour a retenu ci-dessus un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur et la dégradation corrélative de l'état de santé de la salariée. Un tel manquement était bien suffisamment grave pour ne pas permettre la poursuite du contrat de travail étant rappelé que dès le mois de juillet 2020 et sans qu'il soit justifié d'une simple erreur, l'employeur publiait une offre d'emploi correspondant au poste de la salariée. Cela est d'autant plus le cas que pendant le cours de l'instance il était réclamé à la salariée la restitution des clés de l'agence et que l'employeur conclut expressément que la demande de résiliation judiciaire matérialisait le fait que la salariée ne reprendrait pas son poste.
Il y a donc lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat au jour du licenciement et de dire qu'elle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé. Le débat sur le licenciement lui-même devient sans objet.
Au titre des conséquences, Mme [M] peut prétendre à l'indemnité de préavis, dont le montant n'est pas spécialement discuté, pour 11 249,03 euros outre 1 124,90 euros au titre des congés payés afférents.
Il n'y a pas lieu à rappel d'indemnité de licenciement. En effet l'employeur a versé une somme de 21 922,09 euros puis un solde de 1 831,72 euros. Son calcul est exactement présenté alors que la salariée prend une référence erronée comme base de calcul.
Mme [M] peut enfin prétendre à des dommages et intérêts. Ceux-ci seront fixés en considération d'un salaire de 3 767,12 euros, d'une ancienneté de 23 années complètes, de l'âge de la salariée lors de la rupture, de sa qualité de travailleur handicapé, du fait qu'elle a certes retrouvé un emploi rapidement mais en contrat à durée déterminée et pour une rémunération moindre ainsi que des dispositions de l'
article L. 1235-3 du code du travail🏛. Le montant des dommages et intérêts sera fixé à 50 000 euros.
Il sera fait application des dispositions de l'
article L. 1235-4 du code du travail🏛 dans la limite de six mois.
Sur les circonstances entourant la rupture,
Mme [M] sollicite la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en considération de circonstances vexatoires entourant la rupture.
Il apparaît qu'elle a été destinataire d'une lettre de mise en demeure visant la restitution de son véhicule alors que le contrat de travail n'était pas encore rompu. L'employeur fait valoir qu'il s'agit d'une simple erreur involontaire d'adressage. Il n'en demeure pas moins qu'il n'existe aucune explication au fait d'avoir adressé le premier courrier de rupture à une adresse située en [Localité 3] alors que conformément aux documents contractuels, la convocation à l'entretien préalable était exactement adressée. Surtout, la mise en demeure faisait expressément référence à la rupture et aux termes de la lettre de licenciement sans aucune vérification de ce que la salariée avait pu en être effectivement destinataire. Les termes en étaient particulièrement comminatoires. Si ensuite les débats entre les parties quant à l'état du véhicule pouvaient correspondre à une discussion normale, il n'en demeure pas moins que les documents de fin de contrat n'ont été adressés qu'avec retard et sur demande expresse du conseil de la salariée. Ceci constitue bien des circonstances vexatoires entourant la rupture et qui ont causé à la salariée un préjudice de nature certes immatérielle mais néanmoins réel. L'employeur sera condamné au paiement d'une somme de 2 000 euros à ce titre par infirmation du jugement.
Sur la demande reconventionnelle de la société Lip,
Il est sollicité la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts à l'encontre de la salariée pour exécution déloyale du contrat. Si les parties sollicitent chacune pour leur part l'infirmation ou la confirmation du jugement, il apparaît qu'il n'a en réalité pas été statué de ce chef, aucun motif ne se référant sur ce point à la mention déboute les parties du surplus. Il convient donc de statuer par ajout du jugement.
Il est constant que la salariée, lors de la rupture, a été libérée de son obligation de non concurrence. La demande porte sur une période antérieure à la rupture et sur l'obligation de loyauté pendant le contrat de travail. Toutefois, les pièces visées par l'employeur ne sont pas susceptibles de justifier de l'exécution déloyale invoquée sous la forme d'un concours apporté à un concurrent. En effet, le mail de M. [X] (pièce 7/1) n'est pas accompagné de justificatifs (contrats de mission ou autres) alors qu'il se conclut de façon dubitative par [Aa] travaille très probablement en sous marin. Le mail de M. [E] (pièce 7/2) fait ressortir que c'est son auteur qui a suggéré à son interlocuteur le nom de Mme [M], ce qui ne saurait être démonstratif d'une attitude déloyale de sa part sauf à être accompagné d'éléments extrinsèques. Quant au fait que Mme [M] soit, sur un réseau social professionnel, contact d'une salariée d'une autre entreprise de travail temporaire (pièce 7/3), il s'agit d'une pratique à tout le moins habituelle dont on ne saurait tirer de conséquences particulières. La demande indemnitaire sera rejetée.
Sur les demandes accessoires,
Il y aura lieu à remise des documents sociaux rectifiés dans les termes du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire à ce stade d'ordonner une astreinte.
Les sommes porteront intérêt au taux légal :
- à compter du 12 novembre 2020, date de la convocation en bureau de conciliation et d'orientation, pour les rappels d'heures supplémentaires,
- à compter du 9 novembre 2021, date de la convocation en bureau de conciliation et d'orientation de la seconde saisine, pour l'indemnité de préavis cette somme ne pouvant être due et donc produire des intérêts avant la date de rupture,
- à compter du 4 octobre 2023, date de la demande en justice, pour la demande au titre des congés pendant la période de maladie,
- à compter du présent arrêt pour les sommes en nature de dommages et intérêts.
Il sera ordonné la capitalisation des intérêts, par année entière, à compter du cours de ceux-ci.
Partie perdante, la société Lip sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, sans qu'il y ait lieu à application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile y compris pour ceux d'appel, la représentation étant certes obligatoire mais non par avocat. Il n'y a pas davantage lieu à mention particulière au titre de l'exécution laquelle relève des dispositions du code des procédures civiles d'exécution sous le contrôle du juge de l'exécution.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable la demande au titre des congés payés,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 5 juillet 2022,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [M] aux torts de l'employeur à effet au jour du licenciement,
Dit qu'elle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS Les intérimaires professionnels à payer à Mme [M] les sommes de :
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 2 956,07 euros à titre de rappels de salaire pour heures supplémentaires,
- 295,60 euros au titre des congés payés afférents,
- 6 666,70 euros à titre d'indemnité de congés payés pendant la période d'arrêt de travail,
- 11 249,03 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 1 124,90 euros au titre des congés payés afférents,
- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires entourant la rupture,
- 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la remise par l'employeur des documents sociaux rectifiés dans les termes du présent arrêt,
Rejette la demande d'astreinte,
Ordonne le remboursement par l'employeur des indemnités chômage perçues par la salariée dans la limite de six mois,
Dit que les sommes porteront intérêts au taux légal :
- à compter du 12 novembre 2020 pour les rappels d'heures supplémentaires,
- à compter du 9 novembre 2021 pour l'indemnité de préavis et des congés payés afférents,
- à compter du 4 octobre 2023 pour la demande au titre des congés pendant la période de maladie,
- à compter du présent arrêt pour les sommes en nature de dommages et intérêts,
Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière à compter du cours de ceux-ci,
Déboute la SAS Les intérimaires professionnels de sa demande de dommages et intérêts,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la SAS Les intérimaires professionnels aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.
La greffière La présidente
A. Raveane C. Ab
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