Jurisprudence : Cass. soc., 14-02-2024, n° 22-14.385, F-D

Cass. soc., 14-02-2024, n° 22-14.385, F-D

A04932NL

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:SO00178

Identifiant Legifrance : JURITEXT000049198537

Référence

Cass. soc., 14-02-2024, n° 22-14.385, F-D. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/104992385-cass-soc-14022024-n-2214385-fd
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Abstract

► La pratique par une salariée d'un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés est de nature à caractériser un comportement rendant impossible son maintien dans l'entreprise et constitutif d'une faute grave.


SOC.

CZ


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 février 2024


Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 178 F-D

Pourvoi n° R 22-14.385


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 FÉVRIER 2024


L'association Maison [4], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-14.385 contre l'arrêt rendu le 3 février 2022 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant

1°/ à Mme [Aa] [S], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Maison [4], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [S], et après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 3 février 2022), Mme [S] a été engagée en qualité de directrice d'établissement, le 17 mars 2008, par l'association Maison [4], gestionnaire d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

2. Le 24 novembre 2014, elle a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement et a été mise à pied à titre conservatoire. Licenciée le 16 décembre 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de la rupture de son contrat de travail.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée des sommes à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, à titre d'indemnité légale de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de lui ordonner de rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois, alors « que l'employeur, tenu de l'obligation de prévention des situations de harcèlement moral et plus généralement des risques psychosociaux au sein de l'entreprise, ainsi que de l'obligation de mettre en œuvre les mesures de sécurité et de prévention dans l'entreprise à l'égard de l'ensemble de ses salariés, peut licencier pour faute grave un salarié dont il est établi que les méthodes de gestion consistaient en des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité des salariés placés sous sa subordination, d'altérer leur santé physique ou mentale et de compromettre leur avenir professionnel ; qu'en l'espèce, en jugeant que le licenciement pour faute grave de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse, après avoir elle-même constaté que l'employeur avait produit aux débats un courrier des délégués du personnel signé par trente-cinq salariés sur soixante, deux attestations de délégués du personnel et quatre courriers de salariés, dont un confirmé par attestation, dénonçant les méthodes de gestion de l'intéressée ayant causé la démission d'au moins deux salariées, le placement en arrêt de travail d'une autre, un mal être et une souffrance de la majorité du personnel, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il s'évinçait que la réalité des faits de harcèlement ressortait du nombre des courriers et attestations de salariés et représentants du personnel versés au débat ainsi que de la concordance des faits qui y étaient dénoncés, a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 1152-5, L. 1153-1, L. 1153-5, L. 1153-6, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail🏛🏛🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail🏛, ce dernier article dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛 :

4. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

5. Pour dire que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient d'abord que l'employeur qui avait reçu le 23 octobre 2014 des courriers remis par trois salariées faisant état de faits de harcèlement moral à leur encontre, n'a engagé que le 24 novembre 2014 une procédure disciplinaire à l'encontre de la directrice mise en cause dans ces courriers et qu'il n'est justifié de l'organisation d'aucune mesure d'enquête par l'employeur à la suite des dénonciations reçues ni après réception du courrier rédigé par Mme [U] en date du 19 novembre 2014 et de celui signé par neuf autres salariées le 20 novembre 2014, aucun élément ne permettant d'établir que l'employeur a cherché à vérifier que les faits qui lui étaient rapportés étaient effectivement constitutifs de faits de harcèlement moral imputables à la directrice.

6. Il ajoute que les courriers et attestations produits font état d'une attitude générale ou d'événements non datés et non de faits précis et circonstanciés, que la seule dénonciation d'un climat de travail tendu, de conditions et de relations de travail effectivement difficiles ou heurtées, ne peut valoir qualification de harcèlement moral et que s'il est fait ensuite état de décisions de la directrice au sujet de l'affectation de salariées à certaines tâches ou d'une surcharge de travail, la situation de tension, voire de stress ou de contrariété, même intense, qui est liée à un contexte professionnel difficile, à la nature de la tâche du salarié, ou à l'étendue de ses responsabilités, voire à une surcharge de travail, ne peut non plus être qualifiée de harcèlement moral.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations la pratique par la salariée d'un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés, ce qui était de nature à caractériser un comportement rendant impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des deux procédures, l'arrêt rendu le 3 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne Mme [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre.

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