ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
22 Janvier 1998
Pourvoi N° 95-45.400
M. ... et autres
contre
société CMB Plastique.
Vu leur connexité joint les pourvois n°s 95-45400, 95-45401 et 95-45402 ;
Sur le moyen unique commun à tous les pourvois, pris en ses première, deuxième et troisième branches
Vu les accords collectifs conclus les 14 février et 15 février 1990 au sein de la société CMB Plastique et les articles L 135-5, L 135-6 du Code du travail, ensemble l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, le 14 février 1990, un accord, dit projet d'établissement, a été conclu pour une période de 4 ans, à compter du 1er mars 1990, entre la société CMB Plastique et deux organisations syndicales, le syndicat autonome CSL et le syndicat CGC, afin de favoriser le maintien de l'activité de l'usine de Grenay et prévoyant un aménagement des coûts salariaux par une réduction des salaires mensuels bruts de base du personnel ; que, le 15 février 1990, un accord salarial a été conclu entre les mêmes parties pour une durée d'un an dans le but de " ramener le seuil de compétitivité de l'établissement de Grenay au niveau de celui des meilleurs de la profession et favoriser ainsi le maintien d'une activité industrielle sur le site " ; que, le 30 mai 1991, la direction de l'usine de Grenay a annoncé la fermeture du site de Grenay et le transfert du personnel à N ux-les-Mines ; que, le 9 janvier 1992, un protocole d'accord a été signé entre la société et les syndicats CFDT, CFTC et CGC, à l'exception du syndicat CSL, pour fixer les conditions du transfert du personnel de l'usine de Grenay sur le site de N ux-les-Mines et prévoyant une garantie de rémunération ; que chaque salarié a été invité à signer un avenant à son contrat de travail pour entériner cette mutation et informé que son défaut d'acceptation entraînerait la rupture de son contrat ; que MM ..., ... et ..., avant de signer cet avenant sous réserve de la procédure judiciaire en cours, ainsi que le syndicat autonome CSL ont saisi le conseil de prud'hommes, le 7 octobre 1991, aux fins de voir constater la violation de l'accord du 14 février 1990 et condamner la société CMB Plastique à réparer le préjudice subi ;
Attendu que, pour rejeter les demandes des salariés et du syndicat, la cour d'appel énonce que le but recherché par les accords des 14 et 15 février 1990 était de préserver avant tout les emplois plutôt que de favoriser l'implantation de l'usine dans tel ou tel lieu, qu'il n'y a pas eu de modification d'un élément essentiel du contrat de travail et que l'ensemble du personnel a accepté la mutation ; qu'elle ajoute que s'il y avait eu violation de l'accord, ce ne pouvait être qu'à compter de la mutation du salarié qui n'est donc pas fondé à réclamer rétroactivement un rappel de salaire avant son transfert sur l'autre site ; qu'elle écarte, enfin, l'application des dispositions de l'article L 132-7 du Code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, dès lors que l'accord du 14 février 1990 prévoyait sa révision en fonction de l'évolution économique et sociale, qu'il a été révisé par l'accord du 9 janvier 1992 et qu'en conséquence les intéressés ne peuvent invoquer la suppression ou la réduction d'un avantage acquis pour s'opposer à ce dernier accord ;
Attendu, cependant, que les accords des 14 et 15 février 1990 avaient pour objet, en contrepartie de l'acceptation par les salariés d'une réduction de leur rémunération, le maintien d'une activité sur le site de Grenay ; qu'en outre, la fermeture du site de Grenay résulte, non d'un accord conclu entre les partenaires sociaux, mais d'une décision unilatérale de l'employeur qui a précédé l'accord du 9 janvier 1992, lequel se borne à fixer, à la suite de cette décision, les conditions du transfert du personnel sur le nouveau site ; que si les salariés ne peuvent prétendre antérieurement à leur transfert sur le nouveau site et pour la période où l'accord a été appliqué au paiement d'une indemnité, ils sont fondés, à partir du moment où l'employeur a méconnu son engagement, à demander réparation du préjudice qui en serait résulté ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen
CASSE ET ANNULE, mais seulement en leurs dispositions rejetant les demandes des salariés en réparation du préjudice qu'ils ont subi pour la période postérieure à leur transfert sur le nouveau site de travail, les arrêts rendus le 13 octobre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.